Le recours à la police municipale est une décision éminemment politique. Alors que la gestion des crimes et délits relève de la police nationale, la prévention des incivilités incombe au maire, un domaine qui cristallise de nombreuses attentes chez les administrés. Les policiers municipaux, qui agissent sous l’autorité du maire, sont chargés de missions essentielles de prévention et de surveillance, mais aussi de lutter contre certains crimes et délits. Ce qu’ils ne gèrent pas, ce sont les actes d’enquête, qui sont, eux, pris en charge par la police nationale.
L’effectif prévu pour la police municipale de Chenôve est de 12 agents. Pourtant, au 30 septembre 2024, on ne comptait que huit policiers en fonction, avec un neuvième attendu début octobre. Ce manque d’effectifs s’explique en partie par un turnover important. Selon nos informations, plusieurs policiers municipaux ont quitté leurs fonctions depuis 2023.
Ce phénomène soulève de nombreuses questions sur le climat au sein de la police municipale de la ville. Les raisons de ces départs sont évoquées sans détour par plusieurs personnes ayant travaillé dans ce service. Selon eux, les effectifs bougent sans cesse, les policiers ne restent pas. Quand on leur demande pourquoi, ils nous répondent que le problème, selon eux, vient de la gestion des missions. Selon eux, il devait éviter de faire des interventions sur les points de deal.
D’autres évoquent des patrouilles dans des secteurs où il ne se passe pratiquement rien. Les missions données aux policiers municipaux semblent donc en décalage avec les besoins réels des habitants de la ville, selon nos interlocuteurs, qui souhaitent rester anonymes vu le contexte.
Nos interlocuteurs ressentent un manque de cohérence dans la politique de sécurité de la ville. Ils nous disent ne pas comprendre la politique sécuritaire du maire de Chenôve, Thierry Falconnet. Ils iront, pour certains d’entre eux, remettre en cause la volonté du maire de s’attaquer au vrai problème.
Le sentiment d’être sous-utilisé revient souvent dans les témoignages : « À la police municipale de Chenôve, j’avais l’impression d’être payé à ne rien faire », nous confiera l’un d’eux, en évoquant des patrouilles dans des secteurs sans problème. Pendant que d’autres quartiers de la ville, où les difficultés sont bien réelles, ils avaient consigne de les éviter.
Le malaise est profond chez certains policiers municipaux ou anciens agents de Chenôve. Ce sentiment d’inutilité, combiné à une répartition des missions jugée inadaptée, semble être l’une des raisons principales du turn-over important au sein de la police municipale.
Ils estiment que les habitants de Chenôve ont besoin de leur présence là où il y a des difficultés, mais d’après leurs dires, ces secteurs-là sont évités sous prétexte que c’est le travail de la police nationale. Le nombre croissant de départs dans la police municipale de Chenôve serait donc le reflet d’un malaise profond.
Monsieur le Ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a déclaré vouloir lutter contre l’insécurité en France et soutenir activement les forces de l’ordre. « Oui, je suis favorable à une extension du rôle des polices municipales », a dit Bruno Retailleau, jugée nécessaire face au « niveau d’ultraviolence et de délinquance« . Le ministre indique toutefois qu’il ne fera rien sans l’avis de l’Association des Maires de France.
Alors que le ministre de l’Intérieur envisage de donner plus de pouvoirs aux policiers municipaux pour freiner l’ultraviolence et la délinquance qui gangrènent certaines communes, comme celle de Chenôve, certains maires, à l’instar de celui de Chenôve, semblent demander à leurs policiers municipaux de se limiter au strict minimum, selon les témoignages que nous avons pu recueillir.
Une question se pose alors, pourquoi agir ainsi de la part de la majorité municipale ? Pourquoi freiner les policiers municipaux dans leurs actions, alors qu’ils sont pleins de bonne volonté ? Nous avons tenté de savoir un peu plus en contactant la ville de Chenôve, mais son maire, Thierry Falconnet, n’a pas donné suite à nos sollicitations.
Bien que la mairie de Chenôve soit tout à fait dans son droit de refuser de répondre à nos questions, nous regrettons, comme nos lecteurs et lectrices, le silence de la mairie, ou plutôt de son maire, sur ce sujet. Avec certains d’entre eux, nous avons passé plus d’une heure et dix minutes à discuter. Nous avons ressenti chez nos interlocuteurs une véritable envie d’agir pour l’intérêt général, une envie d’accomplir leurs missions, mais ils se sont rapidement sentis freinés, au détriment de l’intérêt général. Car ils le savent, quand les policiers municipaux ou la police nationale ne se trouvent pas là où il y a de réels problèmes, l’ordre et la loi ne s’appliquent pas nécessairement !