C’est une décision qui met fin à plus de deux ans et demi de mobilisation : le projet immobilier controversé Venise 2, prévu sur les berges du Suzon, est officiellement abandonné. L’annonce a été faite par la Maire de Dijon, Nathalie Koenders, lors du dernier Conseil municipal. Une victoire saluée avec émotion et détermination par le Collectif Sauvons les berges du Suzon, à l’origine de la contestation.
Dans un communiqué diffusé après l’annonce, le collectif exprime sa profonde gratitude envers les habitant.e.s, les riverain.e.s et les nombreuses associations qui ont soutenu la lutte. « C’est grâce à l’engagement de toutes et tous que ce site naturel a été sauvé« , déclare-t-il, rappelant que le permis de construire avait déjà été annulé par le Tribunal administratif le 6 mars dernier.
Mais au-delà du soulagement, le collectif n’a pas mâché ses mots sur la façon dont la municipalité a géré ce dossier. Il déplore une absence de reconnaissance du rôle des citoyen.ne.s dans l’abandon du projet, et critique une politique urbaine menée « à marche forcée », sans concertation. « Avant toute autre parole, la décence élémentaire aurait dû pousser la Maire à dire deux mots : pardon et merci« , souligne le texte.
Lors de son intervention, Nathalie Koenders a présenté l’abandon du projet dans un cadre plus large, celui d’une « vision en matière d’urbanisme », défendant la politique menée depuis 23 ans par l’équipe municipale. Elle a assuré vouloir désormais construire en préservant les grands espaces de pleine terre « identifiés« , sans pour autant préciser quels sites seraient concernés. Une promesse que le collectif accueille avec prudence : « Les jardins de la bande Est des Lentillères seront-ils, par exemple, protégés ?«
Autre motif d’amertume, selon le collectif : ce qu’il perçoit comme une tentative de récupération politique de cette victoire citoyenne, à un an des élections municipales. La Maire a en effet déclaré que ce n’était pas la contestation qui l’avait fait reculer, mais « le bon sens« . Une affirmation que le collectif juge « lunaire« , y voyant une manière d’éviter de reconnaître le rôle crucial des habitant.e.s dans l’abandon du projet. « Doit-on comprendre que ce bon sens lui a soudainement été révélé ? Ou que son prédécesseur en manquait ?« , ironise le communiqué.
S’ils savourent cette victoire, les membres du collectif restent vigilants. Ils appellent la municipalité à engager dès maintenant une véritable concertation pour la protection à long terme des berges du Suzon, et à mettre fin aux décisions prises sans dialogue avec les citoyen.ne.s. « L’absence de remise en question nous inquiète pour la suite« , préviennent-ils.
Et de conclure sur une note poétique : « Des arbres de la ripisylve aux papillons de la prairie, du hérisson dans son nid aux canards de la rivière : tous les êtres vivants des berges du Suzon vous remercient chaleureusement !«
Communiqué du 26 mars 2025 :
Abandon du projet Venise 2 : le Collectif Sauvons les berges du Suzon remercie les habitant.e.s et les associations qui ont rendu possible cette victoire !
En réunion du Conseil municipal le 24 mars, la Maire de Dijon a annoncé l’abandon du programme immobilier Venise 2, comme nous l’avions prévu dès l’annulation du permis de construire par le Tribunal administratif le 6 mars dernier. Elle aurait dû commencer par dire PARDON et MERCI aux habitant.e.s qui ont sauvé les berges du Suzon !
Dans une longue déclaration (à lire ici ou écouter là) présentée comme un « point général sur sa vision en matière d’urbanisme », Nathalie Koenders a surtout défendu la politique de bétonisation menée depuis 23 ans, avec notamment un vibrant hommage à Pierre Pribetich ! Et elle s’est employée à rassurer les promoteurs immobiliers, qui n’aiment pas les abandons de programmes : « Dijon est une ville où non seulement on peut construire, mais où l’on veut construire ! »
Elle a également déclaré : « Nous construirons désormais en préservant les grands espaces de pleine terre que nous aurons identifiés ». On a vraiment hâte d’en savoir plus… par exemple, les jardins de la bande Est des Lentillères seront-ils sauvés par cette nouvelle règle !?
