Le mouvement Agir pour Dijon (200 adhérents) a organisé ce samedi matin une conférence-débat intitulée « Main basse sur la ville » au restaurant- salle de spectacle Le Crusoé. L’événement avait pour objectif de dresser un bilan complet de la majorité municipale actuelle, en place depuis 2001, et a rassemblé près de 85 participants. Cette conférence a été animée par Emmanuel Bichot, président d’Agir pour Dijon et candidat aux prochaines élections municipales. Laurence Gerbet, vice-présidente, a expliqué : « Nous poursuivons notre cheminement au service des Dijonnais dans la perspective des prochaines élections municipales, parce que nous sommes convaincus que des changements profonds sont souhaitables et attendus par les Dijonnais. En juin dernier, lors de l’assemblée générale, nous avions fait notre propre bilan, pour constater que le travail dans l’opposition pouvait influencer mais pas changer radicalement la politique municipale. Aujourd’hui, comme prévu, nous allons dresser le bilan de la municipalité qui est en place depuis 2001 ».
François Rebsamen : un quart de siècle à la tête de Dijon
Emmanuel Bichot n’a pas manqué de rappeler que le maire actuel, François Rebsamen, élu pour la première fois en 2001, a su se maintenir au pouvoir pendant près de 25 ans. Bien que réélu à plusieurs reprises, son score s’amenuise au fil des scrutins : de 56,2 % en 2008 à seulement 43,5 % en 2020. François Rebsamen a également cédé temporairement sa place en 2014 lorsqu’il a été nommé ministre, avant de la récupérer après le décès d’Alain Millot en 2015. François Rebsamen partage la responsabilité de la gestion de la ville avec Nathalie Koenders, devenue première adjointe en 2014 et président du groupe majoritaire suite à l’éviction de Laurent Grandguillaume en 2015.
« Élue du parti socialiste, elle est un soutien actif du Nouveau Front Populaire. Aujourd’hui le tandem Rebsamen-Koenders est responsable conjointement du bilan et veut rester aux commandes de la ville tous les moyens, malgré un bilan plus que mitigé « .
Une évolution déséquilibrée de la population
Les chiffres présentés par Agir pour Dijon montrent une évolution de la population marquée par plusieurs déséquilibres. Si la population municipale, qui est restée quasiment stable de 1975 à 2010, a ensuite augmenté de 5,4 % en 2010 à 2021, pour atteindre 159 326 habitants, la baisse des naissances est également notable avec une diminution de 22 % entre 2001 et 2022. Le solde naturel (naissances-décès) a été divisé par quatre entre 20O1 et 2022. Parallèlement, le nombre d’élèves dans les écoles publiques dijonnaises a chuté de 7,5 % entre 2017 et 2023, un signal inquiétant pour l’avenir éducatif de la ville.
Emmanuel Bichot souligne également une forte augmentation du nombre d’étrangers à Dijon, passé de 8 625 en 2006 à 15 500 en 2021, soit une augmentation de 80 %. Cela correspond également à 80 % de l’augmentation de la population dijonnaise. Les étrangers représentent aujourd’hui 9,73 % de la population de Dijon, contre 8,2 % au niveau national. Cet afflux d’étrangers suscite des questions par rapport à la capacité d’accueil et d’intégration, avec en outre la problématique de plusieurs centaines de clandestins. À cela s’ajoute une hausse significative du taux de pauvreté, passé de 13 % en 2012 à 17 % en 2021. Ces éléments pointent une évolution déséquilibrée de la population de la ville, selon Agir pour Dijon.
Une situation financière en trompe-l’œil
Concernant l’endettement, Emmanuel Bichot rappelle que la dette de l’intercommunalité n’existait pas en 2001. La dette cumulée de la ville et de la métropole a explosé, pour culminer entre 2008 et 2013 à des niveaux préoccupants, en « zone rouge ». L’endettement bancaire est revenu depuis à des niveaux raisonnables, dans le vert pour la ville (110 M€) et dans l’orange presque vert pour la métropole (256 M€).
Le financement de cette réduction repose en grande partie sur la cession d’actifs, tels que la partie bancaire du Crédit municipal de Dijon et de nombreux immeubles historiques ou terrains à construire. Mais aussi, et plus encore, par un retard considérable d’investissement sur le patrimoine communal et intercommunal, qualifié de « dette grise », de plusieurs centaines de millions d’euros.
