Lors du conseil municipal qui s’est tenu ce lundi 23 juin 2025, la requalification du secteur de la Montée de Guise, situé rue de la Manutention, a fait l’objet d’échanges entre les élus. Au cœur du projet : une œuvre d’art ambitieuse destinée aux escaliers publics et aux façades attenantes des immeubles de CDC Habitat Social. En toile de fond, un débat nourri a porté sur les questions de sécurité, d’entretien, ainsi que sur le retrait des grilles de protection actuellement en place.
La Ville de Dijon et CDC Habitat Social envisagent la création d’un groupement de commande pour réaliser cette œuvre. Le coût sera partagé entre les deux entités, à hauteur de trois quarts pour CDC Habitat Social et un quart pour la commune. La Ville, désignée coordonnatrice du groupement, mènera le processus de sélection de l’artiste et assurera le suivi administratif du marché public.
Un projet artistique dans un site marqué par l’insécurité
Mais ce projet n’a pas fait l’unanimité. Pour Laurence Gerbet, du groupe Agir pour Dijon, la priorité devrait aller ailleurs : « Votre rapport concerne la Montée de Guise, qui relève du domaine public de la ville. Vous proposez d’ajouter une œuvre d’art au sol et sur les façades de CDC Habitat. C’est complètement décalé par rapport à la réalité du site. Pour les habitants et les riverains, la première priorité est celle de la sécurité. Chacun peut constater la présence de personnes alcoolisées installées sur les marches, en lien avec le foyer de la Manutention et celui de la rue des Corroyeurs. Que proposez-vous pour y répondre ? »
L’élue s’inquiète particulièrement du retrait envisagé des grilles en fer forgé, une protection installée pour limiter les intrusions sur le site : « Il a été question en commission de supprimer les grilles en fer forgé. Ne serait-il pas préférable, au contraire, de rendre effective la fermeture de ce site la nuit ? »
Elle alerte également sur l’état de dégradation des lieux : « Certaines dalles sont abîmées, désolidarisées de leur socle. Nous considérons qu’une opération de nettoyage approfondi et de restauration de la maçonnerie de ces imposants escaliers est indispensable… Ces travaux sont un préalable obligatoire avant d’ajouter éventuellement une œuvre d’art. » Enfin, elle suggère une piste alternative : « Cet espace est totalement minéral. Plutôt qu’une œuvre d’art, ne serait-il pas plus intéressant de travailler sur sa végétalisation ? »

Réponse ferme de la majorité municipale
Face à ces critiques, Nathalie Koenders, maire de Dijon, a tenu à rappeler la portée globale du projet : « Bon, écoutez, vous n’avez peut-être pas connaissance de l’ensemble du projet, mais c’est un projet que nous menons avec CDC Habitat, puisqu’il y a une partie qui est sur le domaine public et une partie qui appartient à CDC Habitat. Bien entendu, tout sera nettoyé, tout sera aussi préparé pour que, justement, l’œuvre d’art puisse être réalisée dans les meilleures conditions. Il y a également un travail en cours de la part de CDC Habitat, qui rénove aussi ses appartements. Donc, je vous invite à vous promener un peu dans le quartier : vous verrez qu’il y a déjà quelques travaux.
Maintenant, je pense que c’est aussi tout l’accompagnement social. C’est également pour cela qu’à un moment des grilles ont été posées, parce que des personnes s’installaient dessus. Et je pense que l’objectif de cette œuvre d’art, c’est aussi de permettre une réappropriation des lieux, en lien avec les acteurs sociaux. Car là, ce n’est pas la police municipale qui doit intervenir, c’est surtout au niveau social. Et donc, nous intervenons.
C’est pour cela aussi que le foyer de jour a été refait – nous l’avons inauguré récemment – et que nous mettons aussi l’accent sur tout le travail avec ces personnes en difficulté, avec des parcours de vie complexes, que nous devons aussi aider. Mais ce n’est pas simple, car bien souvent, il y a des problèmes psychiatriques, parfois des problèmes d’addiction.
C’est un public très, très difficile, mais nous ne les abandonnons pas. Et nous savons très bien que, pour les riverains, la situation est compliquée. C’est pourquoi, justement, en lien avec CDC Habitat, nous proposons d’embellir ce lieu, de le nettoyer, de faire intervenir un artiste. Cela s’accompagnera, bien entendu, d’un accompagnement social important.
Mais vous ne pouvez pas dénoncer tout cela, et en même temps ne jamais voter les subventions ou les projets quand il s’agit d’aider des personnes en difficulté, ou d’aider les jeunes à ne pas tomber dans les addictions. Ce n’est pas facile de donner des leçons, mais à un moment donné, tout ne se fait pas tout seul. Il faut aussi soutenir les éducateurs. On ne peut pas, d’un côté, ne rien faire, puis après se plaindre en disant : « Vous ne faites rien. » Comme dans tous les dossiers, vous êtes contre. Vous n’aimez pas Dijon. D’ailleurs, vous ne la connaissez pas. Ou alors, vous, vous la connaissez, vous y habitez, mais ce n’est pas le cas de tout le monde. »
Un appel à la participation des habitants dans le choix de l’œuvre
Laurent Bourguignat, également intervenu, a quant à lui souligné la nécessité d’un équilibre : « Il faut renforcer la sécurité de ce quartier, mais ça ne me paraît pas forcément incompatible avec l’implantation d’une œuvre d’art. » Il a aussi plaidé pour une implication collective dans le processus : « Je suggère une démarche collective, voire participative, sur le choix final de l’œuvre. »
À quoi Nathalie Koenders a répondu : « Ce sera un marché. Il y aura un jury qui décidera de façon tout à fait objective
du choix de l’artiste. Et je pense que CDC Habitat aura aussi son mot à dire. Et puis, pourquoi pas les habitants ? Après, vous savez, dans l’art, c’est compliqué. Moi, je prône la démocratie participative. Vous me connaissez : parfois, pour choisir des œuvres d’art, il vaut mieux donner des thématiques et ensuite laisser faire l’artiste qui a été choisi. Mais bon, c’est un autre sujet.»
Une opposition persistante
Malgré les échanges, Laurence Gerbet, rejointe par Emmanuel Bichot, a choisi de s’abstenir lors du vote, témoignant ainsi de la persistance des désaccords sur la méthode et les priorités entre la majorité municipale et le groupe Agir pour Dijon.
Ce projet de requalification artistique, voulu comme un levier de transformation et de reconquête urbaine, met en lumière une fracture politique sur les moyens de traiter les problématiques de sécurité, d’aménagement et de cohésion sociale dans ce quartier de Dijon. Le retrait des grilles, en particulier, cristallise les tensions : symbole pour certains d’une volonté d’ouverture et de réappropriation de l’espace, il est perçu par d’autres comme une négligence des besoins de protection et de tranquillité des riverains.