Aujourd’hui aura lieu le premier conseil municipal de rentrée à la mairie de Dijon. C’est l’occasion pour nous d’aborder ce conseil municipal avec Laurent Bourguignat, président du “Groupe Dijon Autrement”, élu « Les Républicains », qui a accepté de répondre à nos questions.
Concernant l’orientation générale de la municipalité, Laurent Bourguignat est un opposant « qui ne me dit pas tout le temps que tout va mal » précise-t-il. Cependant, il considère qu’il y a de réels problèmes à Dijon dont la majorité municipale de gauche est responsable ou co-responsable.
“Je vois trois lacunes majeures : la sécurité, car nous constatons une insécurité en nette progression à Dijon et sa métropole ; l’urbanisme, avec des constructions neuves qui sont trop massives et qui ne sont pas adaptées aux enjeux contemporains. Je ne suis pas contre la construction en tant que telle. Mais quand je vois des constructions massives sans espaces verts, je suis opposé à cette vision trop dense et esthétiquement inadéquate de l’urbanisme. Le troisième point concerne les classes moyennes. Je pense qu’à Dijon nous ne faisons pas assez pour accompagner les familles et les classes moyennes. Aujourd’hui, si vous appartenez à un public fragile – et j’ai beaucoup de respect pour lui – vous bénéficiez d’un accompagnement des politiques municipales avec des tarifs presque gratuits. Si vous êtes riche, vous avez les moyens de vivre dans une ville comme Dijon. En revanche, pour les classes moyennes, ce n’est pas toujours simple, par exemple avec des tarifs de restaurants scolaires et de périscolaire excessivement élevés. Les aménagements urbains ne sont pas toujours pensés pour les familles, ce qui explique d’ailleurs que nombre d’entre elles préfèrent partir pour la périphérie“, explique Laurent Bourguignat, avant d’ajouter : « Il nous faut veiller à rendre cette ville attractive pour la classe moyenne, qui contribue grandement à sa vitalité, y compris économique. »
La municipalité présentera lundi soir le grand projet du port du Canal. Quelle est votre position concernant ce projet majeur ?
Ils vont nous présenter ce qu’ils appellent le “Parc Eiffel”, qui est un réaménagement global du port du canal. Sur le principe, c’est une bonne chose. Je ne peux pas dévoiler en avance l’intégralité du projet, mais ils vont végétaliser et proposer un espace « guinguettes ». Je n’en dis pas plus.
Ce que je reproche à la municipalité, c’est une concertation nettement insuffisante. Il y a eu des ateliers citoyens, c’est vrai. Mais n’ont participé à ces ateliers que ceux qui ont pu y prendre part. Or, il y a des associations dans le quartier qui n’ont absolument pas été associées, à commencer par toutes les associations qui organisent la traditionnelle fête du port du canal. Je suis pour la consultation, ce qui ne signifie pas prendre en compte toutes les demandes. C’est aux politiques de trancher. Mais nous aurions pu au moins les consulter, d’autant plus qu’il y a l’avenir de la fête à considérer. Car, tel que le site est imaginé, vous le verrez lundi soir, cela ne laisse pas vraiment de place pour les animations habituelles. On peut imaginer une nouvelle formule pour cette fête du port du canal. Pourquoi pas ? Mais vraiment, vous ne pouvez pas ignorer tous ces bénévoles qui travaillent toute l’année pour organiser cette fête et les mettre devant le fait accompli. Par ailleurs, je connais plusieurs commerçants qui n’ont pas du tout été associés à la concertation et qui sont remontés. On organise des ateliers citoyens auxquels participent des Dijonnais (et merci à celles et ceux qui s’y rendent) mais cela ne peut pas être la seule et unique forme de concertation. Ces ateliers ne peuvent pas suffire ; il faut aussi aller directement consulter les commerçants et les habitants du quartier.
Sur le fond, je ne veux pas être un opposant systématique. Bien sûr, il y a des aspects intéressants dans le projet, et cela va redonner vie au site. On va dépenser 9 millions d’euros, donc, heureusement, ce sera mieux après.
Cependant, j’aurais aimé qu’on profite de cette occasion pour renforcer le lien avec la Cité de la Gastronomie. Je trouve que le projet se limite trop au simple plan d’eau et à ses abords.