En plus de cette stratégie de désendettement en trompe-l’œil selon le Groupe Agir pour Dijon, les impôts locaux ont connu de fortes hausses, notamment le versement mobilité sur les entreprises, dont le taux est passé de 1 % à 2 % entre 2008 et 2011. La taxe foncière sur les propriétés bâties a également été fortement alourdie, tant par la revalorisation des bases que par la hausse des taux à de multiples reprises depuis 2001. Ces hausses successives ont placé Dijon parmi les grandes villes françaises aux taux d’imposition les plus élevés.
Emmanuel Bichot est également revenu sur les emprunts toxiques contractés par la ville de Dijon, principalement auprès de Dexia. Le prix à payer pour sortir des trois emprunts les plus risqués a été de 45 M€ ! Le fonds d’aide mis en place par l’Etat a pris en charge 20 M€, mais 25 M€ sont restés à la charge des Dijonnais. La municipalité a choisi d’étaler une partie de cette charge dans le temps en acceptant des taux très élevés de 5 % sur les nouveaux emprunts souscrits pour rembourser les anciens, ce qui explique un surcoût d’environ 1,4 chaque année jusqu’en 2034. En outre, des emprunts toxiques moins dangereux sont encore présents dans les dettes de la ville et de la métropole.
La dégradation du patrimoine, un enjeu majeur
La dégradation du patrimoine communal est un autre point qu’Agir pour Dijon a voulu mettre en lumière. Emmanuel Bichot a dressé une liste impressionnante de bâtiments et infrastructures dégradés, à commencer par l’église Notre-Dame, qui souffre de problèmes d’étanchéité et de structure qui se sont aggravés depuis dix ans faute de réactivité. L’ancienne église Saint-Philibert, berceau de la commune de Dijon et siège de ses vignerons, est chaque jour plus délabrée. Le parc des expositions, construit dans les années 1950, n’est toujours pas rénové, malgré son importance économique pour la ville. Également en mauvais état, les Halles de Dijon montrent des signes visibles de détérioration, notamment des peintures écaillées et des parties métalliques rouillées, alors que leur rénovation tarde à se concrétiser.
Le retard dans la rénovation de la voirie est colossal et nécessiterait sept ans de travaux intensifs avec un coût de plusieurs centaines de millions d’euros selon Emmanuel Bichot. Les écoles, quant à elles, comportent de nombreux préfabriqués vieillissants, posant un véritable problème de sécurité et de confort pour les enfants. L’usine d’incinération, installation industrielle gérée en direct par la métropole, souffre aussi d’un manque d’entretien et de mises aux normes. En raison de la panne du turbo-alternateur depuis janvier 2024, elle ne produit plus d’électricité, ce qui engendre un surcoût de 5 millions d’euros pour la métropole cette année.
Des choix budgétaires contestés
Également au cœur des critiques, le choix des investissements municipaux a été qualifié de « gabegie » par Emmanuel Bichot. Le projet « tout hydrogène », initialement prévu pour convertir l’ensemble de la flotte de bus et de bennes à ordures ménagères d’ici 2030, a été reporté à 2035 et revu à la baisse, tout en coûtant désormais près de 220 millions d’euros. Aucune collectivité locale n’envisageait un scénario aussi ambitieux et économiquement risqué. Le programme « On Dijon » a également explosé son budget initial de 113 à 160 millions d’euros, pour des résultats mitigés. Ces deux projets, qualifiés de « grands projets mégalomanes », sont accusés d’avoir dévié des priorités réelles de la ville. L’orateur a également souligné la dérive des coûts sur des projets suivis par la première adjointe, qualifiée de « Madame 50 % »
En outre, de nombreux frais d’études, des dépenses de communication et un train de vie perçu comme excessif sont cités par Emmanuel Bichot pour illustrer une gestion municipale jugée non responsable. Le maire aurait ainsi déclaré être occupé à « constituer la cave de sa successeuse », une dépense considérée comme superflue pour les opposants, qui considèrent que l’argent est disponible, mais mal dépensé.
L’élu a également a également les graves dysfonctionnement dans la gestion la gestion du personnel de la ville et de la métropole, des EHPAD de la ville de Dijon et de l’office public HLM Grand Dijon Habitat.
Sécurité, communautarisme, et mobilité : des problèmes récurrents
En matière de sécurité, le constat dressé est alarmant. En 2023, Dijon a connu 8 071 crimes et délits, en hausse de 14,4 % par rapport à l’année précédente, avec une augmentation spectaculaire des agressions physiques. Les cambriolages restent trop nombreux, malgré une légère baisse par rapport à 2016. Le trafic de drogue continue de prospérer dans plusieurs quartiers, avec des points de deal observés à ciel ouvert, et des règlements de comptes violents. Emmanuel Bichot a insisté sur l’insuffisance de la volonté politique pour combattre ces problèmes. « La municipalité peut mobiliser toutes les informations et tous les leviers dont elle dispose, mais elle ne le fait pas », a-t-il déclaré, non sans avoir rappelé que ces sujets relèvent de la compétence de la première adjointe depuis 2014.
