À l’occasion des Journées européennes du patrimoine, la maire de Dijon, Nathalie Koenders, a inauguré la façade restaurée de la Maison aux Trois Visages, l’un des édifices emblématiques de la rue de la Liberté. Devant un public nombreux, élus, partenaires du chantier et habitants, la cérémonie a marqué la fin de deux années de travaux et la redécouverte d’un patrimoine presque sexcentenaire.
Une bâtisse qui révèle ses secrets
La Maison aux Trois Visages est bien connue des Dijonnais pour son imposante silhouette à pans de bois. Pourtant, son histoire restait partiellement méconnue. Les récentes recherches menées à l’occasion du chantier de restauration ont permis de lever le voile sur plusieurs mystères.
Prescrite par l’État via la DRAC Bourgogne-Franche-Comté, l’étude archéologique a été confiée à Émilien Bouticourt (Archeodunum SAS). Son équipe d’archéologues a travaillé directement sur les échafaudages, aux côtés des charpentiers, observant les assemblages, prélevant des échantillons de bois et analysant les pigments. Les relevés ont même été réalisés grâce à un drone, permettant une cartographie précise des façades.
Les conclusions sont remarquables : alors que les premières mentions écrites de la maison datent de 1494, la dendrochronologie (analyse des cernes du bois) a permis de dater les poutres de 1437-1438. L’édifice est donc plus ancien de près de 60 ans que ce que l’on croyait, et il s’apprête à célébrer ses 600 ans.

Des couleurs retrouvées, des ornements disparus
La restauration a redonné vie aux couleurs d’origine. La couche de peinture la plus ancienne identifiée est un rouge vif, visible sur les poutres médiévales. C’est ce qui a guidé le choix des teintes actuelles, associées au jaune, dans la lignée des autres maisons médiévales dijonnaises.
Mais la maison a aussi révélé ce qu’elle avait perdu : des moulures décoratives et motifs en relief, jadis sculptés sur les poutres, ont disparu au fil des siècles. Arrachés lors de travaux de « modernisation », ils ont laissé place à des façades lissées et austères. À l’origine, l’édifice était donc bien plus ornementé, à l’image des demeures prestigieuses de la ville.
Une histoire mouvementée
L’étude des archives a permis de retracer les transformations du bâtiment entre le XVIIIe et le XXe siècle. Ce qui est aujourd’hui considéré comme un joyau n’a pas toujours eu bonne presse. Au XIXe siècle, les pans de bois étaient jugés « disgracieux », et la municipalité envisageait même de remplacer les colombages par de la maçonnerie plus « moderne ».
La Maison aux Trois Visages a failli disparaître, mais elle a finalement été classée Monument Historique en 1939, sauvant ainsi ce témoin précieux de l’architecture médiévale.
Le projet « Façades Liberté »
La restauration de l’édifice s’inscrit dans le programme municipal « Façades Liberté », lancé en 2018 par la Ville de Dijon. Ce dispositif apporte une aide financière aux propriétaires souhaitant rénover les façades visibles depuis la rue de la Liberté, axe piéton majeur et vitrine historique de la ville.
L’inauguration : un moment symbolique
Lors de l’inauguration, la maire de Dijon, Nathalie Koenders, a livré un discours dense, à la fois solennel et convivial, saluant de nombreux acteurs, replaçant le chantier dans une stratégie patrimoniale plus large, et insistant sur la responsabilité collective liée à la transmission de l’héritage architectural.
Une pluie de remerciements
Dès l’ouverture, la maire a tenu à rappeler l’implication d’un grand nombre de partenaires :
- les élus municipaux et anciens responsables de l’urbanisme, tels que Pierre Prubétiche, ancien adjoint devenu député, ou encore ses collègues en charge de la culture et du centre-ville ;
- les services de l’État et les experts, avec l’Architecte des Bâtiments de France, Mme Séverine Wodly, l’agence d’architecture du patrimoine CGA CT, et l’entreprise SACEC chargée de la restauration ;
- le propriétaire de l’immeuble, Philippe Bernard, qui s’est personnellement engagé dans le projet avec l’appui de la Ville ;
- le tissu économique local, représenté par le président de la CPME, mis en avant pour son soutien aux entreprises artisanales mobilisées sur le chantier.
