Christine Le Noan, Directrice générale du Crous Bourgogne-Franche-Comté, et son équipe ont eu le plaisir de convier les journalistes à une conférence de presse de rentrée du Crous, le mercredi 30 août dernier, afin de présenter les nouveautés, dispositifs et événements phares à la veille de la rentrée 2023-2024. L’occasion pour Dijon Actualités de donner la parole aux représentants du syndicat Unef Bourgogne… Clara Privé, élue au conseil d’administration du CROUS de Bourgogne-Franche-Compté, et Zoé Degoix, présidente de l’UNEF Bourgogne, ont accepté de répondre à nos questions.
La Bourgogne-Franche-Comté compte 21 841 boursiers. Une revalorisation des bourses de 37 euros par mois a été effectuée. Est-ce suffisant selon l’Unef Bourgogne ?
La revalorisation débute à 37 €, en effet, pour les échelons 0 bis. C’est une première annonce, mais un soulagement pour les budgets des étudiants. Cependant, nous savons pertinemment que ce n’est pas suffisant. Sur le quinquennat Macron, on remarque une augmentation de 25,15 % du coût de la vie étudiante. Cette année, nous enregistrons une hausse de 6,47 %. Même si cette revalorisation des bourses est mise en avant par le gouvernement Macron, qui peut clamer haut et fort qu’il s’agit d’une revalorisation historique, elle ne tient pas face à l’inflation. C’est certes une avancée appréciable, et on pourrait croire à un geste social envers les étudiants de la part de ce gouvernement. Pourtant, elle n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan de la précarité étudiante en 2023.
Le gel des loyers en résidences universitaires est maintenu pour la quatrième année consécutive, tandis que les aides personnalisées au logement (APL) ont augmenté de 1,6% en avril dernier. Selon vous, faut-il aller plus loin ?
Le gel des loyers du CROUS est un immense camouflage ! Et, dans ce cas précis, ce n’est pas la faute du CROUS ou des œuvres universitaires, mais celle du gouvernement. Malgré un gel des loyers depuis 4 ans, la réalité est que les charges augmentent de 2 à 5 % selon les années et selon les décisions de ce gouvernement. C’est une contrainte imposée au réseau des œuvres universitaires. Par exemple, au CROUS Bourgogne-Franche-Comté, nous constatons que 10 ou 12 personnes s’opposent à cette hausse des charges. Cela inclut le personnel, l’ensemble des étudiants, et une partie des personnalités extérieures, notamment de la métropole dijonnaise. Et le problème est que ces charges augmentent bien plus vite que les APL. Le gouvernement joue donc avec les chiffres : on nous annonce une augmentation des APL de 1,6%, mais dans le même temps, les charges augmentent de 3,5%. Tout en nous affirmant que les loyers sont gelés. C’est incohérent. Par exemple, hors de la Bourgogne-Franche-Comté, à Toulouse, l’augmentation des charges est phénoménale, dépassant 100 €, car les frais associés y sont plus élevés. C’est encore une fois un jeu de chiffres qui n’a pas de sens. En Bourgogne-Franche-Comté, pendant 3 ou 4 ans consécutifs, nous avons observé une hausse des charges pour les étudiants. Nous estimons donc que c’est largement insuffisant, voire même un pas en arrière par rapport à ce que nous avions il y a quelques années.
Christine Le Noan, Directrice générale du Crous Bourgogne-Franche-Comté, a beaucoup mis en avant le gel des loyers. Ne fait-elle pas le jeu du gouvernement dans ce cas-là ?
