Le Conseil constitutionnel a rendu hier sa décision sur la loi dite Duplomb, texte agricole et environnemental qui avait suscité une vive controverse. Les « Sages » ont censuré la disposition permettant de réintroduire les néonicotinoïdes par décret, saluée comme une victoire par les défenseurs du vivant. Mais pour Cap21 – Le Rassemblement citoyen, cette bonne nouvelle masque un recul global des protections environnementales. « Ce n’est pas un accident, c’est une trajectoire », alerte Amandine Rapenne, vice-présidente de Cap21 et conseillère régionale déléguée à la transition alimentaire.
Un accompagnement supprimé pour réduire les pesticides
La première critique porte sur la suppression de l’obligation d’accompagnement personnalisé pour les agriculteurs afin de réduire l’usage des pesticides. Ce dispositif permettait jusqu’ici un conseil indépendant, souvent indispensable pour évoluer vers des pratiques plus respectueuses de la santé et de l’environnement. Pour le Conseil constitutionnel, cette suppression ne porte pas atteinte aux droits des agriculteurs. Pour Cap21, il s’agit au contraire d’un « signal d’abandon » : « On retire aux agriculteurs les moyens d’être conseillés, alors qu’il faudrait au contraire renforcer cet appui », déplore Amandine Rapenne.
Autre mesure validée : la fin de l’obligation d’indiquer la cible du traitement et la dose recommandée lors de la vente des pesticides. Cap21 juge cette décision incompréhensible : « Comment bien utiliser un produit potentiellement dangereux si l’on ne sait ni à quoi il sert, ni en quelle quantité l’appliquer ? » Selon le mouvement, cette opacité accroît les risques pour la santé publique, l’eau, les sols et les pollinisateurs.
Le Conseil constitutionnel a également donné son feu vert à un régime administratif allégé pour certains élevages industriels, remplaçant l’autorisation préalable par un simple enregistrement. Ce changement signifie moins d’évaluations et de contrôles, mais aussi moins de possibilités pour les citoyens de s’exprimer sur ces projets. Cap21 y voit « une mise à distance démocratique au profit d’un modèle agricole dépassé ».
Dernier point sensible : la présomption d’intérêt général accordée aux projets de stockage d’eau comme les méga-bassines. Même encadrée, cette mesure leur donne un avantage procédural, rendant plus difficile leur contestation.
Pour Amandine Rapenne, « Cette présomption inverse le rapport de force au bénéfice de l’agro-industrie, alors que l’eau devrait être partagée équitablement et protégée ».
Si la censure des néonicotinoïdes est saluée, Cap21 estime que la loi Duplomb, telle que validée par le Conseil, « entérine une dérégulation progressive du droit environnemental » : moins d’encadrement, moins de transparence, moins de débat public. « Cette décision montre que la vigilance citoyenne et politique reste indispensable pour protéger notre santé, notre environnement et notre démocratie », conclut Mme Rapenne.