Le 6 décembre 2022, un arrêté préfectoral suspendait les dérogations à l’horaire de fermeture accordées à plusieurs établissements nocturnes situés près de la place de la République à Dijon. Ces dérogations, prévues par l’arrêté du 23 octobre 2021, autorisaient ces établissements à rester ouverts jusqu’à cinq heures du matin. Parmi les établissements concernés, on retrouve Le Smart, Le Beverly, La Belle Époque, La Salsa Pelpa, et La Rhumerie Jamaïque.
Cette décision faisait suite à une série de troubles nocturnes signalés dans le secteur, incluant des agressions, des vols, des dégradations et des cas de port d’armes prohibées. Les faits, relevés entre juillet et novembre 2022, étaient étroitement liés à la consommation d’alcool selon un rapport de la direction départementale de la sécurité publique (DDSP). Les professionnels du secteur, soutenus par l’Union des Métiers de l’Hôtellerie – Restauration de Côte-d’Or (UMIH 21), ont contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Dijon, invoquant une atteinte disproportionnée à leur activité économique. Mais par un jugement du 11 mai 2023, le tribunal a rejeté leur demande, estimant que la mesure préfectorale était nécessaire et proportionnée pour préserver la tranquillité publique.
Les requérants, représentés par Me Corneloup, ont alors porté l’affaire devant la cour administrative d’appel de Lyon en juillet 2023. Le 19 décembre 2024, la cour a confirmé le rejet de leur requête, estimant que les troubles rapportés justifiaient une intervention préfectorale.
Cependant, pour Lionnel Petitcolas, coprésident de l’UMIH 21, cette décision reste profondément injuste. Selon lui, les établissements concernés ne sont pas responsables des problèmes de sécurité autour de la place de la République. Il souligne que ces lieux permettent d’encadrer les noctambules dans un environnement sécurisé. « Pendant que nos clients sont dans nos établissements, ils ne sont pas dans la rue à risquer d’être agressés », affirme-t-il. Depuis ces événements, les établissements concernés ont changé de statut pour devenir des discothèques, ce qui leur permet aujourd’hui de rester ouvert jusqu’à sept heures du matin. Pourtant, les professionnels de la nuit ont maintenu leur recours pour compenser les pertes subies durant les mois de suspension.
« Avant que tous ces établissements ne passent sous le statut de discothèque et puissent exercer leur activité avec le modèle économique qui était le leur depuis de nombreuses années, ils fonctionnaient grâce à une dérogation aux horaires de fermeture. Or, au bout de 15 ans, on pouvait considérer que leur modèle économique s’était construit autour de ces fermetures tardives ! Pourquoi avoir continué la procédure ? Parce que, pendant les quelques mois où nos établissements ont été fermés suite à l’arrêté préfectoral, nous avons subi un manque à gagner important. Ce manque à gagner est maintenant derrière nous, mais il faut tout de même l’absorber », nous explique Lionnel Petitcolas.
Interrogé sur la situation actuelle, il admet que les problèmes de sécurité persistent autour de la place de la République, preuve selon lui que les établissements nocturnes n’étaient pas à l’origine des troubles. « On nous accusait de provoquer l’insécurité en restant ouverts tardivement. Pourtant, aujourd’hui, ces mêmes établissements sont ouverts jusqu’à cinq ou six heures du matin, et les problèmes existent toujours mais l’on ne nous réduit plus nos horaires d’ouverture. Cela montre bien que la responsabilité n’était pas la nôtre. »
Ce constat est partagé par de nombreux riverains qui dénoncent l’absence de mesures structurelles pour remédier aux problèmes de fond. En effet, nous avons constaté que la place de la République est le théâtre de nuisances récurrentes, même en dehors des heures d’ouverture des établissements de nuit. La consommation d’alcool sur la voie publique et le trafic de stupéfiants y sont visibles dès le matin, révélant des problématiques distinctes des activités nocturnes.
Selon nous, une présence policière accrue et l’application des arrêtés municipaux interdisant la consommation d’alcool sur la voie publique auraient été des réponses bien plus efficaces. Ayons le courage de dire les choses : le préfet de l’époque, Franck Robine, en prenant cet arrêté préfectoral, ne s’est pas attaqué au véritable problème.
Combien de temps encore laisserons-nous des gens enfreindre les arrêtés municipaux aux yeux de tout le monde ? Combien de temps encore sera-t-il possible d’acheter une barrette de cannabis place de la République ? Nous posons cette question, car oui, nous avons fait le test : il a été possible d’acheter une barrette pour 20 euros place de la République, à 15h, en pleine semaine !
La place de la République, un lieu central et stratégique de Dijon avec ses lignes de tramway et de bus, reste aujourd’hui un point névralgique où le sentiment d’insécurité persiste.
Cette affaire illustre les tensions entre la préservation de l’ordre public et les libertés économiques. Si les établissements nocturnes ont retrouvé leur fonctionnement normal, les questions de sécurité publique demeurent non résolues. Les acteurs économiques, quant à eux, restent marqués par une gestion qu’ils jugent injuste et peu adaptée à la réalité des problèmes sur le terrain. Ils ont, à juste titre, raison de le penser au vu de la situation actuelle.