Un vent de tempête souffle sur la petite commune de Neuilly-Crimolois depuis plusieurs années maintenant. L’affaire, désormais portée à la connaissance des autorités judiciaires par un signalement effectué au titre de l’article 40 du Code de procédure pénale, met gravement en cause la gestion du maire, Didier Relot, de son épouse, Corinne Relot, ainsi que de certains membres de l’équipe municipale. Fort d’une centaine de pages, le dossier que nous avons pu consulter dévoile une série de faits susceptibles de relever de conflits d’intérêts, de favoritisme, d’opacité dans les procédures d’achat public et d’une utilisation discutable de fonds publics. Des montants cumulés qui, d’après les chiffres cités dans le rapport, pourraient avoisiner les 25 000 € !
Contexte : des élus novices face à des pratiques opaques
Élus en juin 2020, les membres de la liste majoritaire « La Démocratie Autrement » affirment n’avoir reçu aucune formation sur les responsabilités légales et déontologiques qui leur incombaient. « Malgré le droit à la formation des élus locaux, prévu par l’article L2123-12 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), nous n’avons malheureusement pas eu l’opportunité de bénéficier des formations habituellement réservées aux nouveaux élus, à l’exception, pour certains d’entre nous, d’une réunion d’information », écrivent certains élus dans la saisine (article 40) adressée au procureur de la République.
Dans ce contexte, c’est au fil des mois et des événements que la prise de conscience s’est opérée, les conduisant à saisir la préfecture, puis à demander la désignation d’un référent déontologue, resté absent, malgré la législation, jusqu’en mai 2024.
Une chronologie édifiante
Les premières alertes remontent à 2022 selon le dossier que nous avons pu consulter. Le 25 mars 2024, un adjoint, contacte par mail la Responsable du pôle conseil et contrôle de légalité – Bureau des collectivités locales – de la Préfecture de la Côte d’Or.
Le mail disait : « En tant que résident et membre d’une commune de moins de 3500 habitants, je souhaiterais obtenir une information par rapport à la charte des élus.
- Un élu (conseiller, adjoint ou maire) peut-il valider une prestation financière pour la mairie qui concerne directement :
- Son conjoint(e),
- L’un de ses enfants,
- Ou indirectement un membre de sa famille tel qu’un gendre ou une belle-fille.
- Un adjoint peut-il valider une prestation financière pour un autre élu ayant des liens et des intérêts avec les exemples de même type mentionnés ci-dessus.
- Suite à un différend sur une orientation de vote à venir, le maire peut-il solliciter ses adjoints afin qu’ils votent dans son sens pour le budget d’une association dont son épouse est présidente
Merci par avance de votre retour »
Le 28 mars, l’adjoint réitère sa demande de transmission des réponses à ses questions au contrôle de légalité. Il apprend, par la responsable du service, que celles-ci ont été transmises directement à la Directrice générale des services (DGS) de la commune de Neuilly-Crimolois, sans que l’adjoint en soit informé :
« mail du jeudi 28 mars 2024 (11h22) : Re-bonjour madame « X », Dans le cadre de nos échanges téléphoniques, je vous remercie de bien vouloir me communiquer par écrit la réponse transmise à la Direction Générale de la commune et pour laquelle je vous avais saisi ès-qualité. À défaut de communication de cette réponse, je vous prie de bien vouloir motiver, sur la base des dispositions juridiques en vigueur, le refus opposé à cette dernière et/ou de faits qui justifient la décision prise de communiquer à la Direction générale des services cette décision compte tenu des dispositions juridiques applicables. Dans cette attente, Bien cordialement ».
Ce n’est que le 4 avril 2024, que Mme la Directrice générale des services apporte réponses à M. l’adjoint concernant ses questionnements relatifs à d’éventuels conflits d’intérêts.
Le scandale du festival « Balai et Potions »
Ce dossier emblématique cristallise de nombreuses critiques. Le festival, organisé en mai 2022, est le fruit d’un lien étroit entre l’épouse du maire et la dirigeante de la société Paraexperience, Mme V.. Le lien est avéré : Mme Relot avait des contacts professionnels anciens avec Mme V. et apparaît même comme conseillère de l’entreprise organisatrice sur un site professionnel.
Le maire, pourtant membre du comité de pilotage, nie tout conflit d’intérêt alors même que son épouse est omniprésente dans l’organisation. Résultat : un événement en demi-teinte, seulement 712 entrées adultes payantes, et une perte sèche de 6 992 € pour la commune. Un coût alourdi par des dépenses accessoires non comptabilisées officiellement, comme les achats de matériel.
Une étude commandée à l’employeur de l’épouse du maire
En août 2022, le maire commande une étude économique au Pôle Performance Commerciale de la CCI Bourgogne… département où travaille justement son épouse, Corinne Relot. Montant : 5 700 €. Cette étude, qui aurait pu être réalisée en interne, n’a abouti à aucune recommandation nouvelle.
Le dossier des « mange-debout » allemands
Autre point névralgique : l’achat de trois tables hautes en Allemagne, via le comité de jumelage présidé par l’épouse du maire, alors même que des modèles identiques semblent disponibles en France. La commune rembourse ensuite l’association pour ces achats. Des élus dénoncent un montage financier inhabituel, contournant les procédures classiques d’achat public. Le maire et des élus de sa majorité, parties prenantes de l’association, ont participé au vote sans se déporter ! Le Maire avait prévu une porte de sortie : subventionner l’association à hauteur du montant des tables hautes si le vote lui était défavorable.
