Un an après la création d’une cellule de lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS) à l’Université Bourgogne Europe (uBE), le syndicat étudiant UNEF Bourgogne publie un communiqué-choc : il dresse un bilan sévère, dénonçant le manque d’efficacité, de transparence et de soutien aux victimes, et questionne frontalement les responsabilités de l’université.
Une mise en place tardive, une confiance ébranlée
Alors que le ministère de l’Enseignement supérieur impose la création de cellules VSS dans toutes les universités depuis 2018, celle de l’uBE n’a vu le jour qu’en 2024. Une arrivée tardive qui n’a pas suffi à répondre aux attentes. En effet, selon le Baromètre 2023, 1 étudiant·e sur 10 déclare avoir été victime de VSS au cours de sa scolarité. Rapporté aux quelque 30 000 étudiant·es de l’uBE, cela représenterait potentiellement 1 500 cas par an. Pourtant, la cellule n’a été saisie que de manière marginale en 2024-2025, ce que l’UNEF interprète non pas comme un signe rassurant, mais comme la preuve d’un grave déficit de notoriété et de confiance.
« Aujourd’hui à l’uBE, la majorité des enseignant.es ne savent pas comment réagir face aux VSS », déplore le syndicat.
Failles systémiques et procédure opaque
Le constat de l’UNEF est sans appel : la cellule n’est pas à la hauteur de sa mission. Présentée comme un espace d’écoute et d’accompagnement, elle souffre selon les étudiant·es d’un manque de moyens humains et de formation, notamment au sein du Service de Santé Étudiant, trop souvent débordé.
Pire encore, plusieurs témoignages anonymes dénoncent des procédures menées sans concertation avec les victimes, notamment des saisines du procureur de la République sans information préalable ni mesures de protection, ce qui a pu conduire à une revictimisation de certain·es étudiant·es.
« On m’a reproché un slogan féministe griffonné le 25 novembre, alors que je venais pour signaler une agression », rapporte l’une des victimes, dénonçant des comptes rendus non rédigés lors des entretiens et des propos déplacés dans les dossiers.
Des victimes invisibilisées
L’UNEF s’insurge aussi contre la déshumanisation des victimes, réduites à des numéros de dossier, laissées sans suivi réel ni information sur les décisions prises par la commission disciplinaire.
« En refusant de juger mais en saisissant le procureur, l’université se déclare incompétente tout en reconnaissant l’existence d’un délit. Ce double discours est insupportable », fustige le syndicat.
Deux témoignages poignants viennent illustrer cette douleur :
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B. explique avoir vu son agression minimisée : « Ils ont écrit que j’avais ‘trouvé mon violeur beau’… C’est violent, inhumain. »
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S. raconte avoir passé l’année scolaire dans la même salle que son agresseur, sans qu’aucune mesure disciplinaire ne soit prise : « Je prenais des anxiolytiques tous les jours pour tenir. »
L’inaction et les priorités institutionnelles pointées du doigt
Autre reproche : l’université aurait repoussé le traitement de certains signalements en raison de la période électorale interne, plaçant la refonte de ses statuts avant la sécurité des victimes.
« L’uBE hiérarchise les urgences et place la santé mentale de ses étudiant·es au second plan », dénonce l’UNEF.
Des revendications claires
Face à ce qu’il qualifie de dysfonctionnements graves, le syndicat avance une série de revendications concrètes :
- Des personnes réellement formées à l’écoute et à la gestion des cas de VSS.
- Une réforme de la commission disciplinaire pour assurer un vrai suivi et une reconnaissance des victimes.
- L’accès aux dossiers juridiques par les plaignant·es.
- La notification des décisions prises et la possibilité pour les victimes de témoigner dans les procédures.
- Une meilleure formation des enseignant·es et une sensibilisation massive à tous les niveaux de formation.
L’UNEF rappelle aussi que la gestion des VSS ne peut pas reposer sur les épaules des étudiant·es, mais doit impliquer toute la structure universitaire, à commencer par son personnel.
Soutien aux survivant·es et ressources disponibles
Enfin, le communiqué se conclut sur un message de solidarité à toutes les personnes concernées et invite à ne pas rester seul·e face à une agression. Plusieurs ressources sont rappelées : associations spécialisées, lignes d’écoute, réseaux d’entraide.