Christine Le Noan est une administratrice nommée par le gouvernement et par le CNOUS. Il est donc évident qu’elle relaie un discours gouvernemental. C’est ce qui lui est demandé, notamment pour mettre en valeur les politiques du CROUS, surtout depuis le recours à l’article 49.3 lors de la réforme des retraites. La jeunesse s’est massivement mobilisée contre ce qu’elle considère comme un déni de démocratie de la part du gouvernement. Depuis ce moment, on remarque que le gouvernement craint les étudiants et la jeunesse en général. Les protestations à la suite du décès de Nahel, l’invocation du 49.3, ont vu une majorité de jeunes descendre dans la rue, étant les plus virulents et vindicatifs. En réalité, le gouvernement tente, via le réseau des œuvres, d’apaiser les étudiants, qui sont pourtant dans une situation précaire. Beaucoup n’ont pas suffisamment de ressources pour payer leur loyer, sont pressés de terminer leurs études car leurs parents peinent à financer la suite. Rappelons que les boursiers représentent 27 % des étudiants. Nous sommes donc face à une situation critique.
Le CROUS dispose de 6 779 logements, dont près de 3 600 à Dijon. Selon vous, faut-il davantage de logements étudiants à Dijon?
Oui, il est évident que nous avons besoin de davantage de logements étudiants à Dijon. Une nouvelle résidence CROUS ouvrira l’année prochaine, et une réhabilitation est prévue pour la fin de cette année. La directrice du CROUS a annoncé en grande pompe la réhabilitation de la résidence de Beaune. Ainsi, nous aurons 400 logements qui seront remis aux normes, et 500 autres devraient être créés d’ici 2 ans. Une des difficultés dans la construction de logements étudiants réside dans la lenteur administrative, surtout face à des situations d’urgence. Dans des villes comme Dijon (et pas seulement), nous faisons face à une tension énorme concernant le logement. Cette tension perdure parce que le nombre d’étudiants augmente plus rapidement que le nombre de logements étudiants disponibles. On évoque fréquemment les effets de la loi Parcoursup, le boom démographique de l’an 2000, qui entraîne aujourd’hui un afflux de nouveaux bacheliers dans nos universités, ainsi que l’augmentation du nombre de personnes reprenant leurs études à 30 ou 40 ans. Tout ceci conduit à une explosion de la population universitaire. Nous manquons clairement de logements à Dijon, mais Madame Le Noan ne peut pas faire grand-chose face à ce manque structurel. Malheureusement, nous avons un gouvernement qui, depuis 2017, promet 60 000 logements supplémentaires à travers la France. Seulement un peu plus de 3 000 ont été réalisés. C’est terrifiant de constater que moins de 5% des logements promis par Emmanuel Macron et Frédéric Vidal en 2017 ont été effectivement construits.
La résidence Beaune, adjacente au campus universitaire de Dijon, a rencontré des problèmes récurrents d’infestations de blattes et de punaises de lit. Où en est la situation actuellement pour cette résidence ?
La résidence de Beaune a été désinfectée cet été. D’après les dernières informations que nous avons reçues, cela n’aurait pas été efficace car il semblerait qu’il y ait toujours des cafards dans le bâtiment. Il semble que le problème des punaises de lit ait été entièrement traité, mais des problèmes persistent concernant les blattes et les cafards. Il faut savoir que cette information, qui nous a été remontée hier, n’a pas encore été divulguée dans la presse. Nous savons qu’il est très difficile d’éliminer ces nuisibles, mais nous saluons la volonté du CROUS d’avoir pris l’initiative de désinfecter cette résidence. Leur démarche est à noter.
Un plan a été annoncé, qui semble encore être un effet d’annonce du gouvernement concernant l’élimination des nuisibles tels que les punaises de lit, blattes et cafards, mais sans moyens concrets mis sur la table. Sachant que la résidence de Beaune est l’une des plus grandes de Dijon en termes de chambres et de résidents, il était prévisible que de tels problèmes se manifesteraient. La désinfection a eu lieu, mais elle n’a pas été suffisamment efficace compte tenu de l’ampleur de la situation.
À Dijon, les prochaines rénovations, bien qu’encore non-programmées, concerneront les pavillons Bossuet, Buffon et Lamartine de la résidence Montmuzard. Selon vous, faut-il accélérer le processus de réhabilitation de ces pavillons ?
