L’audience était attendue. Ce lundi, deux militants du mouvement « Bloquons tout » comparaissaient devant le tribunal correctionnel de Dijon. En jeu : leur action spectaculaire du 10 septembre 2025, au cours de laquelle ils s’étaient enchaînés à une barrière de l’arrêt de tram Foch, paralysant les lignes T1 et T2 pendant près d’une heure.
Une action symbolique et assumée
Ce jour-là, les deux militants avaient atteint leur objectif : bloquer temporairement la circulation pour « enrayer l’économie », mot d’ordre de leur mouvement national. La police, appelée sur place, avait dû solliciter les sapeurs-pompiers pour découper les cadenas. L’opération avait conduit à la destruction partielle de la barrière. Les deux militants furent interpellés, placés en garde à vue pendant 33 heures, puis poursuivis pour entrave à la circulation des véhicules sur une voie publique et dégradation de bien public.
« Quand les agriculteurs bloquent le tramway, ils ne sont pas inquiétés »
À la barre, les prévenus n’ont pas caché leur incompréhension face à ces poursuites. « Quand les agriculteurs bloquent le tram pendant des heures et causent 200 000 euros de dégâts, ils ne sont pas poursuivis », ont-ils rappelé, dénonçant une « justice à deux vitesses ». Les deux militants ont aussi justifié leur geste comme une forme de mobilisation nécessaire, après l’échec, selon eux, d’autres actions contre la réforme des retraites ou la loi Duplomb.
Des demandes de réparation salées
La société Keolis, représentée par Me Fouchard, a réclamé 1 000 € pour la barrière endommagée et 6 000 € pour l’interruption du service public. De son côté, Me Champenois, pour les sapeurs-pompiers, a présenté une facture de 5 100 €, correspondant à la casse du matériel de découpe utilisé lors de l’intervention.
Un réquisitoire ferme… mais peu solide
Le procureur Labonne-Collin a estimé que les prévenus devaient « assumer leur choix, dont ils sont fiers », réclamant trois mois de prison avec sursis et 500 € d’amende. Une position sévère, mais surtout juridiquement fragile : un réquisitoire plus politique que juridique, où l’on semblait vouloir sanctionner un symbole plutôt qu’un délit.
La défense remet le droit au centre
Face à cela, Me Bastien Poix, avocat de la défense, a choisi de ramener le débat sur son terrain : le droit, rien que le droit. « Le débat politique est intéressant, mais pas ici. En droit, un tramway n’est pas un véhicule et les rails ne sont pas une voie publique », a-t-il plaidé, jurisprudence à l’appui. Et il a eu raison : la loi est claire. Bloquer un tramway ne constitue pas une entrave à la circulation sur voie publique. Quant à la dégradation, encore fallait-il une volonté d’endommager : or, les deux militants n’ont rien cassé. Ce sont les sapeurs-pompiers qui ont dû découper la barrière pour les libérer. Autrement dit, le « délit » reproché… n’existait pas.
Une claque juridique pour le parquet
Le tribunal a suivi cette argumentation imparable et prononcé la relaxe pure et simple des deux militants. Une victoire saluée par les soutiens du mouvement « Bloquons tout » présents dans la salle. Et un rappel cinglant : le rôle du parquet n’est pas de plaider la morale, mais d’appliquer le droit. Ce lundi à Dijon, le procureur Labonne-Collin aura visiblement oublié cette distinction — le tribunal, lui, s’en est souvenu.