À l’approche de la mobilisation nationale du 10 septembre, l’Union Syndicale Solidaires 21 s’est démarquée en étant la première organisation à soutenir l’appel à la grève et à rejoindre la contestation. Dans un contexte social tendu, marqué par l’explosion des inégalités et la défiance envers les gouvernements successifs, cette journée est perçue comme le point de départ d’un automne de luttes. Nous avons rencontré Théo Contis, co-secrétaire de Solidaires 21, qui revient sur les raisons de cet engagement, la place du syndicat dans ce mouvement encore en construction et les perspectives pour la suite de la mobilisation.
Face à la mobilisation prévue le 10 septembre, votre syndicat est le premier à avoir soutenu localement cette mobilisation mais aussi à appeler à la grève, pourquoi ce choix ? Le côté « nébuleux » du mouvement comme disent certains n’est-il pas de nature à vous inquiéter ?
Tout d’abord, sur l’aspect « nébuleux » du mouvement du 10 septembre, nous voyons dans l’emploi du terme deux choses. La première c’est l’incompréhension d’une partie de la classe politique à entendre la souffrance des gens, la misère sociale avec des inégalités qui explosent. De l’autre, la volonté de disqualifier politiquement un mouvement qui fait « peur » pour diverses raisons : il serait trop révolutionnaire, ou bien d’extrême-droite, ou bien pas impulsé par des syndicats.
Pour nous, ce mouvement illustre le besoin de lutte sociale et c’est pour cela que nous le soutenons et que nous appelons à y prendre part notamment par la grève et des actions de blocage de l’économie. Aussi, nous pensons que notre implication dans les luttes est un frein à la présence des discours d’extrême-droite et c’est bien pour cela qu’il ne faut pas lâcher la rue !
Enfin, nous voyons dans le 10 septembre, une première étape d’un automne social qui se doit d’être massif car nous en avons marre d’être maltraité.es. On peut donc imaginer des actions de blocages, des manifestations syndicales classiques, des manifestations nocturnes et tant d’autres choses encore, ce qui compte c’est se faire confiance, se donner de l’espoir par la lutte.
Pensez-vous que ce mouvement peut être victorieux ?
Nous pensons que ce mouvement citoyen est une opportunité pour lancer un automne qui se doit d’être marqué par une contestation sociale forte et puissante.
Les contours du mouvement du 10 septembre sont encore flous mais il est certain qu’il est nécessaire pour espérer un changement de paradigme de la part des « gouvernants » notamment car il permet de se mettre en action, de reprendre la main.
Une seule journée de mobilisation ne suffira pas soyons clairs, mais il faut dès à présent, dans les entreprises, dans les associations, dans les administrations mais aussi dans d’autres collectifs construire les conditions d’une mobilisation massive des salarié.es sur leurs revendications et sur leurs fonctionnements. Il faut poser les bases de la réalisation d’une grève générale dure.
Pouvez-vous nous dire comment va se dérouler la journée du 10 septembre ?
Nous n’en savons rien et c’est très bien. Tout est en train de se construire et ce cadre peu commun permet d’envisager des actions plus inhabituelles. Il ne faut pas avoir peur d’inventer de nouvelles modalités d’actions, de blocages et de manifestations. Il faut se faire confiance dans nos moyens.
De notre côté, nous avons invité les autres syndicats à se réunir lors d’une intersyndicale le lundi 1er septembre pour déterminer un cadre commun mais cela ne signifie pas que notre organisation ne participera pas à d’autres actions ce jour-là, au contraire.
Il s’organise aussi une AG de lutte pour préparer des actions. Toutes les initiatives sont bonnes, tous les moyens de luttes sont pertinents.
Le vote de confiance est-il un frein à cette mobilisation ?
Bayrou a fait le choix de partir le 8 septembre et c’est son souci, à lui seul. Pour nous, cette situation « nouvelle » ne change rien bien au contraire. Elle démontre que les « gouvernements » ont encore peur des mouvements sociaux et qu’il faut donc accélérer et élargir la mobilisation.
