Une nouvelle étude préclinique bouleverse notre compréhension des effets des régimes restrictifs répétés : des scientifiques de l’INRAE, du CNRS, de l’Université de Rennes et de l’Université Bourgogne Europe démontrent pour la première fois le rôle déterminant du microbiote intestinal dans l’apparition de troubles alimentaires comme l’hyperphagie boulimique. Ces résultats, publiés dans la revue Advanced Science, ouvrent une voie prometteuse pour repenser la prise en charge des personnes sujettes à l’effet yo-yo.
Des régimes aux conséquences invisibles mais durables
Selon une méta-analyse publiée en 2017, près de 42 % des adultes occidentaux ont déjà tenté de perdre du poids via un régime pauvre en calories. Or, cette succession de régimes, souvent suivis d’une reprise de poids supérieure à celle initiale — le fameux effet yo-yo — pourrait faire plus de mal que de bien.
Le corps ne resterait pas neutre face à ces variations : il en résulterait des dérèglements durables du comportement alimentaire, avec des épisodes de compulsions boulimiques, notamment envers des aliments gras et sucrés.
Le microbiote : nouveau coupable ?
Les chercheurs se sont intéressés au microbiote intestinal – cet ensemble de micro-organismes peuplant notre système digestif – pour comprendre son rôle dans ces troubles. Leur étude a été menée sur des souris soumises à une alternance de régimes standards et riches en graisses et en sucres. Résultat : non seulement les animaux ont connu une variation de poids cyclique, mais ils ont aussi développé une hyperphagie ciblée sur les aliments gras/sucrés.
Mais le plus frappant est venu ensuite : les scientifiques ont transféré le microbiote de ces souris hyperphagiques à des souris saines. Ces dernières ont alors, à leur tour, adopté ce même comportement compulsif. La preuve est ainsi apportée que le microbiote peut transmettre un trouble du comportement alimentaire.
Un impact jusque dans le cerveau
L’étude va plus loin : des modifications cérébrales ont été observées chez les souris porteuses du microbiote « boulimique ». Certaines zones impliquées dans le système de la récompense montraient une expression accrue de gènes liés au plaisir alimentaire, et des changements cellulaires ont été détectés dans le tronc cérébral, qui relaie les signaux en provenance de l’intestin.
Ce lien microbiote-cerveau-comportement conforte l’idée d’un axe intestin-cerveau jouant un rôle crucial dans la régulation de l’appétit et du comportement alimentaire.
Vers une nouvelle approche thérapeutique ?
Ces résultats jettent une lumière nouvelle sur les effets à long terme des régimes restrictifs et appellent à une plus grande prudence dans leur prescription. Ils posent également les bases d’une future prise en charge personnalisée intégrant l’état du microbiote intestinal, notamment pour les patients en situation d’obésité ou souffrant de troubles du comportement alimentaire.
Des recherches supplémentaires chez l’humain sont désormais nécessaires, incluant des analyses du microbiote de personnes sujettes à l’effet yo-yo, afin de valider ces observations et envisager des stratégies thérapeutiques, peut-être à base de probiotiques ciblés.
Référence
Fouesnard M., Salin A., Ribes S. et al. (2025). Weight cycling deregulates eating behavior in mice via the induction of durable gut dysbiosis. Advanced Science. DOI : http://doi.org/10.1002/advs.202501214