Hier soir, lors du Conseil municipal de Dijon, la scène politique a pris une tournure inattendue – ou presque. Après l’invalidation d’une précédente délibération par la Préfecture de la Côte-d’Or pour vice de forme, les élus dijonnais étaient appelés à revoter l’élection des membres titulaires et suppléants de la Commission d’appel d’offres (CAO) et de la Commission de délégation de service public (CDSP). Un vote conforme, cette fois, aux règles strictes du scrutin de liste à la proportionnelle, sans panachage ni vote préférentiel.
Et le verdict est tombé : Laurent Bourguignat, membre emblématique de l’opposition dijonnaise, a été élu membre titulaire de ces deux commissions sensibles. Un résultat qui aurait pu sembler banal, s’il n’avait été rendu possible… grâce aux voix de la majorité municipale.
Cette fois, Laurent Bourguignat figurait sur la liste officielle présentée par la majorité municipale, s’assurant ainsi une élection sans risque comme membre titulaire de ces deux commissions. C’est ce choix, plus que le résultat lui-même, qui intrigue.
Un opposant… mais approuvé par la majorité
Pourquoi la majorité municipale, emmenée par Nathalie Koenders, a-t-elle fait le choix assumé d’élire Laurent Bourguignat, et lui seul, parmi les membres de l’opposition ? Pourquoi pas un élu d’un autre groupe, comme celui d’ »Agir pour Dijon », de gauche, écologiste, ou encore d’un groupe plus critique envers l’exécutif ?
C’est justement ce qu’a souligné Laurence Gerbet, du groupe « Agir pour Dijon », dans une prise de parole remarquée : « Nous sommes très surpris que vous persistiez dans vos travers, en ayant annoncé dans le rapport lui-même, transmis depuis le 14 mars, la liste des candidats. Perseverare diabolicum est. C’est pourquoi nous confirmons notre position de ne pas participer à des petits arrangements entre amis. »
Une allusion à peine voilée à un possible deal politique, ou du moins à une entente tacite, entre la majorité et Laurent Bourguignat. Si les preuves de tels arrangements manquent, la perception d’une certaine connivence s’installe peu à peu dans les esprits.
Le choix du « bon opposant » ?
Dans un paysage politique local souvent polarisé, la décision de la majorité de soutenir un opposant bien particulier ne peut être anodine. Est-ce une manière de neutraliser certaines critiques en misant sur un profil plus institutionnel ? Ou s’agit-il simplement d’un choix stratégique, préférant une opposition « raisonnable » à une contestation plus vive ?
Quoi qu’il en soit, le fait est là : Laurent Bourguignat a été élu à la main, avec l’assentiment d’une majorité qui, sur ce point, n’a pas hésité à tendre la main… ou plutôt le bulletin.
Des refus de vote et une demande ignorée
Dans ce contexte, cinq élues ont clairement refusé de prendre part au vote : deux du groupe Agir pour Dijon et trois du groupe des Verts, désormais présidé par Olivier Muller.
Ce dernier, au nom du Groupe des élu•es écologistes et citoyen•nes, a d’ailleurs demandé qu’au moins une place de suppléant soit attribuée à son groupe, rappelant qu’une telle demande avait été formulée par écrit en amont. Mais il a été sèchement renvoyé dans ses buts. La présence d’une liste unique, verrouillée, ne lui laissait de toute façon aucun espoir d’obtenir gain de cause.
Une nomination qui soulève des questions
L’épisode laisse derrière lui un parfum de malaise, ou du moins d’interrogations. À l’heure où la transparence est érigée en vertu démocratique, le flou autour de cette nomination suscite davantage de soupçons que de clarté.
Alors, petits arrangements ou grand pragmatisme ? Impossible à dire pour l’instant. Ce que l’on sait, c’est que Laurent Bourguignat est désormais l’homme de la situation pour la majorité municipale, et ce rôle, il l’endosse avec une aisance qui ne manque pas d’interpeller.