Dans sa déclaration, il a manqué deux choses essentielles sur l’abandon du projet Venise 2.
D’abord, deux mots simples, évidents en cette circonstance, mais sans doute impossibles à prononcer pour une nouvelle Maire formée pendant 17 ans à l’école de l’exercice vertical du pouvoir. Avant toute autre parole, la décence élémentaire aurait dû la pousser à dire à notre Collectif et aux 3 500 habitant.e.s qui soutiennent notre lutte : PARDON (de vous avoir toujours ignorés, et parfois traînés dans la boue) et MERCI (d’avoir sauvé les berges du Suzon).
C’est la lutte des habitant.e.s attaché.e.s au patrimoine naturel de leur ville et à l’avenir de leurs enfants qui a sauvé ce site de la destruction !
Au lieu de prononcer ces mots simples, elle a préféré tenter la récupération politique de cette victoire des habitant.e.s et des associations. Récupération en forme de message à ses opposants écologistes, à un an des élections municipales.
« Ce n’est pas la contestation qui me fait reculer, c’est le bon sens », a déclaré plus tard Mme Koenders. Doit-on comprendre que le « bon sens » lui a soudainement été révélé ? ou que son prédécesseur en manquait !? 😉 Argument lunaire en tout cas, pour surtout éviter de reconnaître le rôle qu’ont joué les habitant.e.s dans l’abandon du projet.
Ensuite, il a manqué la reconnaissance de l’échec complet de la méthode Rebsamen-Koenders : avancer à marche forcée sans tenir AUCUN COMPTE de l’avis des Dijonnaises et Dijonnais (le collectif n’a JAMAIS été reçu, les riverains jamais consultés), jusqu’au naufrage final. Plutôt que de se placer dans une posture de dialogue et de concertation, qui leur aurait permis de comprendre beaucoup plus tôt pourquoi ce programme ne verrait jamais le jour.
Cette absence d’introspection, cette incapacité à la moindre remise en cause, nous inquiètent pour la suite, l’abandon du programme Venise 2 laissant de nombreuses questions ouvertes, notamment quel projet d’aménagement et de protection pour le site des berges du Suzon, quel périmètre, etc.
Après avoir perdu 2 ans et demi en procédures judiciaires, nous demandons à nouveau à la Maire de changer de méthode et de mettre en place immédiatement une instance de concertation des riverain.e.s et des habitant.e.s de Dijon pour la protection définitive de la biodiversité du Suzon !
Surtout, nous souhaitons à nouveau remercier toutes celles et ceux, habitant.e.s comme associations, qui ont contribué à cette lutte par tant d’engagements : du temps passé pour réfléchir et organiser la défense de la RUBS à tous les niveaux, des présences aux rassemblements, des dons, etc. Cette victoire est la leur !
Des arbres de la ripisylve aux papillons de la prairie, des enfants qui s’égaillent aux promeneurs qui se ressourcent, du hérisson qui dort dans son nid aux canards de la rivière : tous les êtres vivants des Berges du Suzon vous remercient chaleureusement !
Notre sentiment du moment, en trois mots : soulagement, amertume et vigilance.
Collectif Sauvons les berges du Suzon
Pour mémoire :
Le tableau des procédures judiciaires
Trois procédures distinctes devant le Tribunal Administratif :
- Décembre 2022 : recours en excès de pouvoir demandant l’annulation de délibération du Conseil municipal de juin 2022 autorisant la vente des terrains de la Ville au promoteur : délibération annulée par le TA le 23 mai 2024.
- Janvier 2023 : recours contre la non-opposition du Préfet au dossier DLE du promoteur : perdu en 1ère instance
- Mars 2023 : recours en annulation contre le permis de construire : permis annulé par le TA le 6 mars 2025.
Au total : 18 mémoires produits par le Collectif, 11 mémoires par le promoteur, 7 mémoires par la Ville, 1 mémoire par le Préfet de la Côte d’Or
Les 35 communiqués de presse publiés depuis septembre 2022