Quant à la mobilité, la régulation du stationnement a été qualifiée de « cash machine » au service du budget municipal, avec une multiplication des zones payantes à la première minute et des contraventions trop chères et déshumanisées. Depuis 2008, les recettes issues des contraventions ont été multipliées par sept, pour atteindre 14 M€. L’accessibilité du centre-ville est devenue un point noir majeur pour les Dijonnais, notamment pour les personnes âgées ou à mobilité réduite. Les piétons sont le maillon faible, confrontés à des trottoirs impraticables ou aux vélos et trottinettes. Les cyclistes eux-mêmes ne sont guère mieux lotis. Les transports en commun sont devenus plus compliqués pour de nombreux Dijonnais avec l’arrivée du tramway, et la réorganisation des lignes en septembre 2023 aurait dégradé le service dans plusieurs secteurs.
Des accusations de clientélisme et de gestion partiale
Enfin, la conférence a abordé des accusations de pratiques déontologiques douteuses, de clientélisme et de communautarisme.
Au registre de la déontologie, Emmanuel Bichot a notamment cité le recrutement controversée du gendre de François Rebsamen à un poste municipal créé sur mesure en 2017, l’attribution d’un logement social au président de Grand Dijon Habitat, la tentative de « recasage » du directeur général des services, les fausses déclarations de l’adjointe au commerce en situation de conflit d’intérêts avec le palais des congrès, autant de pratiques qui entachent selon lui la gestion municipale.
Au registre du communautarisme et du clientélisme, Emmanuel Bichot est intervenu sans détour :
« La mouvance des Frères musulmans : C’est un travers de cette municipalité, qui pactise avec le représentant local des Frère musulmans, l’immam de Quetigny, de nationalité tunisienne. Plusieurs adjoints au maire, dont M Hamid El Hassouni, sont proches de cette personnalité que François Rebsamen présente comme un ami ».
« Émeutes communautaires de juin 2020 : la confrontation entre tchétchènes et maghrébins, sur fond de trafic de drogue, a débouché sur la prise de contrôle communautaire du quartier des Grésilles, avec le soutien de M El Hassouni. La paix civile a été ramenée par l’immam de Quetigny précité, suite à une réunion à la mosquée. Tous ont été félicités et le préfet a été muté ».
« Mosquée de la Fontaine d’Ouche. Il est parfaitement autorisé de construire une mosquée en France et à Dijon. Mais nous regrettons que la mairie ait proposé un terrain municipal à la veille des élections, et signé un permis de construire sur un terrain qui lui appartenait encore au moment des élections. Une délibération illégale a ensuite été adoptée. Suite à notre recours, elle a été modifiée mais la construction se poursuit sous l’égide d’une association non autorisée à cet effet ».
« Financement d’une médecin voilée à la Fontaine d’Ouche. La municipalité a décidé en juin 2024 de financer un centre médical éphémère à la Fontaine d’Ouche, dans lequel a été installée une médecin voilée durant les consultations. Nous respectons toutes les religions et les origines. Mais chacun doit respecter les règles de la vie commune. Ces dérives communautaires inquiètent les Dijonnais ».
2026 : vers un changement de cap ?
Pour Agir pour Dijon, les critiques accumulées contre la gestion actuelle montrent qu’un changement est nécessaire et désiré par les Dijonnais. Emmanuel Bichot et son mouvement souhaitent proposer une alternative claire lors des prochaines élections municipales, avec une vision plus transparente, plus équitable, et plus attentive aux véritables besoins des Dijonnais.
Il ne s’agit pas seulement d’un rejet de la gestion actuelle, mais de la volonté d’apporter des solutions concrètes, notamment pour améliorer la sécurité, la qualité de vie, et la gestion responsable des finances de la ville. Le bilan sans concessions était une étape préalable, car il faut être informé pour y voir clair. Selon Agir pour Dijon, « il est temps de redonner la ville aux habitants, il faut remettre les Dijonnais au cœur de l’action municipale ». La conférence s’est terminée sur un appel à l’action citoyenne, en vue de préparer un avenir plus serein et plus juste pour Dijon.