Aujourd’hui et demain resteront dans les mémoires des Chevignois. À l’occasion du 80ᵉ anniversaire de la Libération de l’Europe, la ville de Chevigny-Saint-Sauveur a organisé un vaste programme de commémorations. Un défilé, des cérémonies officielles, l’inauguration d’un camp américain reconstitué et un bal de la Libération rythment ce week-end exceptionnel, réunissant habitants, élus, autorités civiles et militaires, mais aussi associations de mémoire et passionnés d’histoire vivante.
Le défilé : un cortège qui remonte le temps
Dès ce samedi matin, avant la cérémonie officielle, les rues de Chevigny-Saint-Sauveur se sont remplies d’images d’un autre temps. La police municipale et la gendarmerie nationale ont sécurisé l’itinéraire, ouvrant la voie à un cortège unique. En tête, les cornemuses du groupe OwlCity Pipers donnaient la cadence, suivies par les porte-drapeaux, une vingtaine de reconstituants en uniformes américains conduits par Adrien Patenotte, président de War Memories.
Derrière eux, Résistants, SAS, militaires français, marin canadien et membre de la Royal Air Force avançaient, accompagnés de trois infirmières – dont une de la Croix-Rouge – et d’une quinzaine de civils en tenue d’époque. Les jeunes du Conseil municipal des enfants, la ligne protocolaire et de nombreux habitants ont complété le cortège, invités eux aussi à marcher vers la mémoire. Une scène saisissante, où l’histoire se mêlait à la vie quotidienne : uniformes impeccables, jeeps rutilantes, drapeaux flottants et regards émus du public massé le long des trottoirs.
La cérémonie officielle : solennité et émotion
Le cortège a conduit les participants jusqu’à la place où s’est tenue la cérémonie protocolaire. Le maître de cérémonie a replacé l’événement dans son contexte historique : « Vous venez d’entendre la déclaration du Général de Gaulle sur Radio Londres du 8 mai 1945 annonçant la fin de la guerre. (…) Ce conflit, l’un des plus meurtriers de l’histoire de l’humanité, a coûté la vie à plus de 60 millions de personnes, civils et militaires confondus. »
Autour du maire Guillaume Ruet, la cérémonie a rassemblé de nombreuses personnalités civiles et militaires. Parmi elles figuraient Mme Molly Mayfield Barbee, consule des États-Unis à Lyon, Mme Viviane Vuillermot, conseillère départementale, ainsi que M. Bruno Dupuis, directeur départemental de l’ONACVG. Étaient également présents des représentants de la gendarmerie, des sapeurs-pompiers et de la police municipale, sans oublier les responsables des associations patriotiques et mémorielles, témoignant tous de l’importance et de la solennité de ce moment de commémoration.
Montée des couleurs et lectures
La montée des couleurs, effectuée par un ancien combattant, a ouvert la cérémonie, accompagnée par les commandements donnés en français et en anglais. Le refrain de la Marseillaise a résonné tandis que le drapeau s’élevait.
Puis, Catherine Victor, adjointe au maire chargée de la mémoire, a lu un extrait de Les chemins de la liberté de Jean Goujeon. L’émotion a gagné l’assistance quand les chanteurs d’opéra du groupe Les Sentors ont interprété le Chant des Partisans, avant que les cornemuses ne fassent entendre Amazing Grace, hymne universel de recueillement.
Dépôt de gerbes et minute de silence
Le dépôt de gerbes a été assuré conjointement par le maire Guillaume Ruet, Mme Viviane Vuillermot et M. Bruno Dupuis, aux côtés de la consule américaine. Les gerbes, présentées par quatre jeunes du Conseil municipal des enfants, ont été déposées au pied du monument, avant la sonnerie Aux Morts, une minute de silence poignante, puis les hymnes américain et français.
L’inauguration du camp américain : l’histoire grandeur nature
Après la cérémonie, le cortège a rejoint le Parc de la Saussaie. C’est là qu’a eu lieu l’un des moments les plus attendus : l’inauguration du camp américain reconstitué. Au son des cornemuses, le ruban a été coupé par Guillaume Ruet, Molly Mayfield Barbee et Adrien Patenotte, entourés des autorités civiles et militaires.
C’est après l’inauguration du camp américain, au Parc de la Saussaie, que les discours officiels ont été prononcés.
