L’avenue Jean-Jaurès à Dijon est devenue un symbole d’un quotidien éreintant pour de nombreux locataires. Les dégradations, squats et incivilités s’y multiplient, à tel point que certains considèrent la situation pire que dans le quartier Junot. Les locataires de plusieurs résidences de l’avenue Jean-Jaurès nous ont confié leur ras-le-bol face à l’absence d’actions concrètes des bailleurs sociaux, qui semblent complètement dépassés par les événements et ne répondent plus aux attentes des résidents.
Les situations d’insécurité et d’incivilité se multiplient sur l’avenue, créant un véritable climat de déséquilibre. Ces problèmes touchent différents aspects de la vie quotidienne des habitants, qu’il s’agisse des agressions verbales, des squats, des nuisances sonores, de l’état de salubrité des parties communes ou encore des menaces physiques. Cet article détaille les nombreux problèmes auxquels font face les locataires de l’avenue Jean-Jaurès, les tentatives de solution qui n’ont pas abouti, et la nécessité pour les bailleurs de prendre leurs responsabilités.
Les locataires en colère face aux incivilités : un quotidien devenu insoutenable
« Ils cassent tout, ils squattent, ils urinent dans les parties communes, on en a ras-le-bol ! » raconte un locataire habitant au 67C avenue Jean-Jaurès. Le constat est amer : les parties communes se dégradent chaque jour davantage et les locataires se sentent impuissants. Pour tenter de faire bouger les choses, une pétition a été signée par de nombreux résidents puis remise au bailleur Orvitis, mais aucune action tangible n’a encore été entreprise. « Ils ne prennent même pas la peine de répondre aux locataires, c’est scandaleux. Franchement, Orvitis, on en a marre, ils ne font rien et nous laissent dans ce chaos », s’insurge une locataire en colère. L’absence de réponse renforce le sentiment d’abandon de la part des bailleurs sociaux.
La situation dégénère à tel point que la colère des habitants laisse place à la peur. « On n’est plus en sécurité, on a peur de croiser ces gens qui squattent les couloirs la nuit, qui font du bruit, qui volent, qui cassent tout », témoigne un autre locataire.
Les incivilités et les dégradations, un fléau omniprésent
Les témoignages des locataires sont poignants et illustrent une situation qui se dégrade de jour en jour : « Le week-end du 19 et 20 octobre 2024, entre minuit et une heure du matin, nous avons été réveillés par des jeunes qui donnaient des coups de pied dans la porte d’entrée. Ils ont fini par entrer dans le bâtiment. L’un d’eux est monté jusqu’au troisième étage, et une locataire l’a gentiment dirigé vers la sortie ». Ce type de situation se répète chaque semaine, parfois même plusieurs fois par semaine.
Les locataires se retrouvent seuls face à l’insécurité grandissante de leur résidence. Ils doivent eux-mêmes intervenir car, selon eux, la police ne répond pas systématiquement aux appels d’urgence lorsque des situations de violence sévissent. « Ils nous ont insultés, sont entrés dans les garages et ont vidé un extincteur. Le lendemain, un autre squatteur fumait du cannabis dans l’escalier », déplore un autre résident. Cette impuissance face aux squatteurs renforce l’anxiété des habitants.
Les parties communes sont laissées à l’abandon : boîtes aux lettres fracturées, colis volés, détériorations diverses, néons défectueux, infiltrations d’eau non réparées, et une insécurité constante. « Est-ce normal que des étrangers squattent nos couloirs et dorment dans les parties communes ? Cela fait plus d’un an que des voitures ont été volées sans que la sécurité soit assurée », s’interroge un locataire, épuisé de voir sa situation ignorée par les responsables.
L’état de salubrité des lieux est tout aussi préoccupant : des détritus s’accumulent dans les escaliers, des ordures ménagères sont laissées dans les couloirs, et des graffitis couvrent les murs des parties communes.
Tous les bailleurs sont concernés : une situation qui se généralise
L’avenue Jean-Jaurès est le théâtre d’une situation déplorable qui ne se limite pas à un bâtiment ou un bailleur spécifique, elle s’étend à toute l’avenue et concerne les résidences gérées par plusieurs organismes. Plus haut sur l’avenue, au niveau des résidences gérées par Grand Dijon Habitat, le tableau est tout aussi sombre. « Regardez l’état des parties communes, c’est du neuf et pourtant le vandalisme est constant », nous explique une locataire qui n’en peut plus et envisage de déménager. Malgré des installations neuves, la dégradation est rapide et persistante, et peu de résidences sont épargnées par les incivilités. Beaucoup de locataires n’osent plus exprimer leurs griefs, la peur de représailles les rendant muets face aux squatteurs.