L’alerte lancée par l’UNEF Bourgogne met en lumière une problématique structurelle : à l’uBE comme ailleurs, la lutte contre les VSS ne peut être qu’une formalité administrative ou un affichage institutionnel. Elle nécessite des moyens, des engagements clairs, et surtout, un respect total des victimes.
Communiqué de presse de l’UNEF Bourgogne du 7 juillet 2025 :
Fière de son engagement dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS), l’université Bourgogne Europe a mise en place seulement en 2024 – alors que le ministère exige leur mise en place dans toutes les universités de France depuis 2018 – une cellule d’écoute et d’accompagnement à disposition des victimes. Un an plus tard,
nous étudiant.es, accusons le coup d’un bilan aussi décevant que révoltant.
Selon une étude faite par le Baromètre 2023, 1 étudiant·e sur 10 déclare avoir été victime de VSS au cours de sa scolarité. Nous pouvons donc estimer qu’une université de 30.000 étudiant.e.s comme l’uBE devrait signaler au moins près de 1500 cas d’agressions chaque année. Mais la réalité en est bien loin : au cours de l’année scolaire 2024-25, la cellule VSS de l’université n’a été saisies qu’un très petit nombre de fois, – ce qui, loin de laisser penser que les violences sexuelles sont moins répandues à l’uBE qu’ailleurs, doit être compris comme un signe du fait que cette cellule n’a pas encore réussi à se faire connaître des étudiant.es et des enseignant.es et à gagner leur confiance.
Aujourd’hui à l’uBE, la majorité des enseignant.es ne savent pas comment réagir face aux VSS, malgré leur récurrence au sein de l’Enseignement Supérieur.
Une des raisons à cela est que l’existence de la cellule, ses missions et son fonctionnement ne sont présentés que sur une page fort courte du site de l’université, site pourtant conçu et présenté comme la source principale pour toute information concernant notre vie étudiante. Nous déplorons d’une part ce manque de visibilité, mais aussi et surtout, maintenant que nous pouvons faire le bilan de la manière dont la cellule a répondu aux premiers cas qui lui étaient présentés, un décalage entre la démarche et les objectifs affichés et le fonctionnement réel de cette cellule.
Il y est indiqué d’une part que l’une des premières missions de la cellule est de pouvoir proposer “un accompagnement psychologique et/ou médical par le Service de Santé Étudiante”. Or, une première limite du dispositif tient au fait que les psychologues du SSE, surchargé.es, ne sont pas en mesure d’accompagner psychologiquement comme il se doit les plaignant.es qui en font la demande. Cette question de l’accès à la cellule et de l’accès aux soins se pose encore davantage pour les étudiant.es de l’uBE des sites de proximité et de tous les établissements partenaires extérieurs à l’uBE.
Il est également indiqué sur le site de présentation de la cellule qu’une de ses formes d’action pourra consister en un signalement officiel – avec notre accord – pouvant déclencher une procédure disciplinaire et/ou un signalement au Procureur de la République. La cellule a en effet comme mission de faire parvenir les témoignages et les éléments qu’elle a recueillis au Président de l’université, qui peut choisir, s’il le juge nécessaire, soit d’enclencher une commission disciplinaire, soit de saisir le Procureur qui pourra enclencher une procédure judiciaire.
Il est cependant important de noter que, d’après les témoignages recueillis sur les activités de la cellule au cours de l’année universitaire 2024-25, la décision de saisir le Procureur a été prise sans prévenir les victimes au préalable. Ces démarches, prises sans que les victimes soient consultées ni correctement informées, et sans que des mesures de mise en sécurité soient proposées pour les protéger d’éventuelles représailles de leurs agresseur.euses ou de leurs proches, ont pu constituer une cause de survictimisation – concept expliqué au fil et à mesure de notre communiqué, représentant la double peine que ressent la victime qui, après avoir vécu une agression, va vivre un dénigrement et une culpabilisation causés par et dans la procédure elle-même – remettant en cause la confiance que les victimes avaient placé dans la cellule. Les victimes qui venaient au début innocemment dénoncer leur agresseur.euse, se retrouvent mises sous pression par des preuves trouvées contre elles, alors qu’elles ne venaient pas pour ça : ici, nous parlons d’un.e des plaignant.es qui a été reproché.e d’avoir écrit un slogan féministe le 25 Novembre (= jour international de lutte contre tous les types de violence faites aux femmes) lors d’une discussion étonnement non-écrit sur les comptes-rendus obligatoires à chaque rendez-vous avec la cellule.