Le maire Guillaume Ruet a pris la parole le premier. Il a d’abord salué la présence de la consule des États-Unis à Lyon, Molly Mayfield Barbee, soulignant combien sa venue à Chevigny-Saint-Sauveur témoignait de la solidité de l’amitié entre la France et l’Amérique : « Cette présence, au-delà de l’honneur exceptionnel fait à Chevigny-Saint-Sauveur, témoigne ici d’un phénomène qui existe depuis plus de 250 ans : l’amitié franco-américaine est vivante. »
Il a ensuite rappelé le sens profond de l’inauguration du camp : « C’est une invitation à regarder en face ce que fut la Seconde Guerre mondiale : le bruit, la peur, la fatigue. Et, plus fort que tout, le courage. (…) Nous choisissons d’ouvrir un camp, de montrer des tentes, des jeeps, des uniformes. Pour quoi faire ? Pour comprendre. Pour transmettre. Pour raconter aux enfants que l’histoire n’est pas une abstraction, que la guerre n’est pas une légende. »
Le maire a longuement rendu hommage à tous ceux qui ont contribué à la Libération : « À ceux qui débarquèrent à l’aube en Normandie et en Provence. À ceux qui traversèrent des océans et des continents. À ceux qui tombèrent sur des routes qu’ils ne connaissaient pas. Nous leur devons plus que des mots. Nous leur devons notre liberté. (…) Américains, Britanniques, Canadiens, Français libres de Métropole ou de l’Empire colonial, résistants de l’ombre : c’est une fraternité d’armes qui s’est construite. »
Insistant sur le rôle des jeunes générations, il a lancé un appel : « Aux jeunes, je dis : rien n’est écrit sans vous. La liberté n’est pas un héritage figé. C’est une mission permanente. Elle se défend tous les jours. Elle se protège des renoncements. Elle se nourrit d’engagements simples : s’informer, voter, aider les autres, participer à la vie citoyenne. Vous êtes la relève. Prenez votre place. »
Guillaume Ruet a également mis à l’honneur le travail patient des associations de reconstitution : « Les associations de reconstitution sont des passeurs de mémoire. Elles ne jouent pas à la guerre. Elles la racontent par les gestes, par le détail juste, par la patience du collectionneur et la rigueur de l’historien. Elles redonnent des couleurs à des images en noir et blanc. Elles mettent des voix sur des archives. Elles font revivre sans travestir. »
Le discours a ensuite pris une dimension géopolitique, plaçant la mémoire dans la continuité des relations internationales actuelles. Évoquant Lafayette et Rochambeau en 1777, les soldats américains de 1917 et les GI’s de 1944, il a rappelé que l’alliance entre la France et les États-Unis a traversé les siècles : « Demain, les défis seront plus rudes encore : la Chine, la Russie, le développement de l’islamisme dans nos sociétés occidentales et enfin tous ceux qui nous désignent comme cible et veulent notre déclin. Croire que la France ou même l’Europe pourra y faire face sans alliance solide avec Washington, c’est se raconter des histoires. Approfondir cette relation, c’est protéger nos intérêts. C’est défendre notre civilisation. »
Il a conclu par une envolée vibrante : « Que nos drapeaux se répondent. Que nos hymnes résonnent dans un même respect. Vive Chevigny-Saint-Sauveur ! Vive l’amitié franco-américaine ! Vive la liberté, la fraternité, la République ! »
La consule des États-Unis à Lyon, Molly Mayfield Barbee, a pris la parole. Elle a commencé par remercier les organisateurs et saluer les personnalités présentes : « Merci beaucoup. M. le maire, Mme la conseillère départementale, Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames et Messieurs les représentants d’associations patriotiques de mémoire et d’anciens combattants, M. le directeur départemental de l’ONAC VG, Mesdames et Messieurs les officiers, Mesdames et Messieurs, chers amis, chers enfants, quel bonheur d’être parmi vous aujourd’hui pour célébrer les quatre-vingts ans de cette victoire de 1945, ce moment où le monde a retrouvé sa lumière après tant d’obscurité et quelle joie de pouvoir inaugurer ce magnifique camp américain. »