Nous avons poursuivi notre visite avenue Jean-Jaurès et sommes entrés dans un bâtiment géré par Habellis. Ici, la situation n’est pas différente. Squats et dégradations y sont récurrents : « Regardez les excréments dans les communs, ils font leurs besoins ici. J’ai quitté le quartier Junot parce que j’en avais marre des squats et du trafic de drogue. Mais ici, c’est pareil qu’à Junot », nous confie une locataire excédée. Ce désespoir est partagé par de nombreux résidents qui ne voient aucune amélioration de leur cadre de vie et ont l’impression que les bailleurs sociaux sont totalement indifférents à leur situation. Pour eux, la vie sur l’avenue Jean-Jaurès est « de pire en pire ».
Un autre résident d’Habellis nous raconte comment les ascenseurs sont souvent hors service après avoir été vandalisés, les fils électriques arrachés et des restes de substances illicites retrouvés dans les cages d’escalier. « Le soir, on entend des cris, des disputes, parfois même des bagarres. On appelle la police, mais ils ne se déplacent pas toujours. On a l’impression d’être abandonnés par tout le monde », déclare ce locataire, le regard las.
Le passé se répète : une situation qui ne s’arrange pas
Les problèmes de sécurité et de squats ne datent pas d’aujourd’hui. Le vendredi 26 novembre 2021, des locataires de Grand Dijon Habitat, au Passage de L’Arsenal, avaient déjà pris les devants en installant des banderoles aux fenêtres de leurs appartements pour exiger la sécurisation de leur résidence. Ces revendications avaient mené à la mise en place de travaux de plusieurs milliers d’euros afin d’éviter les squats et les dégradations. Cependant, ces efforts ne semblent pas avoir apporté les résultats escomptés sur le long terme.
Nous sommes retournés sur place, et bien que la situation se soit légèrement améliorée, des problèmes de squat subsistent ponctuellement dans la résidence. « Grand Dijon Habitat a fait des travaux, le syndic également, sur le parking aérien. Mais des jeunes continuent de venir squatter. Comment ils rentrent ? Certains locataires leur ouvrent, que voulez-vous, c’est comme ça ! », nous confie un résident, visiblement fataliste et conscient de la difficulté de mettre fin à ces incivilités sans la coopération de tous.
L’expansion urbaine : un développement qui accentue les problèmes
L’avenue Jean-Jaurès est actuellement en pleine mutation avec la multiplication des chantiers de construction de nouveaux bâtiments. Cette expansion est partie intégrante du projet « Grand Sud« , une vaste entreprise de renouvellement urbain qui vise à créer de nouveaux logements et à développer des infrastructures commerciales et de services.
Pour beaucoup, cependant, cette densification de l’habitat et l’augmentation de la population s’accompagnent d’une dégradation de la qualité de vie. « Regardez tous ces immeubles qu’ils construisent, comment voulez-vous que ce quartier ne devienne pas chaotique ? » se demande un locataire. Cette multiplication des bâtiments s’accompagne de nouvelles difficultés de cohabitation, de problèmes de gestion des parties communes, et semble parfois créer un sentiment de saturation.
Le projet « Grand Sud » prévoit, à terme, la réalisation de 1 400 logements et de 27 500 mètres carrés de surface plancher pour des commerces, services et équipements. L’objectif est de rééquilibrer la ville, développer l’habitat social, améliorer l’environnement, et créer un cadre de vie plus doux. Pourtant, le décalage entre ces ambitions affichées et la réalité vécue par les habitants est énorme. Pour ceux qui vivent l’enfer des dégradations et des squats, le projet « Grand Sud », c’est aussi une aggravation de leur quotidien. « Le projet Grand Sud, c’est aussi ça, ayons le courage de le dire! », s’indigne une résidente.
La réalité semble bien loin des belles promesses de modernisation et d’amélioration de la qualité de vie. De nombreux locataires pointent du doigt les effets pervers de cette expansion urbaine trop rapide, qui fait exploser la densité de population sans que les infrastructures de sécurité ou les services ne suivent. L’équilibre que vise à créer ce projet semble ne pas tenir compte de l’impact sur les habitants actuels, qui doivent vivre au quotidien avec les difficultés d’insécurité croissantes.
Un appel à l’action : restaurer la dignité des locataires
Les locataires de l’avenue Jean-Jaurès se sentent abandonnés par leurs bailleurs sociaux face à des problèmes quotidiens de squats, de dégradations et d’insécurité. Ils ont l’impression d’être laissés à leur sort, sans recours, ni soutien. La situation n’a que trop duré et ces résidents désespèrent de voir un jour leur cadre de vie redevenir paisible et sécurisé. L’ambition de transformation urbaine du projet Grand Sud est là, mais elle ne doit pas se faire au détriment des conditions de vie des habitants.
Les bailleurs doivent maintenant prendre leurs responsabilités et agir concrètement pour restaurer la sécurité, la qualité de vie et la dignité des résidents de l’avenue Jean-Jaurès. Pour que ces ambitions de renouveau urbain ne soient pas des mots creux, mais des réalités tangibles, il est indispensable d’écouter les habitants, de prendre des mesures concrètes pour lutter contre les incivilités, et d’assurer enfin la paix et la sécurité dans les résidences concernées.
F. Bauduin