À moins d’un an des élections municipales, Nathalie Koenders déploie une stratégie bien huilée : agir, désamorcer, rassurer – tout en affirmant qu’elle n’est pas en campagne. Une posture politique aussi maîtrisée qu’ambiguë, qui vise à renforcer sa légitimité sans encore entrer officiellement dans la course. Décryptage d’un plan méthodique.
“Je ne suis pas en campagne” : la posture de la maire au service
Premier axe affiché : répéter que l’heure n’est pas à la campagne, mais à l’action. À chaque prise de parole, Nathalie Koenders martèle qu’elle reste pleinement investie « au service des Dijonnais et des Dijonnaises ». Une façon habile de se distinguer des ambitions personnelles, tout en occupant le terrain médiatique. Mais qui peut encore y croire ?
En réalité, cette ligne de communication sert un double objectif : apparaître comme une élue responsable, concentrée sur sa mission actuelle, et éviter les critiques d’opportunisme ou de précipitation. Rester floue sur ses intentions permet aussi de maîtriser le tempo et de retarder l’usure médiatique d’une longue campagne.
L’urbanisme, un dossier explosif à désamorcer
Deuxième axe stratégique : faire le ménage dans les dossiers sensibles avant l’ouverture officielle de la bataille électorale. Et c’est sur le terrain de l’urbanisme que cette stratégie se déploie avec le plus de clarté.
Lors du conseil municipal du 24 mars 2025, Nathalie Koenders a livré un signal fort : aucun recours ne sera engagé contre l’annulation du permis de construire du controversé projet Venise 2. Plus encore, elle a annoncé la révision du PLUI-HD, le Plan Local d’Urbanisme intercommunal – Habitat et Déplacements. En clair : elle ouvre la porte à une remise à plat des projets urbanistiques, sujet brûlant dans une ville où les tensions sur l’aménagement du territoire sont de plus en plus vives.
Ce coup de théâtre politique poursuit un objectif précis : neutraliser les fronts de contestation. La maire sait en effet qu’un collectif comme “Sauvons les berges du Suzon”, mobilisé contre le projet immobilier Venise 2, pourrait nuire à sa campagne. Comme le confie un élu de la majorité : « Vous imaginez, en plein meeting, des manifestants bloquant l’entrée ? Ce serait catastrophique. Les Dijonnais, ces projets immobiliers à la chaîne, ils n’en peuvent plus. » Le message est clair : apaiser, écouter, réajuster, avant que la colère ne déborde dans l’arène électorale.
Agir sans promettre : une maire qui “fait”
Pendant ce temps, la maire continue d’annoncer des projets d’envergure, bien au-delà de la simple gestion quotidienne. Rénovation du parc des expositions pour 62 millions d’euros, lancement de la troisième ligne de tramway… Des investissements massifs, porteurs d’avenir, qui montrent une vision à long terme.
Là encore, la stratégie est limpide : inscrire son action dans une dynamique constructive, sans passer par la case promesse électorale. Montrer qu’elle est déjà dans le concret, qu’elle agit. Et ainsi construire un récit de leadership solide et responsable.
Retarder l’annonce de candidature : le dernier levier
Dernier volet de cette stratégie bien pensée : ne surtout pas officialiser trop tôt sa candidature. Un choix calculé, qui lui permet de garder l’initiative, de ne pas cristalliser l’opposition trop vite, et de prolonger la posture de maire « au travail » plutôt que candidate en quête de voix.
Ce flou stratégique permet aussi de laisser ses adversaires politiques s’épuiser ou se découvrir, pendant qu’elle reste à l’abri derrière ses dossiers et ses annonces.
Une stratégie risquée, mais efficace
En somme, la stratégie de Nathalie Koenders repose sur une logique en trois temps : désamorcer les conflits, affirmer sa capacité à diriger, et repousser l’entrée officielle en campagne pour mieux en contrôler le rythme. C’est fin, bien construit… mais pas sans risque. Car à force de temporiser, elle pourrait laisser le champ libre à d’autres candidatures plus offensives ou capter un électorat lassé par le flou.
Mais pour l’instant, elle tient la barre. Et elle entend bien rappeler, au cas où certains en douteraient, que c’est elle – et personne d’autre – qui décide aujourd’hui à Dijon.