Subventions déguisées et gestion du comité de jumelage
Entre achats d’œuvres d’art, concerts subventionnés et manque de transparence comptable, les accusations de favoritisme pleuvent. Le comité de jumelage – encore une fois présidé par Mme Relot – se voit refuser une subvention en mai 2023. S’ensuit une campagne de pression interne, notamment par mails et appels téléphoniques. L’adjoint évoque des tentatives d’intimidation, allant jusqu’à lui signifier qu’un vote contre la subvention reviendrait à « voter contre le maire et son entourage ».
Si le manque de transparence soulevé dans la gestion ne suffisait pas, des rumeurs persistantes sur la commune suggèrent que l’épouse du maire, ancienne présidente du comité de jumelage, démissionnaire au cours du premier semestre, Corinne Relot, aurait procédé à la fermeture des anciens comptes de l’association, en aurait ouvert de nouveaux, avant de transmettre la présidence au nouveau bureau. Ce dernier fera-t-il la lumière sur ces rumeurs ?
Nominations familiales !
En 2021, le fils du maire est embauché en tant que saisonnier par la commune. Si cette pratique est légale, sa mise en lumière soulève des interrogations sur la concentration des intérêts familiaux dans la vie municipale à Neuilly-Crimolois.
Les dossiers « Le Mur » et « Casal Sport » : les soupçons s’étendent
Les zones d’ombre ne s’arrêtent pas à la famille Relot. Christine Dos Santos Rocha, adjointe au maire, est également mise en cause. Deux sociétés – « Le Mur » et « Casal Sport » – ont reçu des marchés de la municipalité pour plus de 8 500 €. Problème : elles sont respectivement dirigées ou représentées par son fils. Le tout sans transparence sur les appels d’offres ou les conflits d’intérêts potentiels.
Un signalement fondé sur l’article 40
L’ampleur des faits recensés – plus d’une dizaine de dossiers documentés – a conduit plusieurs élus à saisir la justice via un signalement au procureur de la République, conformément à l’article 40 du Code de procédure pénale. L’objectif : faire toute la lumière sur des pratiques de gestion publique jugées incompatibles avec l’éthique attendue des représentants locaux.
Une commune en crise de confiance
Ce dossier révèle bien plus qu’un dysfonctionnement administratif. En effet, après le retrait des délégations du maire, sa limitation à engager les fonds communaux au-delà de 300 € HT, sa perte de majorité, et le rejet du budget 2025, ce nouveau coup de tonnerre pointe une gestion familiale de la chose publique, un brouillage dangereux entre intérêts privés et missions collectives. Il met en lumière le désarroi d’élus de l’ex-majorité, qui dénoncent un système verrouillé, opaque et centralisé et, selon eux, non conforme aux principes républicains.
Dijon Actualités saisit Didier RELOT, maire de Neuilly-Crimolois, qui reste silencieux
Dans le cadre de cette affaire, Dijon Actualités a sollicité Didier RELOT, maire de Neuilly-Crimolois, afin de recueillir ses observations et de restituer ses propos dans un esprit de débat équilibré. Le vendredi 10 octobre 2025, un courriel lui a été adressé pour demander un entretien sur le sujet. Faute de réponse, une relance téléphonique a été programmée pour le lundi 13 octobre 2025.
À la suite de cet appel, M. RELOT a répondu par écrit :
« À la suite de mon entretien avec M. Paulin ce matin, après avoir pris attache avec mon avocat et afin de garantir un contradictoire sérieux, je vous remercie de me transmettre par écrit les demandes suivantes :
• Les motifs du présumé article 40 déposé,
• La liste précise des allégations et des questions,
• Les sources et documents sur lesquels vous vous fondez,
• La date de publication prévue.
En fonction, je vous adresserai une réponse écrite et documentée, sous couvert de mon avocat, dans un délai de sept jours. »
En réponse, la rédaction a précisé dans un mail envoyé à 10 h 06 :
« Je prends acte de votre entretien avec votre avocat, ce lundi matin à 9h. Comme nous vous l’avons indiqué le vendredi 10 octobre 2025, Dijon Actualités prévoit de publier son article aujourd’hui ou, au plus tard, demain matin.
Nous vous avions également proposé un entretien contradictoire, afin de recueillir vos observations et de reprendre vos propos dans le respect du débat équilibré.
Vous souhaitez désormais que nous vous transmettions par écrit les éléments suivants :
- Les motifs du présumé signalement au titre de l’article 40,
- La liste précise des allégations et des questions,
- Les sources et documents sur lesquels nous nous fondons,
- La date de publication prévue.
Concernant cette dernière, vous en avez été informé dès le 10 octobre 2025.
S’agissant des motifs du signalement, nous vous rappelons que, ce même jour, nous vous avons indiqué :
« Un signalement a été effectué au titre de l’article 40 du Code de procédure pénale, mettant gravement en cause votre gestion en tant que maire de la commune de Neuilly-Crimolois. » Vous connaissez donc depuis cette date la nature du motif évoqué.
Enfin, concernant votre demande relative à nos sources et documents, nous tenons à vous rappeler que le secret des sources journalistiques est un droit fondamental, garanti par la loi.
En conséquence, nous refusons de vous les communiquer. Nous jugeons d’ailleurs votre demande, permettez-nous de le dire avec franchise, inappropriée et contraire aux principes essentiels de la liberté de la presse.
Nous réitérons néanmoins notre proposition d’entretien, afin de vous offrir la possibilité de vous exprimer et d’apporter vos réponses aux questions que nous souhaitons vous poser.
Merci de bien vouloir nous confirmer si vous acceptez cet entretien ».
Ce message est resté sans réponse. La rédaction de Dijon Actualités regrette le silence de M. Didier RELOT, ainsi que sa demande d’accès aux sources journalistiques, contraire aux principes essentiels de la liberté de la presse. À Neuilly-Crimolois, l’enquête judiciaire suit désormais son cours, sur fond de tensions politiques grandissantes et d’une confiance citoyenne fragilisée.