Rien ne va plus à la chambre d’agriculture de Côte-d’Or. Lors de la séance plénière du 10 juin, les deux élus de la Confédération paysanne ont quitté la session en signe de protestation, dénonçant un climat devenu, selon eux, « intolérable ». Ce départ fracassant fait suite à une série d’entraves à leur droit d’expression et à une absence manifeste de pluralisme dans les débats, notamment sur la question sensible de l’usage des pesticides.
Dans un communiqué au ton ferme, la Confédération paysanne dénonce un fonctionnement antidémocratique de la chambre, dominée par le syndicat majoritaire, la FDSEA. « Nos élus, déjà marginalisés par un mode de scrutin inéquitable, ne peuvent même plus exercer leur rôle d’opposition », affirme le texte.
La goutte d’eau ? L’interruption abrupte de la prise de parole de l’un des élus, alors qu’il alertait sur les conséquences bien documentées des produits phytosanitaires sur l’environnement et la santé. L’interruption est survenue de la part d’Antoine Carré, représentant de la FDSEA 21, non élu mais pourtant présent et autorisé à intervenir. Ce dernier a, selon le communiqué, « nié grossièrement les conclusions scientifiques » et profité de l’occasion pour défendre un assouplissement de la réglementation sur les pesticides. Une position soutenue par le président de la chambre, Olivier de Loisy, dont l’intervention est qualifiée de « caricaturale ».
La Confédération paysanne rappelle avec vigueur les conclusions accablantes de l’INRAE (2022) et de l’Agence européenne de l’environnement (2023), qui relient l’usage intensif des pesticides à la pollution des sols, de l’air et de l’eau, à la perte de biodiversité, ainsi qu’à des maladies graves, en particulier chez les agriculteurs eux-mêmes.
L’absence de réaction du préfet de Côte-d’Or, également présent lors de la session, est jugée inquiétante. « Il n’a pas rappelé la nécessité du pluralisme ni pris la défense des fondements scientifiques, ce qui revient à cautionner un simulacre de débat », s’indigne le syndicat.
Au cœur de cette colère, un constat plus large : pour la Confédération paysanne, les dysfonctionnements locaux illustrent la dérive d’un système agricole national de plus en plus verrouillé par les intérêts de l’agro-industrie, notamment à travers la très contestée loi Duplomb. Une loi qui, selon eux, ne répond en rien aux besoins des paysans, mais renforce au contraire la dépendance à un modèle productiviste destructeur.
« Nous ne serons pas les cautions démocratiques de cette assemblée fantôme », conclut le communiqué, appelant le préfet à fournir des garanties claires sur la transparence et la pluralité des débats au sein de la chambre. À défaut, le syndicat menace de se désengager davantage d’une instance qu’il juge aujourd’hui disqualifiée.
Communiqué de presse du 11 juin 2025 :
Quand déni démocratique et obscurantisme se conjuguent !
Nos deux élus à la chambre d’agriculture de Côte d’Or ont légitimement décidé de quitter la séance plénière ce mardi 10 juin 2025, la situation étant devenue intolérable. Déjà mis en minorité par un mode de scrutin inéquitable et des pratiques abusives favorisant l’hégémonie du syndicat majoritaire, il s’avère impossible pour nos élus d’exercer leur droit d’opposition.
Alertant sur les risques d’une extension des dérogations d’usage de produits phytosanitaires (pesticides) au regard de leurs impacts négatifs – désormais bien documentés – sur les sols, l’eau, la biodiversité et la santé humaine, l’un de nos élus a été sèchement coupé dans sa prise de parole par le président de la FDSEA 21, Antoine Carré, non élu et pourtant invité à cette session. Celui-ci a fait preuve d’un grossier déni des conclusions scientifiques sur le sujet, surfant sur la vague d’un grand retour en arrière en matière d’encadrement écologique des pratiques agricoles. Il n’a pas été possible de mener à terme notre intervention.
Doit-on rappeler à Mr Carré et, par la même occasion, à Mr de Loisy, président de la chambre d’agriculture qui a soutenu ses propos de façon non moins caricaturale, les conclusions de l’expertise collective de l’INRAE en 2022 sur l’impact des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité et les services que les écosystèmes rendent à la société ? Ou encore l’alerte lancée en 2023 par l’Agence européenne de l’Environnement (AEE) : « l’utilisation généralisée des pesticides est une source majeure de pollution – contaminant l’eau, le sol et l’air, entraînant une perte de biodiversité et conduisant à la résistance des ravageurs. L’exposition humaine aux pesticides chimiques est liée à des maladies chroniques telles que le cancer et les maladies cardiaques, respiratoires et neurologiques » ? 1 2
Ces deux responsables syndicaux ignorent-ils vraiment l’impact des pesticides sur la santé, et en premier lieu celles des agricultrices et des agriculteurs ? Comment expliquent-ils alors que certaines maladies professionnelles sont directement associées à l’exposition aux pesticides ? Ou qu’un fonds d’indemnisation ait été mis en place pour les victimes d’une exposition professionnelle aux pesticides dont l’instruction et la gestion ont été confiées à la MSA ?
Nous pourrions considérer cet événement comme anecdotique – une provocation de plus d’un corporatisme agricole aux ordres de l’agro-industrie – si celui-ci n’avait pas été soutenu activement par le président de la chambre d’agriculture lui-même et en présence du préfet de la Côte d’Or.
Ce dernier n’a pas réagi pour rappeler à la fois la nécessité d’un pluralisme au sein de la chambre d’agriculture et l’évidence des preuves scientifiques alertant sur les conséquences écologiquement et sanitairement catastrophiques d’une agriculture productiviste. Malheureusement, nous constatons que le fonctionnement de la chambre d’agriculture de Côte d’Or n’est que le reflet de la dérive démocratique et productiviste constatée au niveau national avec la volonté de faire passer en force la loi Duplomb. Loin de répondre aux aspirations partagées par la très grande majorité des paysannes et paysans de pouvoir vivre dignement de leur métier, cette loi enserre encore plus le monde agricole dans l’étau mortifère de l’agro-industrie.
Nous refusons de participer à cette mascarade, nous ne serons pas les cautions démocratiques de cette assemblée fantôme, rendue à une simple fonction d’enregistrement alors que tout est déjà décidé en bureau, où peuvent se proférer des aberrations sans qu’une parole différente ou l’exposition de contre-arguments puissent s’exprimer sereinement. A ce titre, nous demandons au préfet de Côte d’Or des garanties, sans quoi nous laisserons un peu plus encore les tenants du corporatisme agricole dominant dans leur entre-soi confortable mais non moins destructeur pour le monde agricole, l’environnement et la santé humaine.
1 Expertise collective de l’INRAE sur l’impact des pesticides,2022
2 Rapport de l’AEE sur l’impact des pesticides, 2023
Pour aller plus loin : Livret de la Confédération Paysanne “Sortir des pesticides. Soutenir les paysan.ne.s, réguler les productions, déployer les alternatives.”