Chaque victime est donc déshumanisée, réduite à un simple numéro de dossier parmi tant d’autres, traitée non pas comme les personnes qui ont vu leur vie basculer mais comme une masse administrative indistincte et traitée à la chaîne.
Sur le site, nous ne trouvons qu’une dizaine de lignes expliquant l’arrivée – très prochaine – de référent.es VSS étudiant.es ainsi que la possibilité pour tous.tes de participer à une formation de sensibilisation. Nous tenons à rappeler que ce n’est pas aux étudiant.es de prendre en charge la violence de ces témoignages, mais bien à l’université et à son corps enseignant d’être informés sur les problèmes liés aux VSS et leur potentielle implication possible pour accompagner les victimes. L’idée de mettre en place un dispositif de référent.es enseignant.es est aussi une piste intéressante à mettre en place sans plus tarder.
L’université décide de conclure tout cela en rappelant que les VSS sont “interdites par la loi et peuvent être sévèrement sanctionnées”, commentaire tristement ironique pour une université qui ne les sanctionne pas à hauteur des besoins exprimés : si l’uBE a choisi de ne pas communiquer publiquement sur ce sujet, elle a décidé d’abandonner la sanction disciplinaire d’au moins une partie des cas de VSS signalés cette année, n’allant parfois même pas jusqu’à la saisie de la commission disciplinaire, se prononçant “incompétente à l’égard des faits” . Mais comment peut-elle se qualifiera qinsi quand il s’agit de juger et de reconnaître les faits dénoncés par un.e de ses usager.es ?
En effet, la mise en place d’une cellule de lutte (et non simplement d’écoute) contre les VSS est d’apporter un cadre protecteur aux plaignant.es. Cela pourrait prendre la forme de mesures conservatoires – telles qu’une interdiction d’entrée sur le campus, le passage de l’accusé.e en distanciel… – avec le consentement de la victime, mais celle-ci se restreint à ne donner que des sanctions. Un.e agresseur.euse ne doit et ne peut pas s’en sortir sans conséquences disciplinaires. L’existence de cette cellule de lutte encourage et légitime l’université à se prononcer sur ces cas, à soutenir et protéger les victimes, tout en sanctionnant les bourreaux.
Lorsque nous mentionnions plus haut la possibilité que le Président de l’université puisse saisir le Procureur de la République suite à un témoignage, nous nous référons à l’article 40 du Code de Procédure Pénale, qui aura été saisi au moins une fois cette année : Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs.
Le paradoxe ici est que l’université décide de se qualifier “d’incompétente” à juger l’histoire, tout en décidant de saisir le Procureur de la République puisqu’elle a reconnu des délits dans les témoignages. L’uBE fuit ses responsabilités aussi bien morales que juridiques. Cette institution qui jure protection et défense à ses étudiant.es, et son personnel fait tout l’inverse. Dans une société où la prise en charge médiocre des VSS dans le domaine juridique mène à de la méfiance de la part des victimes vis-à-vis des autorités, celles-ci ne peuvent pas compter sur l’université pour sanctionner disciplinairement leurs agresseur.euses.
De plus, les prises de décision de la commission disciplinaire ne sont pas communiquées aux victimes dans la mesure où le jugement vise désormais l’accusé.e et non le.a plaignant.e, et donc que la décision rendue ne “concerne plus” les victimes.
Ces actions sont d’une violence inouïe lorsque l’on se rend compte du courage qu’il faut pour témoigner en premier lieu. Si ces démarches ont lieu, c’est avant tout grâce au courage et à la force des victimes qui ont libéré la parole sur ce qu’iels ont vécu, en espérant une reconnaissance des faits, et une garantie de protection de l’université vis-à-vis de leurs agresseur.euses. Ce droit disciplinaire n’est malheureusement pas propre à l’université Bourgogne Europe, c’est un droit national qui empêche aux victimes d’avoir le fin mot de leurs démarches, ce qui pourrait leur permettre d’enfin guérir.