La consule a ensuite exprimé sa reconnaissance envers la ville et les associations : « Je tiens d’abord à remercier chaleureusement la mairie de Chevigny-Saint-Sauveur et tous les organisateurs. Vous avez su créer des festivités dignes de cet anniversaire et c’est un honneur pour moi d’y prendre part. Nous sommes réunis ici pour bien plus que célébrer un simple anniversaire. Nous rendons hommage à ceux qui ont combattu pour la liberté, à ces hommes et ces femmes venus de loin, parfois très jeunes, qui ont sacrifié leur vie pour nous offrir un avenir meilleur. »
Elle a rappelé la fraternité entre les peuples et livré un témoignage personnel : « Au-delà des frontières, ils se sont unis dans un même élan, celui de la liberté et de la fraternité. J’ai moi-même un grand-oncle qui est tombé sur le champ de bataille et repose aujourd’hui aux Pays-Bas, aux côtés des centaines d’autres soldats venus de différents horizons. Grâce à leurs sacrifices, j’ai pu emmener mes enfants se recueillir sur sa tombe dans un monde libre. »
Mme Barbee a également souligné l’importance du travail des associations comme War Memories : « Ce qu’on inaugure n’est pas qu’un lieu, c’est un véritable voyage dans le temps. Grâce à l’association War Memories, nous découvrons une incroyable collection d’objets authentiques, des véhicules, des époques et des petits détails qui font battre le cœur de cette grande histoire. Je ne peux que souligner à quel point ce travail est remarquable et fondamental, alors que les témoins de cette époque se font de plus en plus rares et que la Seconde Guerre mondiale peut sembler aussi lointaine qu’un vieux film en noir et blanc. Transmettre cette mémoire aux jeunes générations est un défi de taille, mais ici, grâce à vous, ce passé prend vie. »
La consule a ensuite insisté sur la portée universelle de ces objets et de ces reconstitutions : « Ces casques, ces véhicules, ces uniformes nous racontent des histoires de courage, d’amitié, de peur et d’espoir. Je vous remercie d’ailleurs de donner aux États-Unis une place aussi belle dans ce lieu, jusqu’à baptiser ce site camp américain. Rappelons-nous que l’arrivée des GI américains fut pour la France une vraie rencontre culturelle, mêlée de jazz, de chewing-gum et de chaussettes propres paraît-il. »
Elle n’a toutefois pas oublié de rappeler le prix terrible de la guerre : « Mais n’oublions jamais que la guerre fut une épreuve terrible, douloureuse, qui coûta la vie à des millions de gens et à plus de 400 000 soldats américains, dont la plupart n’avaient encore jamais mis les pieds en Europe. Je suis certaine qu’ils seraient heureux de nous voir ici réunis aujourd’hui, célébrant leurs sacrifices et leurs héritages. »
Enfin, elle a conclu son allocution sur une note d’espérance et de fraternité : « Grâce à eux, nous pouvons lever ces verres de l’amitié dans la joie et la fraternité, comme ils se sont battus côte à côte il y a plus de 80 ans. Alors, concentrons-nous sur cette joie, celle d’être ensemble, de fêter la force de cette victoire. Que ces festivités soient un lieu de rencontre, de partage, d’apprentissage, où chacun comprendra le prix de la liberté et l’importance de cette libération. Cet anniversaire est aussi un symbole puissant de l’amitié franco-américaine, une amitié qui, depuis bientôt deux siècles et demi, s’est renforcée dans les épreuves. Ensemble, célébrons la mémoire, la liberté et l’amitié entre la France et les États-Unis. Merci. »
Ce samedi soir, dans la salle du Polygone, l’ambiance changera de ton. Le Bal de la Libération, animé par The Nancy and Pitt Orchestra, fera replonger le public dans l’atmosphère des années 40/50. Musiciens et chanteuses en tenue d’époque, danseurs attendus sur le parquet, buvette et food-trucks donneront à cette soirée une convivialité populaire, digne des bals d’après-guerre.
Le camp américain reconstitué, inauguré ce matin au parc de la Saussaie, restera ouvert au public tout l’après-midi et de nouveau demain. Les visiteurs pourront y découvrir les tentes, véhicules, uniformes et objets d’époque, guidés par les bénévoles de l’association War Memories. Une occasion unique de plonger dans l’histoire vivante de la Seconde Guerre mondiale et de transmettre aux jeunes générations la mémoire des libérateurs.
