Mercredi soir, le port du Canal a accueilli une assemblée populaire inédite. Environ 200 personnes ont répondu à l’appel du mouvement « Bloquons tout », venu préparer la journée de mobilisation nationale du 10 septembre. Militants syndicaux, membres d’associations, représentants de collectifs politiques, anciens Gilets jaunes, mais aussi de nombreux jeunes et simples citoyens s’y sont retrouvés. « On a vu des visages nouveaux, des gens qu’on n’avait jamais croisés dans les luttes. C’est bon signe, cela montre qu’il se passe quelque chose », a confié un membre de la CGT, résumant l’état d’esprit de la soirée.
Un appel clair à la grève et à la manifestation
Parmi les temps forts, l’intervention de Théo Contis, co-secrétaire de l’Union Syndicale Solidaires, au nom de l’intersyndicale locale. Celui-ci a annoncé une décision commune de cinq organisations – la CGT, Force Ouvrière, la FSU, Solidaires et la Confédération paysanne : « Nous avons décidé d’appeler à une manifestation mais aussi à la grève le 10 septembre. Dans nos traditions syndicales, la manif est un outil classique, mais la grève reste centrale. Ne pas aller travailler, faire foirer des réunions, c’est une façon forte de se mobiliser, même si ça coûte. Pour ce début, nous pensons essentiel d’allier les deux. Et il ne s’agit pas de concurrencer d’autres actions : si d’autres initiatives se tiennent au même moment, tant mieux. Notre proposition est complémentaire. » Le rendez-vous est fixé : mercredi 10 septembre à 14h, place de la République à Dijon.
Une effervescence d’idées pour le 10 septembre
Après les prises de parole, l’assemblée s’est scindée en petits groupes de 10 à 15 personnes. Les discussions ont été foisonnantes, parfois décousues, mais révélatrices d’une volonté d’expérimenter des formes variées de mobilisation. Trois grandes catégories d’actions ont émergé :
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Happenings et actions symboliques : sieste géante, opérations escargot en vélo ou voiture, tango improvisé dans les halls administratifs, lecture publique, tractages créatifs, retrait massif d’argent en banque, casserolades, « manif de déambulateurs », ou encore une fausse « manifestation de riches » avec masques de Bolloré ou Sarkozy.
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Actions de blocage : barrages filtrants sur les ronds-points et rocades, occupation de lieux stratégiques (préfecture, Banque de France, Centre des finances publiques), blocage de lycées et universités, gratuité des transports via désactivation des bornes de tram, opérations « caddie gratuit » dans les supermarchés avec soutien des caissiers syndiqués.
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Actions plus radicales : sabotage de radars ou de panneaux publicitaires, verrouillage des consignes Amazon, retrait des boîtiers Airbnb, déboulonnage de mobiliers urbains symboliques. Ces propositions, jugées plus sensibles, devront être discutées en cercles restreints.
Parmi les suggestions figurait aussi l’idée d’un symbole fédérateur – foulard rouge, gilet coloré ou même légumes brandis en guise de signe de reconnaissance – pour rappeler la visibilité qu’avaient offerte les gilets jaunes.
Une « boîte à idées » collective
Au-delà des actions du 10, l’assemblée a proposé d’instaurer des cahiers de doléances autogérés, en ligne et dans l’espace public, de créer une fresque commémorative, de filmer la journée pour en garder une mémoire collective, voire de lancer une émission régulière en ligne pour suivre le mouvement au quotidien.
« L’idée, c’était de brasser large, de rassembler toutes les propositions sans hiérarchie immédiate, pour ensuite affiner dans des groupes d’action plus concrets », a expliqué une organisatrice. Des boucles Signal et des adresses mail circulaient déjà pour poursuivre les échanges.
Prochain rendez-vous : le « pot de départ » de Bayrou
Si aucune action n’a été décidée de façon ferme mercredi soir, une échéance se détache déjà : le lundi 8 septembre, jour du vote de confiance à l’Assemblée nationale. Le mouvement « Bloquons tout », relayé au niveau national par Attac, appelle à des « pots de départ » du Premier ministre François Bayrou devant les mairies. À Dijon, plusieurs participants ont exprimé leur volonté de se rassembler place de l’Hôtel de Ville.
Une dynamique à confirmer
Entre humour, créativité, radicalité et colère sociale, cette première assemblée populaire a montré la diversité des envies et la profondeur du malaise face au gouvernement. « Il y a une attente énorme, une indignation qui dépasse les cercles militants », a noté un syndicaliste. Reste à savoir si cette énergie dispersée pourra se traduire, le 10 septembre, en un blocage massif à la hauteur du mot d’ordre : « Bloquons tout ».