Une inauguration inscrite dans le temps fort des Journées du patrimoine
La maire a replacé cette cérémonie dans le cadre plus large des Journées européennes du patrimoine, « qui rencontrent chaque année un immense succès auprès des Dijonnaises et des Dijonnais, mais aussi au-delà de la métropole ». Elle a souligné que ces moments ne sont pas seulement festifs, mais qu’ils participent à une relecture collective de l’histoire urbaine et renforcent le sentiment d’appartenance à une ville au patrimoine millénaire.
Un chantier difficile, une réussite collective
La restauration de la Maison aux Trois Visages n’a pas été sans imprévus. Nathalie Koenders a parlé d’un « défi complexe », nécessitant la mobilisation de multiples compétences : archéologues, charpentiers, architectes, entreprises spécialisées. Elle a salué leur persévérance et leur capacité à « raviver l’éclat de ce joyau médiéval protégé au titre des monuments historiques ».
Saluant le propriétaire, elle a rappelé que la sauvegarde du patrimoine est à la fois une chance et une responsabilité : « Si cet héritage est une chance pour l’attractivité de Dijon, il est aussi une responsabilité : celle de savoir en prendre soin et d’assurer sa transmission aux générations futures. »
L’innovation scientifique des fouilles « verticales »
L’un des points marquants de son discours a été la mise en avant de la dimension scientifique inédite du chantier. « Nous sommes accoutumés aux fouilles archéologiques menées dans le sol. Ici, ce sont des recherches verticales, sur les façades, qui ont été entreprises. C’est une première à Dijon, et elles nous apportent un savoir inédit sur la composition et les couleurs d’origine. »
Cette méthode a permis de confirmer les choix de restauration, notamment le retour aux couleurs rouge et jaune, en accord avec les traces médiévales identifiées.
Une stratégie patrimoniale reconnue
La maire a tenu à replacer cette restauration dans une politique patrimoniale plus large. Depuis 2018, le programme « Façades Liberté » a permis d’accompagner plusieurs propriétaires dans la rénovation d’immeubles visibles depuis la rue de la Liberté.
Elle a insisté sur la vision à long terme portée par la Ville : « La Chambre régionale des comptes a salué notre travail de planification en matière de restauration. Nous avons aujourd’hui une stratégie claire : identifier ce qu’il faut rénover en priorité et étaler les chantiers dans le temps. »
Elle a rappelé que Dijon est Ville d’art et d’histoire depuis 2009, et qu’à ce titre elle a la responsabilité non seulement d’entretenir ses monuments, mais aussi de diffuser largement la connaissance auprès du grand public.
Un hommage à ses prédécesseurs
Nathalie Koenders n’a pas manqué de remercier Pierre Pribetich, ancien adjoint à l’urbanisme, qui avait contribué au lancement du programme « Façades Liberté » avant son élection au Palais Bourbon. Elle a également rendu hommage à l’action de François Rebsamen et à la mobilisation de toute l’équipe municipale pour la sauvegarde du secteur sauvegardé de Dijon, « l’un des plus grands de France ».
Une conclusion poétique et symbolique
La maire a conclu son discours sur une note pleine d’images : « Ces trois visages, qui ont traversé cinq siècles, ont repris des couleurs et n’affichent plus une seule ride. Leur sourire, tourné vers la rue de la Liberté, nous rappelle que le soin porté à notre patrimoine est le reflet de notre capacité à projeter notre ville vers l’avenir. »
Une phrase qui a résonné comme un symbole : Dijon n’entend pas seulement conserver ses vieilles pierres, mais leur redonner vie et sens, pour les générations présentes et futures.
Un patrimoine vivant au cœur de la ville
L’inauguration a attiré de nombreux curieux, Dijonnais et visiteurs, qui ont redécouvert sous un jour nouveau la façade colorée. Plus qu’un simple chantier, cette restauration redonne vie à un patrimoine vivant, que la municipalité entend mettre en valeur et transmettre.
La Maison aux Trois Visages, témoin de près de six siècles d’histoire, se dresse désormais en symbole d’une ville qui conjugue mémoire et modernité, et qui fait de son patrimoine un moteur d’attractivité culturelle et touristique.











