Depuis le 17 février 2024, un arrêté municipal interdit aux livreurs à vélo de stationner dans plusieurs rues et places du centre-ville de Dijon. Selon la municipalité, ces regroupements génèrent des troubles à l’ordre public, justifiant ainsi cette mesure restrictive valable jusqu’au 27 juillet 2024. Tout contrevenant s’expose à une amende de 35 euros et des contrôles de police seront effectués, augmentant les risques pour les travailleurs sans papiers qui, pour beaucoup, vivent sous la menace d’une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF).
La CGT Côte-d’Or dénonce un dispositif répressif visant à fragiliser encore davantage ces travailleurs précaires, en grande majorité immigrés et sans papiers. Derrière cette décision, le syndicat y voit une continuité avec la loi immigration, qu’il qualifie d’outil de précarisation et d’exploitation.
Un métier en première ligne, sous la domination de l’ubérisation
Les livreurs à vélo, souvent perçus comme des travailleurs indépendants, sont en réalité sous la coupe des plateformes numériques comme Uber Eats, Deliveroo et Stuart. Leur quotidien est marqué par des temps d’attente non rémunérés, une exposition constante aux intempéries et une absence quasi totale de protection sociale.
Cette situation est le fruit du capitalisme moderne et de l’ubérisation, qui remet en question des acquis sociaux fondamentaux. Le travail à la tâche, caractéristique du XIXe siècle, fait un retour en force sous couvert d’auto-entrepreneuriat.
Pendant la crise sanitaire du COVID-19, ces travailleurs ont pourtant joué un rôle essentiel. Ils ont permis à de nombreux restaurants de continuer à fonctionner grâce à la vente à emporter. Pourtant, malgré leur engagement, leur situation reste précaire : pas de couverture en cas d’accident du travail, aucune mesure de prévention, et une dépendance totale aux algorithmes des plateformes.
Une précarité organisée et une exploitation systématique
Loin d’être des entrepreneurs autonomes, les livreurs sont sous une forte dépendance économique vis-à-vis des plateformes :
- Ils ne fixent pas leurs tarifs, contrairement aux indépendants.
- Un refus de course peut entraîner leur « déconnexion », ce qui équivaut à un licenciement déguisé.
- Le système de notation favorise les clients au détriment des livreurs, qui peuvent être pénalisés sans recours possible.
Les livreurs sans papiers subissent une exploitation encore plus sévère : pour travailler, ils doivent souvent louer un compte à un titulaire officiel et lui reverser une partie de leurs gains. Au final, leurs revenus ne leur permettent souvent que de survivre, avec des montants bien en dessous du seuil de pauvreté.
Les revendications de la CGT : des droits pour tous les travailleurs
Face à cette situation, la CGT Côte-d’Or exige des mesures concrètes pour améliorer les conditions de travail des livreurs et garantir des droits sociaux fondamentaux.
1. La création d’un local pour les livreurs
La CGT demande à la ville de Dijon de mettre à disposition un local pour permettre aux livreurs :
- De s’abriter des intempéries pendant leurs temps d’attente.
- De recharger leurs téléphones et vélos électriques.
- D’avoir accès à une aide pour les démarches administratives, notamment la régularisation des travailleurs sans papiers.
2. La régularisation des travailleurs sans papiers
Le syndicat rappelle que ces travailleurs vivent et travaillent ici, et demande leur régularisation immédiate. Pendant la pandémie, ils ont été indispensables, il est donc inacceptable qu’ils soient aujourd’hui menacés d’expulsion.
3. Des conditions de travail dignes et des rémunérations décentes
Les livreurs revendiquent :
- Une augmentation des tarifs des courses pour qu’ils puissent vivre dignement.
- La prise en compte des temps d’attente dans leur rémunération.
- Une transparence sur les algorithmes qui définissent les courses et les gains, ce que les plateformes refusent aujourd’hui.
4. Une protection sociale digne de ce nom
La CGT exige que les plateformes assument leurs responsabilités en tant qu’employeurs :
- Prise en charge des accidents du travail et assurance maladie.
- Fourniture d’équipements de protection pour les livreurs.
- Interdiction des déconnexions arbitraires, qui sont une forme de licenciement abusif.
Vers un combat plus large : une menace pour tous les travailleurs
La situation des livreurs n’est pas un cas isolé. Selon la CGT, l’ubérisation du travail met en danger tous les travailleurs en permettant aux employeurs de contourner les droits sociaux acquis. Le fait que des plateformes puissent imposer des conditions précaires sans protection sociale ouvre la voie à une dégradation globale du marché du travail.
Cette précarisation concerne déjà d’autres secteurs, et si rien n’est fait, le modèle de l’ubérisation pourrait s’étendre à d’autres professions. C’est pourquoi le combat des livreurs est aussi celui de tous les travailleurs.
La CGT regrette que la municipalité de Dijon, qui se revendique progressiste, ait pris une mesure aussi répressive sans concertation préalable avec les organisations de travailleurs.
Le syndicat reste ouvert à la discussion, notamment sur la mise en place d’un local pour les livreurs et sur les démarches de régularisation des sans-papiers. Mais il demande aussi une véritable prise en compte des conditions de travail des livreurs et un changement de cap politique pour protéger ces travailleurs essentiels, au lieu de les pénaliser davantage.
La précarité et la répression ne peuvent être une réponse aux défis du monde du travail. C’est pourquoi la mobilisation des livreurs et des syndicats reste essentielle pour obtenir des droits sociaux à la hauteur de leur contribution à la société.