Aujourd’hui, nous sommes confrontés à une réelle problématique : des étudiants vivent dans des logements insalubres. Imaginez un étudiant qui se réveille le matin en ayant froid parce que son logement est mal isolé. Il se rend ensuite à ses cours dans des bâtiments universitaires mal isolés, souvent même avec de l’amiante, ajoutant ainsi des risques sanitaires. Ses journées s’étendent fréquemment de 8h à 20h. À midi, tous n’ont pas la chance de pouvoir manger. Selon l’UNEF, un étudiant sur deux saute un repas une fois par semaine pour des raisons économiques. En fin de journée, il rentre dans sa chambre universitaire confronté à des problèmes de salubrité, avec des espaces communs vieillissants, un manque d’espaces de travail et une mauvaise isolation thermique. Donc oui, il faut accélérer le rythme. Trop souvent, lorsqu’on évoque les étudiants, on imagine un grand amphithéâtre bondé. Pourtant, il s’agit de personnes individuelles, avec une vie, des études à poursuivre, un cursus à suivre et souvent des engagements associatifs à assumer. Il est donc impératif d’agir rapidement, car la santé de ces étudiants est en jeu. L’aspect écologique est également crucial : les déficiences thermiques des résidences CROUS sont notoirement connues. Leur réhabilitation devient essentielle, surtout lorsque l’on constate la hausse constante des charges.
Cette année à Dijon, une nouveauté se démarque : le nombre de places de parking devant le restaurant universitaire Montmuzard a été réduit. En lieu et place, des tables de pique-nique ont été installées. Est-ce une bonne initiative ?
Concernant l’installation de ces tables de pique-nique, nous sommes en réalité face à un problème plus profond. Est-ce une bonne idée de permettre aux étudiants de manger à l’extérieur sur de telles tables ? Cette situation est révélatrice d’un enjeu majeur en France : les tensions croissantes entre les CROUS et les universités. Pourquoi ces tensions ? Parce que les CROUS, étant sous-financés, ne disposent plus des ressources nécessaires pour assurer leurs trois missions principales : la restauration, le logement et l’aide sociale. Sur le terrain, cela se manifeste par des conflits de territoire, comme celui du parking de Montmuzard. Aujourd’hui, les campus universitaires n’ont plus la capacité de s’étendre, d’où cette “guerre du cadastre”. Le CNOUS fait face à une demande croissante en matière de restauration universitaire, avec, selon le rapport d’activité, une augmentation de 8% cette année au niveau national de la fréquentation des restaurants universitaires. Pour répondre à cette demande, il est nécessaire de proposer de la vente à emporter et de créer des espaces où les étudiants peuvent manger. Parallèlement, le nombre d’étudiants dans les universités augmente, ce qui entraîne des besoins accrus en matière de personnel, d’enseignants, etc., et donc une demande plus importante pour des places de parking. Nous sommes donc en présence d’un problème qui, bien que semblant anodin, découle de besoins spécifiques de chaque acteur de la vie universitaire. Toutefois, dans le contexte actuel, ni le gouvernement ni les institutions universitaires et de l’enseignement supérieur en France ne semblent en mesure de le résoudre. Ainsi, des conflits émergent autour de simples tables de pique-nique.
Face à une offre insuffisante de restauration pour les étudiants dijonnais, le CROUS a lancé une étude avec le soutien de la Métropole de Dijon. Les conclusions présentées par le cabinet Latitude préconisent la création d’une structure en centre-ville, combinant cafétéria et restaurant universitaire, avec une capacité d’accueil de 250 personnes. Selon l’Unef Bourgogne, une telle initiative aurait dû voir le jour bien plus tôt. Qu’est-ce qui a causé ce retard ?
