C’est un paradoxe qui a pris tout son sens dans nos quartiers : la présence policière, censée préserver la tranquillité, perturbe en réalité le trafic de stupéfiants, au grand dam des dealers. Cette situation est similaire à celle vécue par les commerçants du centre-ville de Dijon pendant la réforme des retraites. Plus il y avait de manifestations en centre-ville, plus la clientèle diminuait, et par ricochet, leur chiffre d’affaires.
À Fontaine d’Ouche, la scène que nous avons observée a été éloquente : un homme s’est approché d’un groupe de jeunes avenue Edouard Belin, apparemment prêts à semer le chaos dans le quartier. “Le prochain qui allume un incendie, on le latte, c’est clair”, a-t-il déclaré, et les jeunes se sont dispersés calmement. Nous avons retrouvé cet homme le lendemain sur un point de deal bien connu de ce quartier.
Mais cette situation ne se limite pas à Fontaine d’Ouche. Elle s’est également reproduite, sous une forme différente, dans le quartier des Grésilles et à Chenôve. C’est un fait : ce sont les dealers qui ont pris l’initiative d’apaiser les esprits dans certains quartiers de Dijon et dans certaines villes de la métropole.
À Chenôve, la colère était palpable suite au décès du jeune Nahel, tué par un policier à Nanterre. Malgré des incidents sporadiques – voitures brûlées, feux de poubelles ici et là – le pire a été évité. Soyons réalistes et lucides : ce sont aussi les dealers qui ont donné des consignes.
Le raisonnement est simple : moins il y a d’incidents, moins la présence policière est forte, plus le commerce fonctionne, et plus l’argent rentre. Nos dealers ne sont ni plus ni moins que de vrais chefs d’entreprise, avec leurs salariés – des jeunes manipulés, hélas, – et une influence sur nos quartiers qu’il ne faut surtout pas sous-estimer.
En définitive, c’est une étrange dynamique qui s’est instaurée dans nos quartiers. Alors que la police est censée assurer la sécurité, ce sont désormais les dealers qui semblent avoir pris les rênes, mettant en place un ordre de la rue au service de leur business. Une situation complexe qui suscite autant d’interrogations que d’inquiétudes.