Depuis le début du mouvement contre la réforme des retraites, monsieur Denis Favier, président de la Fédération des commerçants et artisans dijonnais, s’est fendu de plusieurs sorties dans les médias quant au supposé impact des manifestations sur les commerces dijonnais du centre-ville.
Le 23 mars au matin, c’est une vingtaine de commerçant.e.s qui s’étaient rassemblé.e.s dans les locaux de Shop’In Dijon pour en discuter, et élaborer une liste de revendications à l’attention d’Olivia Grégoire, ministre du commerce.
Parmi celles-ci, la plus importante apparaît questionnante : classer tous les centre-ville de France Zone Commerciale Protégée, ce qui permettrait selon le vice-président de la CAMF (Commerçants et Artisans des Métropoles de France), de repousser les manifestations en périphérie, et ainsi ne plus impacter ni le trafic ni les commerces. Cette proposition fait singulièrement écho à la ligne gouvernementale de ne respecter le droit de grève que lorsqu’il ne bloque pas… Ainsi, en affichant une volonté de ne pas atteindre aux droits les plus fondamentaux, ces attaques régulières les vident de leur sens. Car le sens d’une journée de grève ne réside pas en la perte d’une journée de salaire, mais en la construction d’un rapport de force, seul gage de victoire dans les luttes sociales. De même manifester ne consiste pas à se promener quelques heures ici ou là, mais à livrer la démonstration dudit rapport de force, à rendre visibles les luttes et revendications.
Le lieu d’une manifestation n’est donc pas anodin, et si les organisations syndicales occupent le centre-ville, ce n’est pas donc pas par pur bonheur de gêner les commerçants. C’est au centre-ville que l’on rencontre la population, que l’on peut échanger, que les passant.e.s peuvent s’apercevoir que leur colère est partagée. C’est aussi au centre-vile que se concentrent les lieux de pouvoir dont les occupant.e.s préfèrent trop souvent ignorer les revendications portées par les manifestant.e.s. Lorsque ces derniers se trouvent sous leurs fenêtres, l’espace d’un instant, ignorer n’est plus possible.
Déplacer les parcours de manifestation aux périphéries ne serait alors qu’une violence symbolique supplémentaire contre le mouvement social qu’on ne cesse de vouloir mettre sous cloche.
La demande de monsieur Favier pose un autre problème, celui de véhiculer une vision très contestable du mouvement contre la réforme des retraites. En effet, quelque soit la forme des manifestation (déclarée ou non, de jour ou nocturne), l’accueil des commerçant.e.s croisé.e.s sur les différents parcours est majoritairement très favorable. Nombreux sont les applaudissements, les encouragements, les remerciements. La peur et la crainte ne sont pas au rendez-vous, les rideaux ne sont que très rarement baissés. Et pour cause. Lorsque le flot de colère submerge les cortèges, ce sont les poubelles ou les panneaux publicitaires qui en font les frais. Parfois quelques autocollants, affiches, et autres confettis viennent décorer agences immobilières, d’intérim, ou grandes banques aux dividendes colossaux. Mais jamais les petits commerces du centre-ville n’ont eu à déplorer de dégradations. Si l’on excepte bien sûr les terrasses arrosées de gaz lacrymogènes et les verres cassés par des lancers douteux de grenades de la part des forces de l’ordre. Mais qui est à blâmer lorsque cela arrive ? Les auteurs des lancers ou celles et ceux qui les subissent ? A cette question, les commerçant.e.s rencontré.e.s semblaient partager la même réponse que les manifestant.e.s.
Espérons donc que cette demande restera lettre morte, et que le mouvement social ne subira pas une nouvelle attaque qui viendrait encore fragiliser ce qu’il reste de notre démocratie. Ce n’est que mon point de vue bien entendu, libre à vous de le partager ou de le contester.
La Chouette