La préfecture de la Côte-d’Or a officiellement interdit la tenue de la manifestation « Pride 2025 » dans le centre-ville de Dijon, initialement prévue pour le samedi 14 juin 2025. Organisée par l’union syndicale Solidaires 21 et l’association Les Orageuses, cette marche visait à défendre les droits des personnes LGBTQIA+.
Déclarée en préfecture le 6 juin, la manifestation devait emprunter un parcours symbolique traversant notamment la place de la Libération, la rue de la Liberté, la place Darcy, le boulevard de Brosses, le boulevard de la Trémouille, la place de la République, la rue Jean-Jacques Rousseau, la rue Auguste Comte, la rue Lamonnoye, la place du Théâtre, la rue Chabot Charny et la place Wilson.
Une interdiction motivée par des risques de troubles à l’ordre public
La préfecture justifie sa décision d’interdiction par plusieurs éléments :
• Une affluence bien plus élevée que celle annoncée
Selon la direction interdépartementale de la police nationale, les appels à rassemblement diffusés sur les réseaux sociaux et par voie d’affichage plusieurs jours avant la déclaration en préfecture laissent anticiper entre 1 000 et 1 500 participants, contre 200 annoncés par les organisateurs. Par ailleurs, une autre manifestation, organisée par le Mouvement de la Paix en soutien à Gaza, est prévue le même jour dans le centre-ville, avec un risque de convergence entre les deux cortèges.
• La tenue simultanée d’autres événements en centre-ville
Les forces de l’ordre seront déjà mobilisées pour sécuriser plusieurs événements festifs et culturels à Dijon le 14 juin, dont l’Open Plus de basket 3×3 place de la République, le marché des éditeurs du festival Clameur(s) place François-Rude, les 150 ans des Halles centrales, les Journées européennes de l’archéologie au square des Bénédictins, et l’exposition « BAZ’ART » au square Carrelet de Loisy. La préfecture souligne que ces événements, couplés à l’affluence habituelle du samedi, notamment de nombreuses familles, satureront déjà l’espace public.
• Des risques d’infiltration par des groupes violents issus de l’ultra-gauche
La préfecture rappelle que le 24 juin 2023, plusieurs collectifs LGBTQIAP+, dont le « Collectif 25 novembre » issu de l’ultra-gauche dijonnaise, avaient organisé une marche des fiertés non déclarée. Celle-ci avait donné lieu à de nombreuses dégradations de biens publics et privés, ainsi qu’à des tags à caractère obscène, anti-police ou visant des membres du gouvernement. Deux personnes avaient été interpellées et reconnues coupables.
Elle mentionne également une manifestation non déclarée du 31 mai 2025 ayant rassemblé environ 600 personnes, parmi lesquelles des individus radicalisés, avec pour conséquence des dégradations en ville et un employé de commerce blessé à la tête après un vol collectif.
L’arrêté préfectoral cite en outre plusieurs rassemblements violents en 2023 à Dijon (les 16 mars, 20 mars, 1er, 14 et 17 avril, 6 et 16 mai), où des individus issus de l’ultra-gauche auraient forcé les barrages de police, dégradé le mobilier urbain et lancé des projectiles.
• Un contexte de forte tension sécuritaire
Le centre historique de Dijon, en secteur sauvegardé, présente selon la préfecture une configuration particulièrement sensible en cas de forte affluence, avec ses ruelles étroites, ses bâtiments rapprochés et la concentration de bâtiments publics (préfecture, conseil régional, mairie, etc.).
La préfecture rappelle également que le pays est placé au niveau « Urgence Attentat » du plan Vigipirate depuis le 25 mars 2024, ce qui mobilise déjà fortement les forces de sécurité pour protéger les lieux sensibles (lieux de culte, infrastructures, centres commerciaux…).
