Le monde associatif, pilier souvent invisible du lien social, traverse une crise sans précédent. Face à la multiplication des licenciements et à la dégradation continue de leurs conditions de travail, les syndicats ASSO-Solidaires21, SUD Culture et Solidaires 21 appellent à une journée de grève et de mobilisation le jeudi 16 octobre, de 12h30 à 13h30 devant la préfecture de Côte-d’Or, à Dijon. Le mot d’ordre : « Non à la destruction silencieuse de nos emplois ! »
Un secteur au bord de la rupture
Avec plus de 1,8 million de salarié·es, le secteur associatif représente près d’un emploi sur dix en France, hors fonction publique. De la culture à l’éducation populaire, en passant par le social, l’environnement ou le sport, les associations jouent un rôle vital dans la vie quotidienne des citoyen·nes, parfois en compensant les carences de l’État.
Mais depuis le début de l’année 2025, le secteur s’effondre. Les licenciements se multiplient, souvent dissimulés derrière des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) déguisés, des non-renouvellements de contrats, ou des ruptures conventionnelles collectives. Les salarié·es dénoncent une casse sociale silencieuse, rarement médiatisée, mais aux conséquences concrètes : fermetures de structures, surcharge de travail, précarisation généralisée.
« Dans la culture, dans l’éducation, dans l’action sociale, les associations se vident de leurs forces vives. C’est un plan social invisible, massif et non assumé », déplore un militant de SUD Culture.
Les chiffres d’une hémorragie annoncée
Les données avancées par Solidaires21 dressent un constat alarmant :
- En 2024, 1170 procédures collectives ont touché des associations, dont 489 liquidations judiciaires — soit une augmentation de près de 25 % en deux ans.
- En 2025, les budgets des collectivités territoriales, principale source de financement public du monde associatif, ont été amputés de 2,2 milliards d’euros.
- Le plan Bayrou, prévu pour 2026, aggraverait la situation : il prévoit plusieurs milliards d’euros de coupes supplémentaires dans les subventions aux associations, un projet soutenu par le nouveau Premier ministre.
Les conséquences se font déjà sentir : un tiers des associations envisageraient des licenciements d’ici à 2026, soit des dizaines de milliers d’emplois supprimés. Pour beaucoup de structures, la survie se joue désormais au mois près.
Des conditions de travail qui se dégradent
Au-delà des chiffres, c’est la réalité quotidienne des travailleur·ses associatif·ves qui inquiète. Les syndicats dénoncent des salaires au ras du SMIC, une instabilité chronique liée à la précarité des financements, un turnover massif et des heures supplémentaires non rémunérées. Dans de nombreuses structures, la fiche de poste est devenue un document symbolique : les salarié·es cumulent les missions, pallient le manque de personnel et absorbent les conséquences des baisses budgétaires.
« On nous demande d’en faire toujours plus avec toujours moins. On finit par s’épuiser, mais si on s’arrête, ce sont les bénéficiaires qui trinquent », confie une salariée d’une association culturelle dijonnaise.
Ces conditions détériorées ne touchent pas que les salarié·es : elles se répercutent sur les millions d’usager·es — jeunes, familles, personnes âgées, publics précaires — qui voient leurs services réduits ou supprimés.
L’austérité dans le viseur
Pour les syndicats, la responsabilité est clairement politique. Les politiques d’austérité imposées depuis plusieurs années par l’État et les collectivités sont jugées « mortifères » pour un secteur qui repose sur des financements publics fragiles. Les aides publiques diminuent, tandis que les appels à projets, souvent courts et contraignants, remplacent les subventions pluriannuelles.
Cette logique de financement par projet précarise les emplois et empêche les associations de planifier à long terme.
Résultat : les structures, coincées entre baisse des recettes et explosion des besoins sociaux, coupent dans la masse salariale.
« L’austérité détruit nos emplois et dégrade les conditions de vie des usager·es. Nous refusons d’être les variables d’ajustement d’une politique économique aveugle », affirme ASSO-Solidaires21.
Des mobilisations déjà en marche
Les journées de grève des 10 et 18 septembre ont marqué un tournant. Selon les syndicats, elles ont été fortement suivies dans les secteurs associatif et culturel, avec des taux de participation inédits. Les manifestations à Dijon, Lyon, Nantes, Toulouse ou Paris ont rassemblé plusieurs milliers de personnes.
Cette dynamique donne espoir à Solidaires21, qui souhaite transformer l’essai le 16 octobre. L’objectif : rendre visible une crise que beaucoup préfèrent ignorer, et imposer un débat sur la place du travail associatif dans la société française.
Un combat plus large que le seul emploi
Au-delà de la défense des postes, les syndicats inscrivent leur mobilisation dans une perspective plus globale : crise écologique, crise sociale, montée de l’extrême droite, effondrement des services publics. Pour eux, les politiques actuelles aggravent les fractures du pays et nourrissent le désespoir social.
« À l’heure où l’extrême droite n’a jamais été aussi proche du pouvoir, il faut défendre les espaces de solidarité, d’éducation et de culture que portent les associations. C’est une question de démocratie », martèle un membre de Solidaires21.
Rendez-vous à Dijon le 16 octobre
La mobilisation du jeudi 16 octobre, organisée à Dijon devant la préfecture de Côte-d’Or de 12h30 à 13h30, s’annonce comme un moment clé pour le secteur. Les syndicats appellent l’ensemble des salarié·es, bénévoles et sympathisant·es à rejoindre le mouvement, aux côtés d’autres structures interprofessionnelles. « Les politiques d’austérité ne sont pas une fatalité. D’autres chemins sont possibles. Mobilisons-nous pour les imposer », concluent-ils.