Une étonnante surprise attend ce mois-ci les lecteurs du magazine départemental Côte-d’or le mag. En effet, le groupe Côte-d’Or Terres d’Avenir – groupe politique au sein de l’Assemblée départementale de la Côte-d’Or – a fait le choix ce mois-ci d’utiliser son espace d’expression dédié pour publier une tribune contre la réforme des retraites. Rien d’étonnant au premier abord. Mais une simple recherche sur les signataires soulève une question de taille.
Il nous paraît tout d’abord important de retranscrire ici cette tribune dans son intégralité :
“Depuis 5 mois, dans l’unité syndicale et des partis de gauche, les mobilisations s’enchaînent pour s’opposer à la réforme des retraites, en Côte-d’Or comme ailleurs. La journée de lutte pour les droits des travailleurs, le 1er mai, en a été un nouvel exemple.
Cette loi est tout d’abord profondément injuste sur le fond, notamment en raison du relèvement de l’âge légal à 64 ans, qui pénalise celles et ceux qui ont commencé à travailler le plus tôt et/ou exerçant des métiers pénibles et précaires. Elle réduit également certaines pensions de manière automatique et annule les effets des trimestres accordés pour les enfants, sanctionnant ainsi doublement les femmes.
Les économies, présentées par le gouvernement comme le motif impérieux de cette réforme, seront complètement remises en cause par le coût de nouvelles mesures d’accompagnement des seniors contraints de rester plus longtemps au chômage ou au RSA avant leur retraite (ce dernier financé par le département). Cette loi fragilisera également l’aide intergénérationnelle, dont l’impact ne peut être chiffré, mais qui profite à tous (accompagnement des proches en perte d’autonomie, garde d’enfants, vie associative, etc.).
Sur la forme, la méthode adoptée a fragilisé davantage nos institutions. La limitation du temps de débat, le refus d’étudier les amendements présentés par l’opposition, et en particulier les alternatives au relèvement de l’âge de départ, jusqu’au vote bloqué par le 49.3, ont contribué à faire émerger le sentiment de déni de démocratie et d’un chef qui gouverne contre son peuple.
Pour toutes ces raisons, nous soutenons pleinement les actions de protestation menées par l’intersyndicale et appelons chacune et chacun à participer aux prochaines manifestations.”
Les signatures sont facilement accessibles, puisqu’indiquées dans un encart à droite : Christophe Avena, Céline Tonot, Isabelle Cognard, Pierre Audard, Nathalie Koenders, Billy Chrétien, Catherine Hervieu, Hamid El Hassouni, Nuray Akpinar-Istiquam, Benoît Bordat, Mone-Thérèse Pugliese, Maasar N’Diaye, Gaëlle Thomas, Martial Mathiron, Christophe Lucand et Céline Maglica.
On pourra nous opposer que ce ne sont pas les signataires de ce texte qui y sont apposés, mais simplement la liste des conseillers départementaux affiliés au groupe Côte-d’Or Terres d’Avenir. Argument peu entendable, l’expression d’un groupe politique dans une tribune de cette forme engage de fait l’ensemble des représentants de ce groupe.
Or, dans cette liste, un nom a rapidement attiré notre regard, celui de Benoît Bordat. Pour rappel, Benoit Bordat, député de la 2ème circonscription de Côte-d’Or, est affilié au groupe Renaissance. Comment expliquer un tel grand écart ? Au regard du parcours politique de Benoît Bordat, beaucoup de personnes l’accusent d’être un opportuniste, et signer une telle tribune ne va pas l’aider à faire oublier cette image. Mais pourquoi l’avoir validée ? Y aurait-il des dissensions au sein de la majorité présidentielle ? Comment sinon expliquer cet affichage d’une franche opposition à la réforme des retraites et, plus largement, contre le gouvernement ?
Pour rappel, le député a participé à la réunion avec l’intersyndicale (La CGT de Côte-d’Or, l’union syndicale Solidaires de Côte-d’Or, l’UNEF, la FSU, CFE-CGC et Force ouvrière) le lundi 5 juin 2023 à Beaune, réunion dont le but était justement de discuter de la réforme des retraites. Fadila Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales, et Didier Paris étaient également présents.
Selon plusieurs sources syndicales, lors de cette rencontre, Benoit Bordat est apparu plutôt silencieux voire gêné à certains moments. La parution de cette charge contre la réforme des retraites constitue peut-être un élément de réponse.
La signature de cette tribune par Benoit Bordat soulève des questions dans l’opinion publique : il est perçu comme capable de changer rapidement d’opinion, voire de retourner sa veste du jour au lendemain, selon certains. En signant cette tribune, Benoit Bordat soutient pleinement les actions de protestation menées par l’intersyndicale et appelle, comme ses collègues, chacune et chacun à participer aux prochaines manifestations. Voilà qui va faire plaisir à l’intersyndicale. Quant à ses collègues Fadila Khattabi, Didier Paris, et Didier Martin, rien n’est moins sûr…