Pour la 21ᵉ année consécutive, l’Union nationale des étudiant·e·s de France (UNEF) publie son enquête sur le coût de la vie étudiante. Ce rapport, attendu chaque rentrée, permet de mesurer concrètement l’évolution des charges supportées par les étudiant·e·s. En Bourgogne, les conclusions locales présentées par la section régionale du syndicat ne laissent aucune place au doute : la précarité s’installe durablement et menace l’accès même à l’enseignement supérieur pour une partie grandissante de la jeunesse.
En 2025, le coût de la vie étudiante a encore bondi de 4,12 % à l’échelle nationale, soit +807 € par an pour un·e étudiant·e moyen·ne. À Dijon, la hausse est encore plus brutale, atteignant +5,6 %, soit +733,74 € supplémentaires en moyenne. L’UNEF rappelle que depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée en 2017, les dépenses obligatoires liées aux études ont explosé : le « reste à charge » pour les étudiant·e·s a crû de 31,88 %, une progression jugée intenable par le syndicat. Derrière ces chiffres, ce sont des vies étudiantes marquées par le stress, les privations et parfois l’abandon des études.
« La jeunesse méprisée »
L’UNEF Bourgogne ne mâche pas ses mots et accuse directement la politique gouvernementale d’être responsable de cette précarisation. Selon l’organisation, « la jeunesse est méprisée » par des choix budgétaires qui favorisent d’autres secteurs au détriment de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le syndicat dénonce aussi la transformation de l’Université de Bourgogne en Université Bourgogne Europe (EPE) cette année. Ce changement institutionnel, présenté officiellement comme une modernisation, est perçu localement comme une étape de plus dans la mise en concurrence des établissements, sans véritable plan social ni mesures pour améliorer le quotidien des étudiant·e·s.
Au-delà des institutions, ce sont également certaines réformes phares du gouvernement qui cristallisent la colère. L’UNEF cite Parcoursup et MonMaster, plateformes accusées de trier les jeunes en fonction de leur parcours scolaire et de renforcer les inégalités sociales. Ces dispositifs accentueraient la reproduction sociale en réservant les filières les plus prestigieuses à celles et ceux qui disposent déjà d’un capital économique, culturel ou scolaire solide. « Étudier ne doit pas être un privilège », martèle l’organisation, qui rappelle que l’université doit rester un espace d’émancipation et d’égalité.
Logement, alimentation, transports : la triple peine étudiante
Le logement demeure le poste de dépense le plus lourd pour les étudiant·e·s. En 2025, les loyers progressent encore de 2,46 % dans le privé et de 3,26 % dans les résidences CROUS. À Dijon, un studio étudiant dans le privé coûte en moyenne 446 € par mois, soit une hausse de 1,13 % par rapport à 2024. L’UNEF déplore que le CROUS, censé protéger les étudiant·e·s des excès du marché, n’ait pas les moyens de répondre à la demande. Le plan Macron de 2017, qui promettait la création de 60 000 logements étudiants, n’a abouti qu’à 5297 constructions en 2024, soit un taux de réalisation de seulement 8,8 %. Dans certaines résidences dijonnaises, les étudiant·e·s doivent en plus composer avec des problèmes sanitaires tels que la présence de nuisibles, source supplémentaire d’angoisse et d’inconfort.
Concernant les transports, la situation paraît plus stable mais reste profondément inégalitaire. À Dijon, le tarif du pass annuel est fixé à 315 € pour les non-boursier·e·s et 180 € pour les boursier·e·s, soit respectivement 26,25 € et 15 € par mois. Si aucune hausse n’est appliquée en 2025, l’écart entre boursiers et non-boursiers persiste. L’UNEF rappelle que « ne pas être boursier ne signifie pas être riche », et que pour certains, ces dépenses pèsent tout autant. Le syndicat demande donc la gratuité des transports pour tous les étudiant·e·s, citant l’exemple de Montpellier qui a mis en place cette mesure avec succès.