Surtout, si c’est pour que Bayrou soit remplacé par un.e autre macroniste, qu’est-ce que ça change quant à leurs odieuses intentions ? Rien !
Le départ programmé de Bayrou ne change donc rien au 10 septembre, ni à la nécessité de se battre pour changer de modèle et obtenir un modèle respectueux des salarié-es et qui prend soin aussi de l’ensemble de la population, des précaires, des chomeurs.euses, des retraités. Le départ de Bayrou doit même inciter à hausser le curseur et à faire grossir cette mobilisation sociale de l’automne car il y a une opportunité pour obtenir des avancées sociales et surtout faire cesser la casse sociale, la maltraitance sociale.
Je me répète mais le 10 septembre est un premier jalon d’un mouvement qui doit s’inscrire dans la durée et construire ses outils, ses formes de luttes mais ce dont nous avons la certitude c’est que pour gagner, il faudra faire grève mais aussi d’autres formes de mobilisation !
La grève ça a un coût, croyez-vous cela réaliste d’appeler à la grève ?
C’est évidemment réaliste parce que c’est nécessaire pour gagner. Pour être entendu, il faut occuper l’espace public mais aussi bloquer l’économie, faire perdre de l’argent aux patrons et cela est possible par la grève.
Dans un contexte difficile pour les ménages, la grève a un coût il est vrai, mais il est inférieur à ce que subiront l’ensemble de la population si de nouveaux jours de carences sont instaurés, au gel des minimas sociaux, des pensions de retraites, au déremboursement des médicaments ou encore à la suppression de travailleurs.euses (avec la diminution du nombre de fonctionnaires) car ce que prévoit Macron et sa clique c’est un appauvrissement généralisé au rythme de « travail plus, sois plus pauvre, et ferme ta gueule », cela est intolérable.
Pour construire une mobilisation dure par la grève, évidemment il va falloir preuve de solidarité pour pouvoir tenir sur la durée. Cette solidarité va se passer dans les familles, dans les groupes affinitaires mais aussi par l’intermédiaire des syndicats et de leurs caisses de grèves quand ils en ont car c’est aussi leur rôle.
Dans tous les cas, le 10 septembre et son origine citoyenne sont aussi une chance pour inventer et construire des compléments aux mobilisations par la grève.
Nous avons appris que Solidaires et la CGT soutenaient officiellement la date du 10/09, qu’en pensez-vous ?
Concernant Solidaires, nous ne sommes pas surpris car nous étions dans les échanges et quand l’écrasante majorité des syndicats de branches soutient la mobilisation et la grève (comme SUD-RAIL, SUD PTT, etc), il devient évident que l’appareil interprofessionnel appelle à se mobiliser.
Pour la CGT, c’est un bon signal pour une mobilisation d’envergure, surtout qu’il est le fruit d’une mobilisation significative de la base syndicale visiblement.
Maintenant, il faut aussi espérer que l’intersyndicale nationale change de braquet et qu’elle ne reproduise surtout pas sa stratégie de l’échec de la mobilisation des retraites de 2023 avec des mobilisations « saute-moutons ». De notre côté, nous ne soutiendrons pas ce genre d’initiatives. A l’inverse, nous nous engagerons pleinement dans des mobilisations comme le 10 septembre et ses suites.
Et pour après le 10 septembre ?
D’abord, réussissons collectivement le 10 septembre et nous déciderons ensemble de sa continuité, dans les AG de lutte, dans les entreprises, etc.. Ce que nous voulons c’est mener une lutte victorieuse cet automne pour obtenir un autre choix de société, une société plus juste où les plus riches ne seront pas dorlotés et les patrons ne seront plus libres de précariser. Pour ça, il faut se battre, dès le 10 septembre.
Propos recueillis par F. Bauduin
