Face aux problèmes de logement qui touchent les vendangeurs et à l’augmentation des controverses dans les vignobles suite à l’arrêté préfectoral, Dijon Actualités a pris l’initiative de rencontrer trois vendangeurs qui ont accepté de partager leur expérience : Louise, Émile et Arthur. À leur demande, nous avons changé leurs prénoms pour préserver leur anonymat. Les trois d’entre eux sont ce que l’on appelle des travailleurs précaires. Pour rappel, la saison des vendanges, point culminant de la saison viticole en Côte-d’Or, a débuté de manière peu favorable pour les travailleurs saisonniers. Selon un communiqué de presse récent de Solidaires 21, ces travailleurs font face à des conditions de travail et de logement précaires, malgré l’importance cruciale de leur rôle dans le secteur viticole.
Bonjour, suite au communiqué de presse du syndicat Solidaires 21, nous voulions échanger avec des saisonnier.es pour comprendre la situation. Pourriez-vous nous dire depuis quand vous avez commencé les vendanges ? Et avez-vous l’habitude de les faire ?
On est deux à les faire depuis quelques années dans différents domaines de la Côte, pour Arthur c’est sa première année. On a commencé les vendanges le 7 septembre, mais certains ont même commencé le 5 et le « village vendangeurs » n’a ouvert que le soir du 11 septembre ce qui est un premier problème.
Nous comprenons que la situation de l’hébergement est très tendue, pourriez-vous nous dire comment vous vous organisez de votre côté ?
On s’organise comme on peut. Certains trouvent des terrains couverts pour camper, où ni les flics ni les drones ne peuvent les griller, certains squattent des maisons vides, d’autres ont réussi à se trouver une place dans le village vendangeurs, et y’a aussi des amis d’amis qui habitent dans les 30 minutes qui peuvent accueillir des gens par-ci par-là. Mais c’est franchement une sacrée galère et chaque soir c’est l’incertitude pour le lendemain soir.
On peut donc dire que certains domaines jouent le jeu des saisonnier.es ?
Une minorité de domaines logent leurs vendangeurs dans des conditions décentes, d’autres « aident » face aux consignes absurdes de la préfecture mais dans ce cas, c’est clairement très précaire. Enfin, d’autres acceptent de participer aux frais du village vendangeurs. Mais clairement, la majorité des domaines ne se sent pas concerné par les soucis de leurs vendangeurs.
Avez-vous pu échanger avec des saisonniers d’autres domaines ?
Oui, de manière assez limitée car l’éloignement géographique des domaines et la fatigue des derniers jours (en plus avec les fortes chaleurs) n’a pas rendu la chose aisée. Ce qui est évident, d’après nous, c’est qu’il apparaît que de nombreuses personnes se retrouvent avec des solutions de logement extrêmement précaires et certaines sans aucune solution. On espère en tout cas, en rencontrer d’autres pour essayer de trouver des solutions !
Que pensez-vous du camping et de son prix ?
On ne vient pas travailler dans les vignes pour être parqués dans un camp surveillé (présence sur place de vigiles) d’où on ne peut ni sortir ni rentrer après 22 h, et où en plus il faut payer l’équivalent d’une heure de travail pour une nuit de sommeil. C’est une solution précipitée face à la volonté de la préfecture d’appliquer une loi veille de 50 ans et qu’aucun préfet n’avait eu l’indécence de mettre en application de manière aussi absurde. Dès le lundi 11 septembre, journée d’ouverture du “village vendangeurs”, il n’était plus possible de réserver un emplacement parmi les 60 places disponibles. De plus, le village permet aux domaines viticoles de se désinvestir de la question du logement de leurs saisonniers. Même sur la côte Atlantique, ils commencent à loger gratuitement leurs saisonniers face à la pénurie, ici ils font tout l’inverse, c’est affligeant !
Face à cette situation, comment voyez-vous la suite ?
La suite ne semble pas bien jolie. Cette année, le zèle de la préfecture, couplé avec ce village fumeux se voulait être une expérimentation pour le futur. Comme dans toute expérience, il y a les expérimentateurs et les cobayes. Nous, nous refusons d’être les cobayes d’un préfet qui n’a aucune idée de comment se passent les vendanges. On espère aussi que les domaines vont se bouger pour trouver des solutions car sinon, ils vont pouvoir attendre longtemps avant de trouver des saisonniers prêts à travailler dans des conditions aussi pourries déjà que les salaires sont au minimum ! Clairement, nous ne pensons pas revenir dans de telles conditions l’an prochain.
*à leur demande les prénoms ont été modifiés