Enfin, l’alimentation représente un troisième poste de fragilité. Malgré la loi élargissant le repas à 1 € pour les étudiant·e·s, le réseau CROUS est « sous-financé et saturé ». À Dijon, les files d’attente s’allongent chaque midi devant le restaurant universitaire Montmuzard, dont certaines parties doivent régulièrement fermer faute de personnel suffisant. Les étudiant·e·s se voient contraints de se rabattre sur des cafétérias plus chères, où les formules atteignent rapidement 3,30 € voire davantage. Résultat : une part croissante des jeunes sacrifie la qualité de son alimentation, ce qui se traduit par des risques accrus pour leur santé physique et mentale.
Des étudiant·e·s doublement fragilisé·e·s
Au-delà des statistiques globales, l’UNEF met en lumière les discriminations spécifiques qui frappent certaines catégories de la population étudiante.
- Les étudiant·e·s étranger·e·s sont privés du système de bourses et rencontrent d’énormes difficultés pour accéder à un logement, notamment à cause des exigences liées aux garants. Leur intégration administrative et sociale est souvent chaotique, ajoutant une couche de stress à un quotidien déjà marqué par la distance avec leur pays d’origine.
- Les personnes menstruées sont confrontées à une précarité spécifique liée au coût élevé des protections périodiques. L’instauration d’un congé menstruel de 11 jours par an à l’Université Bourgogne Europe, bien que saluée, reste jugée largement insuffisante par l’UNEF. Le syndicat dénonce aussi la violence symbolique imposée aux étudiant·e·s menstrué·e·s contraint·e·s de justifier leurs douleurs auprès de l’administration.
- Les personnes transgenres subissent une double peine : des discriminations institutionnelles et des dépenses médicales spécifiques (hormones, chirurgies, suivi psychologique) qui les placent en situation de précarité accrue. Des erreurs administratives, comme l’impossibilité d’obtenir des diplômes au prénom d’usage, viennent compliquer leur parcours universitaire.
- Les étudiant·e·s en situation de handicap se heurtent à une accessibilité encore très lacunaire. Des ascenseurs en panne, un manque d’équipements adaptés, une offre de soins psychologiques et médicaux largement insuffisante : autant d’obstacles qui rendent les études plus difficiles, voire impossibles, pour une partie de cette population.
Pour l’UNEF, ces réalités rappellent que la précarité n’est pas seulement financière : elle est aussi sociale, psychologique et institutionnelle.
Revendications locales et nationales
Face à ce constat, le syndicat avance une série de propositions ambitieuses.
Au niveau national, l’UNEF demande une augmentation de 20 % du budget des universités sur 5 ans, la création de 100 000 places supplémentaires dans les filières en tension, le recrutement massif de personnels, la fin des subventions aux écoles privées lucratives, ainsi qu’un encadrement strict des frais d’inscription. Le syndicat milite également pour la suppression de Parcoursup et MonMaster, jugés inégalitaires, et pour un accès libre en licence accompagné d’une orientation renforcée dès le lycée.
Au niveau local, l’UNEF Bourgogne réclame en priorité la baisse des tarifs de transport, avec un objectif clair : la gratuité pour tous·tes. L’organisation exige aussi un gel des loyers CROUS, un encadrement du marché privé, la construction de nouveaux logements et restaurants universitaires, et une mise aux normes urgente des infrastructures pour les étudiant·e·s en situation de handicap.
Un appel à la mobilisation
La conclusion du rapport de l’UNEF Bourgogne ne laisse place à aucune ambiguïté. Depuis 2017, le coût de la vie étudiante a bondi de près de 32 %, tandis que les mesures gouvernementales en faveur des jeunes restent jugées cosmétiques. Pour le syndicat, le choix politique est clair : « L’État préfère investir dans l’armée et les grandes entreprises plutôt que dans sa jeunesse et ses services publics ».
L’UNEF appelle donc à un sursaut collectif : organisation de mobilisations, revendications fermes pour une allocation d’autonomie, et exigence d’un financement massif des services publics. « Nous devons nous montrer radicaux dans nos valeurs, revendiquer une société plus juste et redistributive », conclut l’organisation, qui espère transformer la colère étudiante en mouvement de fond dès cette rentrée 2025.