Ce samedi, le centre-ville de Dijon a été le théâtre d’une importante mobilisation à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. À l’initiative de Solidaires 21 et d’autres collectifs et associations, environ 800 personnes ont défilé dans les rues dijonnaises pour revendiquer l’égalité salariale, la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, ainsi que des avancées concrètes en matière de droits des femmes.
Parmi les manifestant·e·s, un groupe s’est particulièrement distingué : celui des paysannes de Côte-d’Or. Trop souvent invisibilisées, ces femmes ont pris la parole pour dénoncer les inégalités spécifiques qu’elles subissent dans le milieu agricole, encore largement dominé par les hommes.
Des femmes longtemps reléguées à l’ombre des fermes
« Nous sommes celles qu’on voit rarement, cachées derrière leurs bêtes ou dans leurs champs », ont-elles clamé avec force. Trop longtemps, les paysannes ont été cantonnées à des statuts précaires et mal reconnus : conjointe collaboratrice, “femme de” ou simple aide familiale. Pourtant, elles sont un maillon essentiel du monde agricole.
« Notre système alimentaire moderne repose avant tout sur l’exploitation du travail des femmes, qui occupent les postes les plus précaires et les moins bien rémunérés de la chaîne alimentaire », dénoncent-elles. La charge de travail qu’elles portent va bien au-delà de la gestion d’une exploitation : elles assurent souvent une double journée, jonglant entre leur activité agricole et les tâches domestiques.
Aujourd’hui, elles revendiquent haut et fort leur place en tant que cheffes d’exploitation, maraîchères, viticultrices et éleveuses, souvent à l’avant-garde d’une agriculture paysanne, biologique et diversifiée. Mais le chemin vers l’égalité est encore long.
Des droits encore bafoués
Leur combat se heurte à de nombreuses difficultés :
- Un congé maternité insuffisant : Seulement 60 % des agricultrices ont pu bénéficier du congé maternité en 2019, et beaucoup se voient contraintes de reprendre le travail deux semaines après l’accouchement, faute de solutions de remplacement.
- Un accès limité aux financements : Lorsqu’elles veulent s’installer, les agricultrices doivent encore justifier de leur statut matrimonial auprès des banques, un frein majeur à leur indépendance financière.
- Une sous-représentation dans les instances décisionnelles : Les paysannes sont quasi absentes des organes de gouvernance agricoles, ce qui limite leur capacité à peser sur les décisions qui impactent leur quotidien.
- Un risque accru de violences sexistes et sexuelles : En milieu rural, 47 % des féminicides ont lieu, alors que ces zones ne représentent que 33 % de la population. L’isolement des exploitations, combiné à la disparition des services publics, aggrave la précarité et les violences subies par les femmes.

Un avenir agricole féministe
Face à ces injustices, les paysannes de Côte-d’Or lancent un appel fort : « L’avenir agricole sera féministe ou ne sera pas ! »
Elles refusent de continuer à travailler dans des conditions qui mettent leur santé en péril, notamment durant la grossesse et le post-partum. Elles exigent une reconnaissance de leur travail, une meilleure prise en charge de leur maternité et une véritable égalité dans l’accès au foncier et aux aides financières.
Alors que le monde agricole est confronté à une crise du modèle productiviste, aux défis du changement climatique et à un renouvellement générationnel, les paysannes sont convaincues que l’avenir de l’agriculture doit se construire avec elles.
La mobilisation de Dijon a marqué une étape importante dans leur lutte. Mais pour ces femmes, ce combat ne s’arrête pas aux rues de la ville : il se poursuit dans les fermes, dans les instances agricoles et dans la société toute entière.