En marge de la Journée nationale de la résilience, le collectif citoyen Dijon Avenir propose une refondation de la politique locale face aux crises écologiques, sociales et démocratiques. Pour eux, “se préparer à subir ne suffit plus” : il faut repenser les fondements de notre organisation collective pour devenir réellement robustes.
Une journée de la résilience, mais quelle vision des crises ?
Ce 18 octobre, la place centrale de Dijon accueille un “Village de la résilience”, organisé par la préfecture de Côte-d’Or. L’objectif : sensibiliser la population à la prévention et à la gestion des situations d’urgence, qu’il s’agisse d’inondations, de canicules ou d’accidents industriels.
Une démarche que Dijon Avenir, collectif citoyen né il y a deux ans autour des enjeux écologiques et démocratiques, salue, tout en posant une question dérangeante : la résilience, telle qu’elle est promue par les autorités, est-elle suffisante ?
Selon eux, non. “Parler de résilience, c’est souvent dire à chacun de se débrouiller pour encaisser les chocs, plutôt que d’empêcher ces chocs de se produire”, résume le collectif. Dans un communiqué diffusé à l’occasion de cette journée, Dijon Avenir plaide pour une approche alternative : la robustesse, c’est-à-dire la capacité d’un territoire à rester stable malgré les crises, plutôt que de simplement s’en remettre.
De la résilience à la robustesse : changer de paradigme
Le terme “résilience”, emprunté à la mécanique des matériaux, désigne à l’origine la capacité d’un matériau à reprendre sa forme après un choc. Appliqué aux sociétés humaines, il a séduit les pouvoirs publics depuis les années 2000, notamment pour penser les politiques de prévention des risques et d’adaptation au changement climatique.
Mais pour Dijon Avenir, cette approche montre aujourd’hui ses limites. Les crises actuelles — climatique, écologique, sociale, économique et démocratique — ne sont plus des événements ponctuels mais des processus permanents, systémiques et interconnectés.
“Face à une convergence de crises, se contenter de résilience revient à entretenir la fragilité”, estime le collectif. D’où leur préférence pour la “robustesse”, concept inspiré des travaux du biologiste Olivier Hamant, chercheur au CNRS, qui plaide pour des organisations humaines capables de coopérer, de fonctionner avec redondance et de ralentir pour durer.
“Nos sociétés sont optimisées pour la performance et la croissance à court terme, explique Dijon Avenir. Mais cette efficacité apparente crée de la vulnérabilité : elle épuise les humains comme les écosystèmes.” À rebours de cette logique, la robustesse suppose une organisation collective fondée sur la coopération, la sobriété et la planification à long terme.
Un diagnostic sans concession des vulnérabilités dijonnaises
Depuis deux ans, Dijon Avenir a engagé un diagnostic citoyen des risques qui pèsent sur le territoire dijonnais. Les conclusions sont sévères :
- Très faible autonomie alimentaire, avec une dépendance quasi totale aux importations pour nourrir la population.
- Éloignement de la ressource en eau, alors que les sécheresses s’intensifient.
- Dépendance énergétique forte, notamment aux énergies fossiles.
- Faible couverture arborée et îlots de chaleur urbains croissants.
- Logements mal isolés et coûteux énergétiquement, amplifiant la précarité.
Selon le collectif, ces fragilités sont aggravées par des politiques publiques locales jugées inadaptées : “Non seulement elles ne réduisent pas les vulnérabilités, mais parfois elles les aggravent, en continuant à miser sur l’attractivité économique et la croissance urbaine”, affirme Dijon Avenir.
Changer de modèle : planifier la sobriété et la justice sociale
Face à cette accumulation de risques, Dijon Avenir appelle à “changer de modèle”. Leur proposition : ancrer l’avenir de Dijon dans une sobriété énergétique et matérielle planifiée, c’est-à-dire organisée collectivement plutôt que subie dans la douleur.
“Si la sobriété n’est pas anticipée et partagée avec exigence de justice sociale, elle s’imposera brutalement et frappera les plus vulnérables”, prévient le collectif.
Les citoyens, note Dijon Avenir, sont de plus en plus conscients de la gravité des crises. Une étude récente du Réseau Action Climat montre que les Français soutiennent des mesures écologiques ambitieuses, à condition que les efforts soient équitablement répartis et accompagnés.
Un projet de transformation profonde pour Dijon 2050
Dans cette optique, Dijon Avenir a lancé un Forum citoyen qui a permis à des centaines d’habitant·e·s et d’acteurs locaux d’élaborer une Vision d’avenir pour Dijon à l’horizon 2050. Deux questions structurent la démarche :
- “Où va-t-on ?” — établir un cap collectif face aux crises.
- “Comment on y va ?” — co-construire les moyens d’y parvenir.
Une vingtaine de projets structurants ont déjà émergé, visant à repenser les politiques publiques locales à tous les niveaux. Parmi les propositions :
- Un Plan de Transformation de l’Économie Locale, pour redéfinir nos besoins et les satisfaire avec des ressources limitées.
- Un Plan Local d’Autonomie Alimentaire, visant à multiplier par dix la capacité du bassin dijonnais à se nourrir localement.
- Un Plan Climat Air Énergie intégrant enfin une vraie sobriété énergétique.
- Une révision du Plan Local d’Urbanisme pour sanctuariser les sols naturels et renforcer la trame arborée urbaine.
Une carte participative permet d’ores et déjà de localiser certains projets : reconquête végétale, développement du maraîchage urbain et périurbain, isolation écologique des logements, ou encore réutilisation de matériaux biosourcés locaux.
Vers les municipales de 2026 : une alternative politique en gestation
Derrière cette démarche citoyenne, une ambition politique s’affirme : Dijon Avenir portera une liste participative aux élections municipales de 2026. L’objectif est clair : offrir aux Dijonnais·es un choix véritablement alternatif à la majorité municipale actuelle, jugée trop technosolutionniste, productiviste et attachée à la croissance.
“Nous voulons un discours de vérité sur les crises, mais aussi une vision d’avenir enthousiasmante, fondée sur la coopération, la justice sociale et la sobriété planifiée”, résume le collectif.
Un appel à la mobilisation citoyenne
Dijon Avenir invite désormais les habitants à rejoindre la dynamique. Des permanences de terrain sont organisées régulièrement, via un stand mobile dans différents quartiers, ainsi que des rencontres publiques tous les quinze jours, chaque jeudi soir.
“Face à la convergence des crises, nous avons le choix : subir ou construire. Nous faisons le pari du collectif et de la robustesse”, conclut le communiqué.
Alors que la “résilience” est devenue un mot d’ordre institutionnel, Dijon Avenir pousse le débat plus loin. Pour eux, il ne s’agit plus de s’adapter à des crises devenues structurelles, mais de transformer en profondeur nos modes de vie, nos politiques locales et nos modèles économiques. Une démarche qui ambitionne de faire de Dijon un territoire robuste, capable non seulement de tenir face aux tempêtes, mais d’y prospérer autrement.