Le centre d’entraînement et de formation du club de football Dijon Football Côte d’Or (DFCO), situé à Saint-Apollinaire, au sein de l’Ecoparc Dijon Bourgogne, est au cœur d’une polémique inattendue. En juin 2022, ce centre a été mis en service avec de grandes ambitions : développer les jeunes talents, offrir des conditions d’entraînement optimales à l’équipe professionnelle et féminine, et positionner Dijon comme un véritable pôle sportif. Mais, après la reprise du club par M. Pierre-Henri Deballon, de nombreux obstacles ont émergé, mettant en péril cet ambitieux projet.
Un projet qui s’effrite : la fin d’une vision collective ?
Lors de la reprise du DFCO, M. Pierre-Henri Deballon n’a pas inclus le centre de formation dans la transaction. Pour Dijon Métropole, pourtant, il était primordial de conserver ce centre sur le territoire métropolitain, un équipement jugé d’une importance cruciale pour le rayonnement de la région. Le centre avait vocation à être un véritable vivier de jeunes talents, recrutant à l’échelle nationale, tout en mettant en avant la scolarité des jeunes joueurs, grâce à des partenariats avec l’Université de Bourgogne Franche-Comté ainsi que plusieurs établissements scolaires de la région. Les infrastructures permettaient d’offrir un cadre moderne et fonctionnel, visant à former de futurs joueurs professionnels prêts à intégrer l’équipe première. L’équipe féminine bénéficiait également de ces infrastructures, contribuant ainsi à une approche intégrée du football à Dijon.
Cependant, à peine quelques mois après cette reprise, Pierre-Henri Deballon a décidé de ne pas conserver l’agrément FFF et Ligue pour le centre de formation, arguant que celui-ci était « trop contraignant ». » Nous allons revenir à un fonctionnement plus associatif, c’est imminent », a-t-il annoncé. Cette décision, perçue comme un retour en arrière, précipite la fin officielle du centre de formation tel qu’il a été conçu, remettant en question l’ensemble du projet. En effet, cet agrément était nécessaire pour garantir un encadrement conforme aux standards professionnels, incluant des infrastructures adaptées, un staff médical compétent, et des conditions de formation alignées sur les attentes du football moderne.
Un investissement sans retour ?
En septembre dernier, la Métropole dijonnaise a racheté le centre de formation pour un montant de 11,9 millions d’euros, reprenant également l’emprunt bancaire de la SCI « CP 26 », s’élevant à près de 4,75 millions d’euros. Cet investissement conséquent visait à pérenniser un équipement stratégique pour le DFCO, tout en offrant un soutien financier au club. Le président de Dijon Métropole, François Rebsamen, a activement soutenu ce projet, allant même jusqu’à solliciter l’accord des 23 maires de la métropole, qui ont unanimement approuvé ce rachat, convaincus de l’intérêt sportif et économique pour la région.
Aujourd’hui, l’annonce brutale de M. Pierre-Henri Deballon de ne pas vouloir conserver l’agrément FFF et Ligue pour le centre de formation sonne comme une trahison à l’égard des élus qui ont voté le rachat du centre de formation , et des contribuables qui ont mis la main à la poche !
La question qui se pose est désormais celle de l’avenir de ce centre : à quoi servira-t-il si l’agrément FFF et Ligue n’est plus maintenu ? Perdre cet agrément revient à renoncer à la reconnaissance officielle de la qualité de la formation dispensée, ce qui vide de sa substance l’ensemble du projet initial. Pour les nombreux acteurs impliqués, c’est un véritable choc. En plus de la frustration des maires qui ont soutenu le projet, les salariés du centre se retrouvent aujourd’hui dans une incertitude totale quant à leur avenir professionnel.