A mes yeux, il nous faudra à terme acquérir le bâtiment situé 2 quai Nicolas Rollin, actuellement occupé par une pharmacie. Si vous connaissez les lieux, vous savez qu’il masque une belle perspective. Si un jour il était démoli, nous aurions une vue directe sur la Cité de la Gastronomie, sur les toits bourguignons de l’ancien hôpital général et sur l’Ouche. Cela permettrait une réelle mise en valeur des deux sites.
Par ailleurs, ce vaste chantier du Port du Canal est le moment idéal pour résoudre le problème de la “vélorue”. Nous avons un problème manifeste avec cette vélorue qui est un échec. Il faut la supprimer, pour la sécurité de tous. L’avenue Jean-Jaurès est un axe structurant de l’entrée de la ville. Avec le tram et une circulation importante, je pense que ce n’était vraiment pas l’endroit pour créer une vélorue.
L’association EVAD propose de supprimer toutes les places de stationnement le long de l’avenue Jean-Jaurès, êtes-vous pour cette proposition ?
Je ne partage pas cette idée, mais c’est bien de faire des propositions. Il n’y a pas de solution alternative au stationnement le long de l’avenue Jean Jaurès : d’abord, les places de parking qui se trouvent quai Nicolas Rollin vont être largement réduites par le Parc Eiffel. Quant au parking Monge, honnêtement, il est trop loin.
Les commerçants ont besoin de ces places de stationnement pour leurs clients. Ma proposition n’est pas celle-là. Comme nous allons travailler tout ce site, nous avons la possibilité d’élargir et peut-être de créer des voies dédiées : une voie pour les cyclistes, une pour les piétons.
Cependant, il faut conserver des places de stationnement. Les commerces en ont besoin, et les parents aussi pour déposer leurs enfants à l’école.
La ville de Dijon va proposer une charte intitulée « Charte partenariale de l’Habitation ». Selon vous, est-ce une bonne idée ?
Cette charte peut être utile, mais elle arrive un peu tard. Il y a tant de nouveaux quartiers qui ont vu le jour à travers Dijon, et on se demande : pourquoi ne pas l’avoir fait plus tôt ? Cette charte comporte 55 pages de recommandations qui seront transmises aux maîtres d’œuvre en charge de la construction de nouveaux immeubles.
Elle n’est pas opposable, ce n’est pas un document juridique. Quel sera véritablement le degré de suivi par les porteurs de projet ? Il est tout à fait légitime de se poser cette question.
Sur le fond, je suis d’accord avec beaucoup de points, qui sont des évidences, mais il y a des oublis. Par exemple, en matière de sécurité. Je trouve regrettable qu’il n’y ait pas un mot sur la sécurité, ce qu’on appelle la prévention situationnelle. Car quand on construit de nouveaux immeubles, il faut penser à la sécurité en termes d’éclairage, d’accès aux bâtiments, de communs, de recoins…
Je prends toujours l’exemple du Petit Citeaux. Nous sommes juste en face de l’Hôtel de Police, et pourtant, nous avons un quartier où, hélas, il y a notoirement du trafic. Pourquoi ? Parce que c’est un quartier qui est renfermé sur lui-même, avec de nombreux coins et recoins. C’est vraiment l’exemple type de ce qu’il ne faut plus faire.
Je trouve qu’il aurait été pertinent, dans cette charte, d’ajouter un volet sécurité.
J’aurais aussi aimé un volet sur la consultation des habitants, notamment via les ateliers de quartier. Car quand un nouvel immeuble est construit, il y a toujours des inquiétudes, et c’est bien légitime.
Quand, dans votre environnement de vie, vous voyez un chantier, vous pensez immédiatement aux nuisances : “ça va faire du bruit”, “ça va nous cacher la vue”, “il y aura moins de places pour stationner”. C’est bien normal ! Je pense que si les promoteurs venaient présenter leurs projets très en amont lors d’ateliers de quartier, ce serait utile. Il ne faut pas avoir peur : Ils ne sont pas à l’abri de repartir avec de bonnes suggestions.
Il ne s’agirait pas nécessairement de convaincre tous les habitants, mais de présenter leur vision. Cette charte est une initiative pas inutile, mais elle arrive tardivement. Sa rédaction aurait d’ailleurs mérité un débat, y compris avec les élus des oppositions.
Dijon accueillera Miss France 2024, est-ce une bonne chose selon vous ?
