Dans un contexte où la parole des victimes de violences sexuelles continue de se libérer, le Centre Hospitalier La Chartreuse à Dijon franchit une nouvelle étape dans la lutte contre ces violences. Un groupe de paroles spécialement dédié aux hommes victimes de violences sexuelles voit le jour au sein de l’établissement, animé par deux psychologues expérimentés, Corinne Billoué et Jean Gascuel.
Cette initiative, encore rare en France, répond à un besoin urgent de reconnaissance et de prise en charge des hommes confrontés à ce type de violences, trop souvent invisibilisés dans les dispositifs d’accompagnement.
Reconnaître une souffrance encore taboue
Si les violences sexuelles faites aux femmes sont désormais davantage reconnues dans le débat public et les politiques de santé, celles que subissent les hommes restent largement passées sous silence. Et pourtant, les chiffres parlent d’eux-mêmes :
- Environ 1 homme sur 25 en France a été victime de violences sexuelles, soit près de 1,3 million de personnes (enquête Virage, 2015).
- 2/3 d’entre eux ont été agressés avant l’âge de 18 ans.
- Chaque année, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles, soit un toutes les 3 minutes (source : CIIVISE).
- Dans 81 % des cas, l’agresseur est un membre de la famille.
Ces données, déjà alarmantes, sont probablement inférieures à la réalité en raison du caractère massif de la sous-déclaration, particulièrement chez les hommes. En cause : les stéréotypes de genre, qui veulent qu’un homme soit « fort », « invulnérable », peu enclin à montrer ses émotions ou à se reconnaître comme victime.
« Les violences sexuelles faites aux hommes restent peu visibles et encore largement taboues. Il est essentiel de s’emparer de ce sujet pour que ces victimes soient reconnues et accompagnées. »
— Corinne Billoué et Jean Gascuel, psychologues au CH La Chartreuse
Une réponse thérapeutique nécessaire et adaptée
Ce groupe de paroles vise à rompre l’isolement des hommes victimes et à leur offrir un cadre sécurisé pour entamer un processus de reconstruction. Contrairement aux idées reçues, aucun récit détaillé des violences n’est exigé. L’objectif est de travailler sur les conséquences psychologiques et émotionnelles de ces traumatismes dans la vie quotidienne.
Ce type de dispositif est reconnu pour ses effets thérapeutiques puissants. Il permet aux participants de :
- Partager leurs émotions avec d’autres hommes ayant vécu des expériences similaires ;
- Comprendre les symptômes post-traumatiques qu’ils peuvent ressentir (anxiété, dépression, flash-back, conduites à risque, troubles relationnels…) ;
- Déconstruire les idées reçues sur la masculinité et la vulnérabilité ;
- Retrouver confiance en eux, en leur histoire, et en leur capacité à se reconstruire.
Le format en groupe encourage l’entraide, l’écoute et la reconnaissance mutuelle, autant d’éléments clés pour sortir de l’isolement souvent vécu par les victimes masculines.
Un binôme thérapeutique homme-femme pour briser les stéréotypes
Le groupe est animé par un duo homme-femme, un choix assumé et symbolique qui permet de :
- Représenter l’égalité des genres dans un cadre thérapeutique ;
- Favoriser un regard croisé sur les situations cliniques, enrichissant l’analyse et la prise en charge ;
- Offrir aux participants deux figures de soutien complémentaires, capables d’apporter des perspectives différentes sur les vécus exprimés.
Ce binôme illustre également la nécessité de dépasser les représentations genrées qui freinent la reconnaissance des hommes comme victimes.
Une initiative qui s’inscrit dans une politique globale de lutte contre les violences
Le CH La Chartreuse n’en est pas à son coup d’essai. Depuis 2014, l’établissement propose déjà un groupe de paroles pour femmes victimes de violences sexuelles, mis en place dans le cadre du plan national de lutte contre les violences faites aux femmes. L’ouverture de ce nouveau groupe masculin marque une volonté forte d’élargir la prise en charge à toutes les victimes, indépendamment de leur genre.
Par ailleurs, l’établissement a signé un protocole spécifique pour l’accueil et l’accompagnement des victimes de violences conjugales, intrafamiliales et/ou sexuelles, prévoyant :
- Une orientation rapide vers des professionnels spécialisés ;
- Une évaluation médicale et psychologique adaptée ;
- Une information claire sur les droits des victimes et les démarches possibles ;
- Une coordination avec les autorités judiciaires et les associations d’aide.
Témoignages et prise de conscience
Le témoignage d’Augustin, victime dans l’enfance, illustre la complexité du chemin vers la reconnaissance et la guérison :
« Je n’avais pas conscience que j’avais reproduit ce que j’avais subi. Sur le coup, je n’ai pas identifié que j’étais à l’origine d’une agression. C’est en venant travailler sur mes symptômes que j’ai commencé à réaliser. »
Des mouvements comme #MeTooGarçons ou les prises de parole de personnalités telles qu’Aurélien Wiik ont contribué à briser le silence, mais le chemin reste long pour obtenir une reconnaissance pleine et entière de cette réalité.
Modalités d’accueil et inscription
Le groupe de paroles est ouvert aux hommes majeurs, qu’ils aient été victimes dans l’enfance ou à l’âge adulte (inceste, viol, attouchements, agressions sexuelles).
- Lieu : CH La Chartreuse – Dijon
- Fréquence : séances de septembre à juin
- Information ou inscription : 03 80 78 00 44
- Entretien préalable obligatoire : pour expliquer le cadre, les objectifs et le fonctionnement du groupe
Un groupe de paroles pour femmes victimes de violences sexuelles se tient également tous les jeudis de 14h à 16h.
Avec ce nouveau groupe de paroles pour hommes victimes de violences sexuelles, le CH La Chartreuse envoie un signal fort : aucune victime ne doit être laissée de côté. En donnant la parole aux hommes et en leur proposant un accompagnement adapté, l’établissement contribue à briser un tabou profondément ancré dans notre société. Une initiative exemplaire, à étendre et à soutenir.