Alors que le tourisme et l’agriculture représentent des piliers majeurs de l’économie française, la question du logement des travailleurs saisonniers reste largement sous-estimée. Dans un rapport alarmant publié ce mois-ci, la Cour des comptes dresse un constat préoccupant : sans hébergement adapté, ces travailleurs indispensables peinent à être recrutés, au détriment de secteurs clés comme l’hôtellerie, la viticulture ou les stations balnéaires et de montagne.
Une réalité mal connue et en constante évolution
La France compte environ 1,5 million de travailleurs saisonniers chaque année. Parmi eux, près de 400 000 auraient besoin d’un logement à proximité de leur lieu de travail. Or, aucune statistique consolidée ni définition juridique stable ne permet aujourd’hui d’évaluer précisément cette population, ce qui freine toute politique publique efficace.
Les saisons touristiques se modifient : les hivers raccourcissent, les étés s’allongent, et les qualifications demandées augmentent. Autant de facteurs qui compliquent encore la réponse aux besoins d’hébergement.
L’État et les collectivités sans cap clair
Le rapport pointe un manque criant de pilotage national comme local. Le plan national de mai 2023 est peu connu, et les rares actions locales relèvent souvent d’initiatives isolées. Les outils de financement existants, comme la PEEC, ne sont ni suivis ni évalués. Le résultat : une responsabilité floue entre employeurs et collectivités, des diagnostics lacunaires, et des solutions souvent artisanales.
Une offre insuffisante, des solutions limitées
Alors que la demande de logement explose dans les zones touristiques, l’offre reste extrêmement réduite. Ni les foyers de jeunes travailleurs ni les internats ne sont adaptés. Le récent dispositif de dégrèvement fiscal pour les propriétaires hébergeant des saisonniers est encore trop peu utilisé.
Certains employeurs investissent dans des logements privés. D’autres expérimentent l’habitat léger provisoire (mobil-homes, camping réglementé). Des initiatives prometteuses, mais loin d’être généralisées.
Pragmatisme et bonnes pratiques à valoriser
Face à la complexité du problème, la Cour des comptes recommande une approche pragmatique et territorialisée. Des solutions de transport entre logement éloigné et lieu de travail pourraient élargir l’offre, mais restent marginales. La disparition des maisons des saisonniers a aussi fragilisé le partage d’expériences locales réussies.
Sept recommandations prioritaires
La Cour formule sept propositions clés, parmi lesquelles :
- Intégrer le logement des saisonniers dans la compétence « habitat » des intercommunalités,
- Réactiver le réseau des maisons des saisonniers,
- Étendre les régimes dérogatoires pour les logements temporaires,
- Mieux utiliser les outils d’urbanisme locaux (PLU, SCOT, PLH),
- Et relancer des dispositifs de mobilité de proximité, notamment via des « licences de petite remise ».
Un enjeu stratégique pour la France
Au-delà du seul hébergement, c’est la qualité de vie et la fidélisation de milliers de travailleurs qui est en jeu. Et avec elle, la résilience des secteurs touristiques et agricoles, dans un contexte de changement climatique et de transformation des métiers.
La Cour des comptes appelle donc à une mobilisation urgente et coordonnée des pouvoirs publics, des collectivités et des employeurs. Le logement des saisonniers n’est pas un détail logistique : c’est un levier essentiel de souveraineté économique.