Notons par ailleurs que l’université a renouvelé ses statuts en début d’année, cela passant donc par de nouvelles élections centrales. L’université ne semble pas avoir jugé utile d’instaurer une gestion des affaires courantes concernant les signalements pour VSS ayant été faits durant l’année universitaire. En effet, les étudiant.es en question ont ainsi vu le traitement de leur signalement être perpétuellement repoussé en attendant un renouvellement des statuts, plutôt qu’il soit traité aussi urgemment que dû, pour les protéger.
L’université ne peut pas repousser le traitement de ces cas comme bon lui semble. En faisant ce choix, l’uBE hiérarchise l’importance et la priorité des thématiques évoquées en conseil, mettant la survie des victimes en jeu. Lorsqu’il en va de la sécurité ou de la santé mentale de ses étudiant.e.s, les cas doivent être traités avec respect et rapidité. Une gestion plus rigoureuse de ces signalements afin de mettre en place des mesures et sanctions adaptées de façon rapide est impératif.
Deux plaignant.e.s acceptent de partager leurs ressentis :
“Vivre un viol, une agression sexuelle… est une douleur atroce où une partie de notre âme part en même temps que l’agresseur.euse, mais le fait que l’université fuit ses responsabilités, c’est comme si les faits avaient lieu une nouvelle fois, et qu’elle y participait.
En repensant à la prise en charge, trois mots me viennent en tête : culpabilité, incompréhension et honte. Iels ont jugé correct d’écrire dans mon rapport que si j’avais décidé d’embrasser mon violeur au début de mon agression, c’était “parce que je le trouvais beau”, et non pas par la pression qu’il m’a fait ressentir. J’en rigole encore nerveusement, comment est-ce possible de tenir ces propos en parlant de mon viol ?” -B
“En n’agissant pas, l’université m’a forcé à passer mes épreuves de contrôle continu et terminal dans la même pièce que mon agresseur, à faire des crises d’angoisse tous les jours de peur de le voir en cours, et malgré tout cela, aucune sanction disciplinaire n’a été prise, il n’a subi aucune sanction, et moi j’ai été enfoncé.e dans mon mal-être et mon angoisse toute l’année. Mes notes ont baissé, j’ai dû prendre des anxiolytiques pour fonctionner, je dissociais tous les jours… et lui ?
Une université qui se juge incompétente à sanctionner disciplinairement ses agresseur.euses est une université qui permet à leurs comportements de se pérenniser, elle les cautionne silencieusement.” -S
L’UNEF Bourgogne réclame des personnes réellement formées à la prise en charge des VSS, pour écouter et aider les victimes. Nous réclamons aussi le changement des procédures actuelles concernant la commission disciplinaire, qui ne prend pas soin des victimes mais qui laisse au contraire les agresseur.euses se défendre. Nous réclamons un changement de ce système qui protège indirectement nos agresseur.euses en ne les sanctionnant pas. Nous exigeons que les victimes aient accès au dossier de la cellule juridique, et qu’elles soient notifiées du jugement rendu par cette dernière, et qu’iels puissent choisir d’y témoigner directement ou non. Nous ne saisissons pas la commission pour ne pas en connaître les aboutissants.
Les enseignant.es / chercheur.euses et les étudiant.es doivent être informé.es sur les VSS, étant un problème collectif dans la société. La sensibilisation doit être mise en avant, et non simplement derrière une minuscule page web, tout au long de l’année scolaire à tous les niveaux : que ce soit aussi bien en Licence, Master, et doctorat qu’en BUT, licence pro, DU ou tout autre parcours de formation et sur tous les sites de l’uBE.
Faire des démarches contre son bourreau est une étape ardue, mais elle l’est encore plus face à des personnes qui ne sont pas formées à accompagner correctement les victimes de VSS. L’UNEF Bourgogne apporte plus que jamais son soutien aux survivant.e.s.
Si vous êtes témoins ou victimes de VSS, parlez-en à vos proches ou à des personnes de confiance. Vous pouvez aussi vous rapprocher de votre syndicat ou contacter des associations féministes qui vous guideront sur les démarches possibles.
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