Ce qui a bloqué, ce sont les lenteurs administratives et les problèmes du dernier plan de relance. Il faut comprendre que le plan de relance précédent, lancé avant le Covid, n’avait alloué aucune subvention au CROUS de Bourgogne Franche-Comté pour diversifier son offre de restauration, que ce soit à Dijon, Besançon ou dans toute la Franche-Comté. Il est à noter que Marais avait subi un incendie et que les délais liés à l’expertise des assurances et à la remise en état du site ont été extrêmement longs, retardant considérablement le projet de construction en centre-ville. Bien sûr, nous nous réjouissons de cette future création en centre-ville, mais estimer une capacité d’accueil à 250 places semble limité compte tenu de la population étudiante du centre-ville. Avec des établissements tels que la BSB rue Devosge, l’École Supérieure de Musique place Grangier et d’autres campus au centre-ville, la demande est bien plus importante.
Ensuite, sur le campus, le restaurant universitaire de Montmuzard sert 3 600 repas par jour alors qu’il n’a une capacité que pour 2 800. L’Unef Bourgogne est particulièrement préoccupée par la surcharge de travail du personnel du CROUS. Ces employés sont essentiels pour nous, étudiants, car ils sont notre premier point de contact au quotidien. Si ces employés souffrent de burn-out, cela impactera directement notre vie étudiante. Avec la réforme de la licence de 2018, les emplois du temps sont plus chargés, laissant parfois seulement 45 minutes aux étudiants pour déjeuner. Ainsi, une offre de restauration plus conséquente est nécessaire sur le campus pour répondre aux besoins des étudiants de l’Université de Bourgogne, ainsi que des futurs établissements qui rejoindront le campus. Sans oublier les écoles d’infirmières et les écoles pour les travailleurs sociaux, qui augmentent le nombre d’étudiants sur le campus. La problématique est donc claire : il y a un manque flagrant de places pour se restaurer sur ce campus.
Y a-t-il un sujet que vous souhaitez aborder ?
Quand on parle du CROUS en France, et plus particulièrement en Bourgogne Franche-Comté, on aborde souvent la question des aides sociales. Aujourd’hui, nous sommes face à un problème structurel : le CROUS ne dispose pas d’assez de personnel pour lutter efficacement contre la précarité étudiante. Un chiffre très éclairant, tiré du rapport d’activité, indique que 1,5 million d’euros ont été attribués de manière ponctuelle suite à 5000 rendez-vous organisés pour recevoir les étudiants durant l’année universitaire. Parmi ces 5000 rendez-vous, certains étudiants ont été reçus à plusieurs reprises. Si l’on se réfère aux chiffres nationaux, cela équivaut plutôt à 3000 étudiants uniques reçus, ce qui représente 10% des étudiants alors que l’Unef estime que 40 à 50% des étudiants vivent en situation de pauvreté sur les campus. Il y a manifestement un décalage problématique.
On parle beaucoup de Dijon et de la métropole, ce qui est compréhensible, mais on oublie souvent les campus territoriaux et délocalisés où, dans certains cas, jusqu’à 50% des étudiants sont boursiers, et où la précarité est d’autant plus prononcée. L’Unef le souligne, certes, mais la Cour des comptes le confirme également dans son rapport de cette année intitulé “Université et territoire”. En réalité, le problème central réside dans le manque de travailleurs sociaux présents en Bourgogne Franche-Comté et dans leur capacité à accompagner les étudiants. Ces professionnels, confrontés quotidiennement à la misère étudiante, sont débordés. La situation exige un renforcement des équipes. Au-delà des 26 assistants sociaux recrutés à travers la France suite à la décision du gouvernement Macron il y a un an, il est impératif d’embaucher massivement des travailleurs sociaux pour accompagner les étudiants. Il est inacceptable d’avoir un mois d’attente pour un rendez-vous avec un assistant social du CROUS en février. Il est donc essentiel de repenser et revoir ces aspects, car il y a un non-recours significatif aux aides ponctuelles proposées par le CROUS.