Malgré une vive opposition citoyenne, scientifique et apicole, l’Assemblée nationale a adopté hier la controversée loi Duplomb, qui autorise le retour encadré de certains néonicotinoïdes en agriculture. Le texte, soutenu par la FNSEA et les lobbys agrochimiques, a été adopté par 316 voix contre 223, avec 25 abstentions, grâce à une alliance entre l’extrême droite, la droite traditionnelle et les partis de la majorité présidentielle.
Un vote qui fait bondir les apiculteurs
Dans un communiqué incendiaire publié le 8 juillet, l’Union nationale de l’apiculture française (UNAF) a exprimé sa plus vive indignation. Son président, Christian Pons, ne mâche pas ses mots :
« Ce vote est une insulte faite aux apiculteurs, à la science et à l’immense majorité des citoyens. Nous assistons à un abandon délibéré de notre environnement, au profit d’un modèle agricole dépassé, destructeur du vivant. »
La colère est également palpable dans les rangs des militants environnementaux. À l’issue du vote, Fleur Breteau, porte-parole du collectif Cancer Colère, a interpellé les députés d’un cri glaçant : « Vous avez voté pour le cancer ! »
Le retour de l’acétamipride et des néonicotinoïdes
Au cœur de la polémique : la réintroduction, sous forme de dérogations élargies, de substances néonicotinoïdes pourtant reconnues pour leur dangerosité pour les pollinisateurs, en particulier l’acétamipride. Loin de ne concerner qu’une culture, cette autorisation pourrait s’étendre à une vaste gamme de productions : betteraves, navets, pommes… soit plus de 500 000 hectares potentiellement traités.
Pire encore selon l’UNAF, le mécanisme mis en place ouvre la porte à un renouvellement quasi automatique de ces dérogations, entre les mains du seul ministère de l’Agriculture.
Des effets ravageurs pour les abeilles et l’environnement
Christian Pons, également apiculteur dans l’Hérault, tire la sonnette d’alarme :
« Les apiculteurs ne sont pas dupes. Ces substances systémiques contaminent bien au-delà des cultures traitées : nectar, pollen, fleurs sauvages, arbres… même les eaux de guttation sont toxiques. C’est une bombe à retardement. »
L’UNAF rappelle que les néonicotinoïdes sont classés parmi les molécules les plus dangereuses pour les insectes pollinisateurs, contribuant largement au déclin des colonies d’abeilles, mais aussi à la contamination des sols, des eaux et, à terme, à des risques pour la santé humaine.
Silence à l’Élysée, fracture politique
Autre cible de la colère des apiculteurs : le silence du président Emmanuel Macron, accusé de laisser son gouvernement servir les intérêts de l’agrochimie, en contradiction totale avec les engagements écologiques pris par la France au niveau national et européen.
La ministre de l’Agriculture, quant à elle, est pointée du doigt pour avoir porté un texte jugé régressif, sans tenir compte de l’avis de la communauté scientifique ni de celui des citoyens.
Une mobilisation large, mais ignorée
Depuis l’annonce du projet à l’été 2024, les apiculteurs se sont fortement mobilisés : manifestations, rencontres avec les parlementaires, campagnes d’information. Ils ont été rejoints par des médecins, chercheurs, agriculteurs responsables et ONG environnementales, dans un front commun contre ce qu’ils qualifient de loi rétrograde.