Des propositions rejetées par les organisateurs
Lors d’une réunion tenue le 6 juin, la préfecture affirme avoir proposé un itinéraire alternatif, situé en dehors du centre historique, afin de concilier sécurité publique et droit de manifester. Cette proposition aurait été refusée par les organisateurs selon la préfecture de Côte-d’Or.
Une interdiction partielle
L’arrêté préfectoral ne prononce pas une interdiction totale de la Pride 2025, mais interdit sa tenue dans un périmètre défini du centre-ville. Les organisateurs conservent la possibilité de la maintenir en dehors de cette zone, sous réserve du respect de l’ordre public.
Une décision contestable en justice
Les organisateurs peuvent contester cette décision devant le tribunal administratif de Dijon, avec la possibilité de déposer un référé liberté en cas d’atteinte grave à une liberté fondamentale. La question reste ouverte : l’arrêté préfectoral sera-t-il contesté dans les heures à venir ?
Une réaction ferme de Solidaires 21
De son côté, l’Union Syndicale Solidaires de Côte-d’Or n’a pas manqué de réagir à cette interdiction via un communiqué de presse publié le 11 juin. Elle dénonce « l’énième interdiction de parcours en centre-ville » et accuse la préfecture de « disqualifier les organisatrices et organisateurs » en préparant à l’avance une réponse répressive, notamment à travers les « contraventions de la quatrième classe ».
Le syndicat conteste également la présentation faite par la préfecture d’un représentant ayant « refusé de poursuivre le dialogue » lors de l’audience du 6 juin. Selon Solidaires 21, il ne s’agissait pas d’un refus de dialogue mais d’une rupture assumée face à « une supercherie de pseudo dialogue social », le mandat du syndicat étant clair : refuser toute tentative d’invisibilisation des revendications LGBTQIA+ en reléguant le parcours hors du centre-ville.
Solidaires souligne que dès le début de l’échange, la préfecture avait annoncé son intention d’interdire tout passage dans le centre-ville, ne laissant que comme seule alternative un parcours déjà refusé et contesté l’année précédente par la CGT 21, la FSU 21 et Solidaires 21 devant le tribunal administratif.
Dans son communiqué, l’organisation qualifie la décision préfectorale d’« affligeante », dénonçant une politique de gestion de l’espace public qui ne tiendrait pas compte de la montée des discours réactionnaires et LGBTQIAphobes, ni des violences subies par les minorités.
Elle critique également le recours à l’avis défavorable de la Ville de Dijon, y voyant une tentative de légitimer une décision déjà prise, et ironise : « ça doit être cela ce qu’on nomme le progressisme ».
Par ailleurs, elle dénonce le retour de « l’argument d’autorité de l’ultra-gauche », convoqué pour justifier l’arrêté, à travers des références à des manifestations remontant à 2023, dans un tout autre contexte social.
Le syndicat questionne aussi la cohérence des arguments sécuritaires avancés, notamment l’évocation d’un risque de convergence entre la Pride et une manifestation de soutien à la Palestine, ou la présence d’événements comme un tournoi de basket 3×3 place de la République – un lieu pourtant proposé par la préfecture dans son itinéraire alternatif.
Enfin, Solidaires rappelle que d’autres manifestations qu’elle a organisées récemment un samedi – comme celles du 8 mars ou du 5 avril – se sont déroulées sans incidents.
Solidaires 21 annonce son retrait de l’organisation de la Pride 2025, déclarant qu’elle ne se tiendra pas sous une forme sécurisée acceptable pour elle. Elle accuse la préfecture de vouloir invisibiliser les revendications LGBTQIA+ tout en l’exposant à des difficultés organisationnelles inhabituelles.
Le communiqué conclut :
« Malgré l’attitude de la préfecture, Solidaires 21 continuera de défendre toute personne victime de discriminations liées à son orientation sexuelle et revendique l’égalité des droits pour toustes ! Nous savons que l’émancipation et l’épanouissement de toutes et tous arriveront par la rue ! Continuons de nous battre pour de véritables politiques de lutte contre les LGBTQIphobies et contre le sexisme ! »