Un appel au soutien avait été lancé pour le 16 août, en prévision du procès des 7 militants accusés d’avoir dégradé trois agences de la BNP Paribas à Dijon lors d’une action nationale. Cet appel a trouvé écho chez près de 70 personnes qui, dès 11h30 hier, se sont rassemblées devant le tribunal correctionnel de Dijon, situé au 13 Bd Clémenceau, afin de soutenir les prévenus et leur démarche.
L’action incriminée s’est déroulée le 10 mai 2023. À cette date, les militants ont dégradé trois distributeurs automatiques de billets (DAB) de la BNP Paribas et ont recouvert de peinture noire la façade de la banque située place Darcy. Cette action de désobéissance civile non-violente a été pleinement revendiquée par le collectif lors de l’audience, qui a duré près de trois heures.
Lors de ce procès, les militants ont tenu à rappeler, et cela a été souligné par Julia Steinberger, co-auteure du rapport du GIEC, que BNP Paribas est le 11e financeur mondial des énergies fossiles. Aux côtés de la Société Générale et du Crédit Agricole, BNP Paribas soutient notamment le projet EACOP piloté par Total Energie. Si cet oléoduc est construit, il traversera des écosystèmes et villages en Ouganda et en Tanzanie sur une distance de 1 444 km, endommageant ces zones, avec pour ambition de transporter 216 000 barils de pétrole par jour.
Ce projet représente l’apogée du mépris pour le vivant de la part du secteur financier axé sur les énergies fossiles. En outre, selon les projections actuelles, le réchauffement climatique devrait entraîner, d’ici 2050 (avec une augmentation de +2°C), la migration d’un milliard de personnes vivant dans des zones côtières, ainsi que d’un nombre équivalent d’individus résidant dans des régions chaudes et humides, comme en Inde. Cette trajectoire menace également les productions agricoles, y compris en Europe. Les actions de BNP Paribas et Total Energie sont littéralement meurtrières. Les personnes informées ont le devoir d’alerter leurs concitoyens et d’exercer une pression sur les décideurs.
Maître Poix, l’un des avocats des militants, n’a pas manqué de rappeler qu’aujourd’hui, toutes les institutions coopératives internationales ainsi que les scientifiques nous alertent sur le fait qu’on va droit dans le mur. Puis il a ajouté : « Et de l’autre côté, nous avons la BNP qui augmente son financement des énergies fossiles de 20 %. Un tel constat n’est plus ni acceptable ni tolérable. Face à cela, des mouvements tels qu’Extinction Rebellion se forment. Ils entreprennent des actions pour militer, sensibiliser et lancer un débat d’intérêt général ».
La question de fond, lors de ce procès, a été de savoir si le mobile était politique. Les avocats des prévenus souhaitaient la requalification des faits sur ce sujet. Le procureur de la République, Olivier Caracotch, ne conteste pas la défense sur ce point : le mobile est bien de nature politique. Mais cela conduit-il à une infraction politique ? La réponse est non pour le procureur de la République : « À aucun moment ils n’ont revendiqué leur action lors de leur interpellation ou de leur garde à vue ; ils ont gardé le silence et ont agi en se dissimulant ».
Le procureur de la République, Olivier Caracotch, reconnaît tout de même la réalité de l’urgence climatique. Mais est-ce un motif pour renoncer à l’état de droit ? Il pose la question. « Est-ce que cette minorité active, qui détient une forme de vérité, peut imposer sa vision et ses modes d’action ? C’est pour cela qu’on est là », précise-t-il. « Leur participation est établie ; on ne peut pas les relaxer, même au nom de la liberté d’expression. » Il requiert alors des travaux d’intérêt général pour tous.
Du côté de la BNP Paribas, Me Geslain, leur avocate, constate qu’aucun d’entre eux ne regrette ce qu’ils ont fait. Elle demandera le remboursement du préjudice matériel, évalué à 5 900 €, et un euro symbolique pour préjudice moral. Une question se pose alors : est-ce que 5 900 euros correspondant au nettoyage de la façade de l’agence Darcy seraient remboursés par l’assurance ? Me Geslain, leur avocate, restera bien silencieuse sur le sujet. De plus, la façade de l’agence Darcy avait déjà été dégradée par de la peinture lors des manifestations contre la réforme des retraites. Le devis établi et fourni au tribunal tient-il compte de cela ? Là aussi, Me Geslain, avocate de la BNP Paribas, n’en dira pas plus.
La défense souligne les dommages limités et les qualités des accusés : “Ils n’ont pas d’antécédents judiciaires, ils sont empathiques, impliqués dans plusieurs associations, et ils sont conscients de leurs actions”, déclare leur avocat. “Il serait incohérent d’imposer des travaux d’intérêt général à des individus déjà engagés pour le bien commun.” Sa collègue, Me Abramowitch, plaide pour leur acquittement. “Parler de préjudice moral en ce contexte est une provocation”, dit-elle. “Utiliser un morceau de carton pour un tag symbolique relève de leur liberté d’expression. Les actions de désobéissance civile ne vont pas à l’encontre de la démocratie, elles peuvent être moteur de changement”.
Elle terminera sa plaidoirie en désignant la BNP et TotalEnergies comme les vrais coupables, accusant ces entreprises de pollution. “Si vous jugez ces militants coupables, c’est l’espoir, la résistance et la démocratie que vous condamnez”, dira l’avocate avec force à la présidente du tribunal correctionnel. Ce qui ne laissera pas indifférents ceux et celles qui sont venus les soutenir.
Suite à la délibération, les magistrats ont choisi de reclassifier les actes en tant que contraventions de 5e classe. Six des individus ont été reconnus coupables de dégradation mineure, tandis que le septième a été reconnu coupable de complicité pour avoir fait le guet. Les trois femmes, ayant causé le plus de dégâts sur la place Darcy, ont écopé d’une amende de 1 500 € avec sursis, elle devrons aussi payer solidairement 5 900 euros correspondant au nettoyage de la façade. Pour les autres, l’amende s’élève à 1 000 €, également avec sursis. Ils seront tenus d’indemniser la BNP. Bien qu’ils ne soient pas inscrits au casier judiciaire, la présidente a souligné que cette sentence est avant tout un avertissement.
Après la décision prononçant des amendes avec sursis, Me Abramowitch, l’avocate des activistes, a exprimé sa déception de ne pas avoir obtenu l’acquittement, en particulier au nom de la liberté d’expression. Toutefois, elle estime que la requalification des dégradations en contraventions au lieu de délits est un aspect positif. Reste à voir si les prévenus choisiront de faire appel ; ils vont étudier la question dans les jours à venir.
Dijon Actualités a consacré son après-midi au tribunal correctionnel de Dijon, prenant des notes ainsi que des photos et vidéos. Nous tenons à souligner ici même qu’il n’est pas acceptable de travailler dans de telles conditions. Les juges, la greffière, les prévenus, le procureur de la République, les avocats, tous ceux et celles qui ont participé à cette audience ont souffert de la chaleur accablante dans la salle d’audience. Il paraîtrait judicieux d’envisager l’installation d’une climatisation ou, à défaut, de ventilateurs.
Une chose est sûre, malgré la chaleur intenable de la salle d’audience, le procès aura été une vitrine pour Extinction Rebellion. Il est à noter que la CGT de Côte d’Or était présente pour les soutenir, ainsi que les Amis de la Terre, Attac, la FSU, et d’autres.











