Le monde des jeux vidéo est en pleine expansion et s’impose désormais comme l’un des loisirs préférés des Français. Selon une enquête récente, 7 Français sur 10, allant des plus jeunes aux seniors, joue régulièrement aux jeux vidéo. Pourtant, derrière cet engouement croissant se cache une problématique majeure : l’usage des monnaies virtuelles dans ces jeux. Face à cette situation préoccupante, les associations de consommateurs français CLCV et UFC-Que Choisir, aux côtés de 20 autres associations européennes, ont déposé une plainte contre sept éditeurs de jeux vidéo, dénonçant des pratiques commerciales trompeuses.
Les monnaies virtuelles : un piège pour les consommateurs
Les monnaies virtuelles, telles que les points, les pièces ou encore les diamants, sont devenues omniprésentes dans l’univers des jeux vidéo. Elles sont désormais présentes dans 42 % des jeux les plus joués sur PC et dans 81 % des jeux les plus populaires sur smartphone. Ces monnaies sont utilisées pour acheter des objets virtuels, comme des armes, des costumes ou des outils, ou encore pour débloquer des fonctionnalités supplémentaires qui améliorent l’expérience de jeu ou permettent de progresser plus rapidement. Toutefois, le consommateur ne peut pas acheter ces objets directement avec des euros. Il est contraint de convertir son argent réel en monnaie virtuelle, une étape qui complique la compréhension des coûts réels.
Cette pratique n’est pas seulement déroutante, mais elle trompe aussi intentionnellement les joueurs sur la véritable valeur de leurs achats. En l’absence d’affichage clair des prix en euros, les consommateurs se retrouvent piégés dans un système opaque. Le problème est encore accentué par le fait que ces monnaies virtuelles ne sont généralement proposées qu’en packs, avec des taux de conversion qui varient en fonction du montant dépensé. Il devient ainsi extrêmement difficile, voire impossible, de savoir combien coûte réellement un objet ou une fonctionnalité virtuelle.
Des exemples concrets de cette pratique
Prenons par exemple le jeu populaire « Clash of Clans », qui propose 6 packs de « gemmes », la monnaie virtuelle utilisée dans le jeu. Ces packs vont de 80 gemmes pour 1,19 € à 14 000 gemmes pour 119,99 €. Le prix pour 10 gemmes varie donc entre 9 et 15 centimes, en fonction du pack choisi. Cependant, ce taux de change ne peut être calculé avec précision que si le consommateur achète toujours le même pack, ce qui est rarement le cas. Cette fluctuation des prix fait qu’il est presque impossible pour un joueur de savoir combien il dépense vraiment pour chaque objet virtuel.
Un cercle vicieux de consommation
Un autre problème soulevé par les associations de consommateurs concerne la manière dont ces virtuelles incitent les joueurs à dépenser de la monnaie toujours plus. Les packs de monnaies virtuelles proposés ne correspondent souvent pas exactement aux prix affichés des objets virtuels. Par exemple, un objet dans le jeu pourrait coûter 150 gemmes, mais les packs disponibles ne permettent d’acheter que des montants de 100 ou 200 gemmes. Le consommateur est donc obligé d’acheter plus de monnaie que nécessaire, ce qui conduit à une accumulation de monnaie virtuelle inutile. Toutefois, cette monnaie restante est souvent insuffisante pour acheter un nouvel objet, ce qui pousse le joueur à racheter un autre pack, créant ainsi un véritable cercle vicieux.
Les plus jeunes, une cible de choix pour les éditeurs
Les jeunes joueurs, qui n’ont pas encore développé une pleine conscience financière, sont particulièrement vulnérables à ces pratiques. Les éditeurs de jeux vidéo profitent de cette situation pour cibler ces consommateurs, en les incitant à dépenser de manière inconsidérée. Cette tactique est d’autant plus préoccupante qu’elle affecte une génération de joueurs souvent peu sensibilisée à la gestion de leur budget.
Jean-Yves Mano, président de la CLCV, souligne cette problématique : « Les autorités doivent enfin prendre conscience que des règles de protection des consommateurs sont nécessaires face aux éditeurs de jeux vidéo. Il n’est pas tolérable que le coût réel de certaines transactions ne soit pas clairement affiché, obligeant le joueur à procéder à des conversions entre monnaies virtuelles et réelles. »
Une réponse nécessaire des autorités européennes
Face à ces constats accablants, la CLCV, l’UFC-Que Choisir et leurs homologues européens du Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) ont décidé de saisir la Commission européenne ainsi que les autorités nationales de protection des consommateurs. Ils demandent une action rapide pour faire cesser ces pratiques commerciales trompeuses et, le cas échéant, sanctionner les éditeurs concernés. Parmi les entreprises visées figurent des géants de l’industrie tels qu’Activision Blizzard, Electronic Arts, Epic Games, Mojang Studios, Roblox Corporation, Supercell et Ubisoft.
Ces associations appellent également à une réforme plus large de la législation européenne. Elles exigent l’interdiction des monnaies virtuelles payantes dans les jeux vidéo, qui, selon elles, dénaturent le caractère ludique des jeux et induisent les joueurs en erreur. Pour Marie-Amandine Stévenin, présidente de l’UFC-Que Choisir, « les consommateurs ne devraient pas avoir à jouer aux devinettes pour savoir combien ils dépensent dans un jeu vidéo. Les monnaies virtuelles, en dissimulant le coût réel des achats, piègent les consommateurs dans un système opaque qui les pousse à dépenser toujours plus. Il est temps que les autorités protègent les droits des joueurs en obligeant les éditeurs de jeux à respecter les règles sur la transparence des prix. »
La plainte déposée par la CLCV, l’UFC-Que Choisir et 20 autres associations européennes met en lumière un problème qui touche des millions de consommateurs à travers l’Europe. Les monnaies virtuelles, en dissimulant les coûts réels des achats dans les jeux vidéo, constituent une pratique commerciale trompeuse qui porte atteinte aux droits des joueurs. Il est désormais crucial que les autorités européennes et nationales agissent pour garantir une meilleure transparence des prix et protéger les consommateurs, en particulier les plus jeunes, contre ces pratiques abusives.