Le rapport d’enquête récemment publié par la députée Isabelle Santiago sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance a été accueilli avec une attention particulière par l’Assemblée des Départements de France (ADF). Dans un communiqué diffusé le 8 avril 2025, l’ADF exprime à la fois un sentiment de soulagement et un appel pressant à l’action collective.
Depuis des années, les Départements, chefs de file de l’aide sociale à l’enfance (ASE), alertent sur les difficultés croissantes auxquelles ils sont confrontés. Si les collectivités se disent prêtes à renforcer leurs actions, elles conditionnent cet engagement à une implication réelle de l’État et à un financement à la hauteur des enjeux. Le rapport Santiago reconnaît enfin, selon l’ADF, les défaillances structurelles de l’État, régulièrement dénoncées par les Départements : insuffisance du système de protection judiciaire de la jeunesse, carences dans la prise en charge de la santé mentale des enfants, ou encore absence de réponse coordonnée entre les acteurs.
Recentrer l’État ? Une fausse bonne idée selon les Départements
L’ADF rejette fermement l’idée que la recentralisation de la politique de protection de l’enfance soit la solution à la crise actuelle. Confier cette mission à un État endetté à hauteur de 3200 milliards d’euros serait, selon elle, une illusion dangereuse. Les Départements rappellent qu’aucun d’entre eux ne sous-investit dans la protection de l’enfance et que l’État ne peut se contenter d’un rôle de « contrôleur général », même via ses préfets.
La solution, pour l’ADF, réside dans une action interministérielle coordonnée et dans un réengagement concret de l’État à tous les niveaux. Il ne s’agit pas d’ajouter des normes ou de multiplier les contrôles, mais bien de proposer des réponses adaptées, notamment pour les enfants en situation de handicap ou nécessitant un suivi pédopsychiatrique.
Des Départements mobilisés mais asphyxiés
Malgré un engagement constant – illustré par un investissement de 10 milliards d’euros en 2022, soit une hausse de 76 % depuis 2007 – les Départements évoluent dans un contexte tendu : pénurie de professionnels, explosion du nombre de jeunes à protéger (+36 % de mineurs accueillis entre 2007 et 2022), et budgets contraints par la nécessité de contribuer au redressement des comptes publics.
Face à cette réalité, l’ADF demande que toute nouvelle compétence ou dépense imposée aux Départements fasse l’objet d’une compensation financière pérenne. Elle insiste également sur la nécessité de mettre en œuvre des ressources pluriannuelles pour sécuriser les politiques publiques de l’enfance.
Un engagement clair pour l’avenir
Les Départements réaffirment leur volonté d’agir. Ils se disent pleinement mobilisés sur des sujets prioritaires identifiés par le rapport : la sécurisation des accueils hors département, la prise en charge des tout-petits, la gestion du cumul d’emplois chez les assistants familiaux, le contrôle des antécédents judiciaires ou encore le recours aux tiers de confiance dans l’environnement de l’enfant.
Mais ils alertent : on ne pourra pas faire mieux avec moins. Et surtout, on ne pourra pas progresser durablement si la société dans son ensemble ne s’interroge pas sur les causes profondes qui mènent à la mise en danger des enfants. « L’ASE doit rester un dernier recours, et ne pas intervenir par défaut », insiste l’ADF, qui dénonce un angle mort des politiques publiques.
Un appel à cesser le « bashing » de l’ASE
Enfin, Départements de France appelle à un changement de regard sur la protection de l’enfance. Elle déplore les constats sensationnalistes et le « bashing » récurrent qui pèsent sur les professionnels de l’ASE. Ces derniers, malgré des conditions difficiles, s’emploient chaque jour à garantir la sécurité et le bien-être de près de 400 000 enfants et jeunes majeurs.
« On demande aux Départements de prendre toujours plus d’enfants en charge, sans en interroger les causes, tout en les incriminant régulièrement », résume François Sauvadet, président de l’ADF. Avec ce rapport, les Départements espèrent ouvrir une nouvelle phase de travail constructif, au service d’une politique de l’enfance digne de ce nom.