Personnellement, ce n’est pas mon truc, mais j’ai conscience que c’est un grand évènement populaire, une façon de faire parler de Dijon un samedi soir sur TF1.
Ce qui me dérange, c’est le prix des places : 80 euros, je trouve ça cher pour une manifestation qui se veut populaire.
Monsieur Bourguignat, vous avez pris l’initiative de déposer une question au prochain conseil municipal concernant les moustiques tigre. Pourquoi cette initiative ?
Dijon est touchée par les moustiques tigres depuis 2019. Cette année, leur prolifération a été particulièrement marquée dans de nombreux quartiers tels que le Port du Canal, les Bourroches et Université. Le moustique tigre est un fléau à l’échelle nationale. Nous savons que nous ne pourrons jamais l’éradiquer complètement, mais nous pouvons limiter son expansion. Certains gestes simples sont à adopter : éviter de laisser stagner de petites quantités d’eau dans son jardin ou sur son balcon, vider les coupelles et couvrir les arrosoirs. Il est essentiel d’adopter ces précautions. Je pense que nous aurions dû être informés de ces mesures avant l’été. La période de reproduction du moustique tigre se termine fin octobre ; organiser des réunions d’information maintenant semble tardif. Il faudra mieux anticiper l’an prochain et intensifier la communication à destination du grand public. Les réunions sont une bonne initiative, mais elles auraient été plus pertinentes en mai ou en juin. Je suggère aussi une distribution de flyers plus large, et pas seulement autour des foyers formellement identifiés.
Concernant la Cité de la Gastronomie et du Vin, il va y avoir une nouvelle modification des prix. Ne pensez-vous pas que les tarifs sont modifiés trop fréquemment ?
Si. Il n’y a pas un conseil municipal sans qu’une modification de la grille tarifaire de la cité de la gastronomie soit à l’ordre du jour. Et c’est un partisan de la cité qui vous parle… mais un partisan parfois bien inquiet. Je pense que ces modifications constantes des tarifs contribuent à la confusion.
Cette fois-ci, la majorité veut ajuster le tarif du billet “première découverte” de la cité : il passera de 11 euros à 15 euros pour les groupes et de 9 euros à 14 euros pour les revendeurs.
On nous explique que cette augmentation est due à l’augmentation du prix de la partie « dégustation » de cette offre.
François Rebsamen, maire de Dijon, lors du dernier conseil municipal, a fait une réflexion en fin de session. Vous aviez d’ailleurs réagi sur les réseaux sociaux. Il avait dit : “Je vous souhaite de bonnes vacances si je ne vous revois pas, et pour certains, ce sera avec un grand plaisir.” Comment avez-vous pris cette remarque ?
J’ai trouvé cela un peu déplacé. Des membres de mon équipe m’ont dit que c’était de l’humour et que je n’aurais pas dû réagir.
Pour tout dire, ce qui m’a marqué lorsqu’il a prononcé cette phrase, ce n’est pas tant le propos que le geste, puisqu’il a lâché son stylo avec une certaine hargne, ce qui, à mon avis, dément l’idée que c’était de l’humour.
Après, franchement, rien de grave ! J’imagine que quand on a présidé un conseil municipal pendant 4 heures, on est content que cela se termine.
Monsieur Bourguignat, est-ce difficile aujourd’hui d’être un opposant à François Rebsamen ?
La politique, ce n’est pas une partie de plaisir. La politique, c’est de la confrontation. J’invite les Dijonnais à se connecter à la retransmission du conseil municipal ou à venir y assister pour voir comment les choses se déroulent à Dijon.
J’en parle avec mes collègues opposants dans d’autres grandes villes. Il me semble que chez eux, les débats sont parfois plus apaisés.
De toute manière, être opposant est difficile, que ce soit à Dijon ou ailleurs, car par principe, vous êtes en minorité face à des élus majoritaires. Il n’est jamais agréable de dire à quelqu’un qu’il se trompe ou qu’il fait mal, que ce soit lors des conseils municipaux ou des commissions, qui représentent la partie moins visible de notre travail. C’est un rôle ingrat mais indispensable à la démocratie locale.
On travaille énormément sur les sujets, et on essaie vraiment de produire un travail sérieux, qui est bien souvent balayé ou caricaturé. C’est ce qui est le plus pénible dans le rôle d’opposant. Mais, vous le voyez, je suis toujours là, fidèle à mes idées et à ma ville. Je crois à la persévérance.
F. Bauduin