Une section féminine en péril
Les inquiétudes ne s’arrêtent pas au centre de formation des jeunes. Une autre décision controversée concerne la section féminine du DFCO. Pierre-Henri Deballon envisage une réduction drastique de la masse salariale de la section féminine, une mesure motivée, selon lui, par la nécessité de revenir à l’équilibre financier. Le déficit de fonctionnement du club dépasse aujourd’hui 500 000 euros, et des mesures drastiques sont envisagées. « Je ne souhaite pas l’arrêt complet de l’équipe féminine, mais ce n’est pas exclu », a-t-il déclaré dans Les Échos.
Face à cette situation, Pierre-Henri Deballon a ouvertement évoqué l’éventualité de céder la section féminine à un éventuel repreneur. Lors d’une interview à France Bleu Bourgogne, il a tenté de se défendre des accusations d’abandon du football féminin, pointant du doigt un modèle économique « intenable ». En effet, avec seulement 50 abonnés et quelques centaines de spectateurs pour les matchs à domicile, ainsi que la difficulté à trouver des partenaires privés ou des subventions publiques, la pérennité de cette section semble difficile à assurer.
Ce choix de potentiellement se désengager de la section féminine marque un véritable revers pour le DFCO. Alors que de nombreux clubs, en France et ailleurs, font des efforts pour développer le football féminin, cette décision va à contre-courant, d’autant plus que la ville de Dijon avait jusque-là soutenu activement cette section. Pour les joueuses et le personnel encadrant, c’est une période de grande incertitude qui s’ouvre, et beaucoup s’inquiètent de l’avenir du football féminin dans la région. Pour rappel, samedi dernier, le DFCO féminin s’est imposé logiquement à Nantes (2-0) et a consolidé sa place dans le top 4 de la D1 Arkema.
Silence des élus : un appel à rendre des comptes
Pour l’instant, la réaction des élus locaux se fait attendre. François Rebsamen et les autres responsables de Dijon Métropole n’ont fait aucun commentaire public, malgré la pression croissante. Seul Emmanuel Bichot, du groupe Agir pour Dijon, a demandé des comptes sur l’utilisation des fonds publics et sur les perspectives d’avenir pour le centre de formation et la section féminine.
L’achat du centre de formation était initialement justifié par la volonté de maintenir un équipement essentiel pour assurer la pérennité du club et renforcer l’attractivité économique et sportive de Dijon et de sa métropole. La présence d’un centre de formation fonctionnel était vue comme un levier majeur pour la notoriété et le dynamisme touristique de la région, mais aussi pour la richesse de l’écosystème sportif local. Or, aujourd’hui, cet argumentaire s’effondre face aux décisions annoncées par Pierre-Henri Deballon.
Les élus qui ont voté en faveur de l’achat du centre doivent maintenant justifier ce choix, alors que la vocation du centre semble remise en question. Les contribuables dijonnais, eux aussi, attendent des réponses : comment un investissement de près de 14 millions d’euros peut-il se retrouver ainsi sans finalité concrète, 2 mois à peine après sa validation ? Le silence des responsables locaux est de plus en plus pesant et ne fait qu’alimenter la polémique.
Un avenir incertain pour le DFCO
L’avenir du DFCO et de son centre de formation semble aujourd’hui entouré de grandes incertitudes. Le club, qui a longtemps été un moteur du sport local, se retrouve fragilisé par ces revirements successifs. Entre la perte possible de l’agrément FFF pour son centre de formation, la mise en péril de la section féminine, et les défis financiers qui se posent, le DFCO navigue en eaux troubles.
Le manque de transparence sur les décisions prises et les conséquences pour le club et ses employés inquiète. Les prochains mois seront cruciaux pour le DFCO, et il reste à voir si les élus locaux sauront prendre les mesures nécessaires pour sauvegarder ce qui peut encore l’être. Le silence politique actuel est-il une simple stratégie en attendant que la tempête passe, ou le signe d’une véritable impasse ? Une chose est certaine : l’avenir du DFCO et de son centre de formation est aujourd’hui plus que jamais incertain.
Affaire à suivre…
F. Bauduin