La traditionnelle soirée des bénévoles, organisée par la Ville de Chenôve le 1er juillet 2023, a été marquée par un grave incident entre deux agents municipaux. Au cours de la soirée, l’un d’eux aurait agressé un collègue, dans un contexte de consommation d’alcool sur le lieu de travail. Ce jeudi 23 octobre 2025, le tribunal correctionnel de Dijon a rendu son jugement à l’encontre de l’agent mis en cause : il a été condamné. Dijon Actualités vous dévoile les coulisses de cette affaire.
Il faut le savoir : la municipalité de Chenôve honorait les bénévoles des nombreuses associations de la commune à la salle des fêtes de l’Hôtel de Ville. L’événement est devenu traditionnel depuis sa première édition en 2018, lors de l’inauguration de la Maison de la Vie Associative.
Le soir du 1er juillet 2023, la place était donc à la fête et à la remise du prix de l’engagement bénévole. Mais la fête a vite tourné au vinaigre. Explication : « La soirée se déroulait très bien, le service était assuré, tout le monde profitait et dansait. Un peu avant 00 h 00, le maire quitte la soirée et me dit : « Je te confie la boutique, on arrête à 00 h 30 » », dira le salarié agressé lors de son audition.
Il ajoutera : « Historiquement, cette soirée s’arrête à 02 h 00, mais dans le contexte des violences urbaines, le maire demandait de finir plus tôt, sachant que, la veille, on avait annulé des fêtes d’école. On avait briefé l’agent qui s’occupait de la musique, qui avait entendu le message. Et c’est quand j’ai annoncé à M. S———- qu’on arrêtait à 00 h 30 qu’il est devenu fou. »
Une consommation d’alcool flagrante
Un peu avant l’altercation, les quatre agents municipaux avaient été vus dehors : « J’ai constaté que, toute la soirée, dès le début, ils étaient dehors et qu’ils avaient tous les quatre chacun une petite bouteille de Cristaline de 50 cl. […] À un moment de la soirée, on est dans la cour intérieure et je buvais une bière, et M. S—— m’a posé devant moi sa bouteille de Cristaline dont le contenant était un mélange whisky/boisson énergisante. »
La victime dira aux policiers lors de son audition : « Il se trouve que je déteste ça, donc j’en ai bu un petit peu, mais M. S—— et M. B——- m’ont fait des reproches, de façon chaleureuse, de ne pas boire assez vite la bouteille que M. S—— m’avait offerte. Pour ne pas leur faire de peine, j’ai vidé la bouteille aux toilettes. »
Il ajoutera dans son audition : « Plus tard, quand je les ai retrouvés, j’ai constaté que c’était vraiment une consommation à grande échelle, surtout pour M. S—— et M. B———. C’est ça qui m’a interpellé, et je me suis finalement mis à les suivre toute la soirée. Je trouvais qu’ils parlaient très fort et qu’ils criaient. Plusieurs fois, je leur ai fait la remarque. Ça ne les a pas énervés, mais je faisais attention, car lors d’une soirée précédente, M. B—— était déjà ivre et avait déjà posé des problèmes avec le prestataire du karaoké. […] Au bout d’un moment, j’ai constaté que des bénévoles avaient fait la remarque en disant “qui sont ces personnes ?”. D’ailleurs, Mme Lagrange, la directrice de cabinet, leur a fait la remarque sur leur consommation d’alcool à tous les quatre. »
On constatera, avec cette audition, que la directrice de cabinet, Mme Lagrange, « leur a fait la remarque sur leur consommation d’alcool à tous les quatre ». Pourquoi n’a-t-elle pas pris l’initiative, face à un tel comportement, de leur dire de partir ? Comment peut-on accepter que des agents municipaux, lors d’une soirée organisée par la Ville de Chenôve, qui réunit plus de 200 personnes, boivent de l’alcool sur leur lieu de travail ?
Ayons le courage de dire, sans crainte ni peur, qu’à Chenôve, la gestion des agents municipaux est tout de même particulière !
« Va chercher qui tu veux » : le moment de l’agression
La fin de la soirée approche. L’agent agressé relate : « Le maire annonce son départ. Il passe par la cour intérieure, le portail est ouvert car M. B——- avait garé son véhicule avec la musique à fond, alors que, je le répète, on est dans un contexte de violences urbaines. Je préviens mon collègue A——- que l’on va clôturer la soirée sur instructions du maire. M. A—– va voir le DJ, tout le monde a très bien compris. »
Puis, la scène dégénère : « À ce moment-là, je suis assis à l’entrée de la salle, à côté de Delphine F——. Je me souviens de piquer la fin de la cannette énergisante de M. S——- amicalement, et c’est à ce moment-là que je lui dis pour la soirée, et là, il est pris de fureur. Autour, il y a aussi M. A—— et M. M—— qui sont là. Il commence à me dire « ce n’est pas toi qui décides ». Je lui explique que c’est une consigne du maire et il me répond que je ne suis pas le porte-parole du maire. Je finis très calmement par lui dire que c’est ainsi. Lui me dit « va chercher qui tu veux ». Il le dit avec l’idée d’en découdre. Il était très excité, énervé, enragé. Il hurlait, il était hors de lui, dans un état vraiment colérique. »
Puis vient le geste qui glace : « Ensuite, il sort un couteau. Je ne sais pas exactement d’où il le sort, mais je le vois avec un couteau. Il me semble qu’il a toujours une sacoche sur lui. Mais en tout cas, il ne s’est pas absenté pour aller le chercher, il le portait sur lui, ça j’en suis sûr. C’était un couteau de type Opinel, qu’on déplie. Je n’ai pas vu la couleur du manche, la lame était de type inox, d’environ dix centimètres. Il semblerait que ce couteau a déjà fait parler de lui dans la collectivité… » dira la victime aux policiers.
La victime poursuit : « Couteau en main, il l’a pointé vers moi. J’étais assis, lui debout, il y avait une table qui nous séparait. Il était environ à un mètre, un mètre vingt de moi. Et toujours en pointant le couteau vers moi, il me disait « va chercher qui tu veux ». Je pense que, si je me levais, il me plantait, et Mme F—— a disparu. Là, des gens arrivent, et M. M—— et M. A—— vont à sa rencontre. C’est là qu’avec le couteau qu’il a en main, M. S—— se retourne et lacère une guirlande de décoration avant d’aller dans la cour intérieure de l’Hôtel de Ville. »
La panique et la fuite
Les faits se poursuivent dans la confusion : « Je contacte au téléphone la directrice de cabinet, avec qui j’ai échangé toute la soirée. Je contacte aussi le maire. Entre-temps, D—– a contacté la police. À un moment donné, pareil, un tumulte, et je comprends qu’il a sorti sa gazeuse et qu’il a gazé le fameux B——-, qui ne devait pas être là au bon moment, car pour moi, il n’était pas visé. On apprendra plus tard que c’est à ce moment-là que M. S—— menace un agent de la SIG. Je n’ai pas les coordonnées de ce monsieur, mais il m’a dit qu’il n’en ferait pas état. Je n’ai pas vu personnellement ce qu’il s’est passé dans cette cour. Mais je sais que la police est intervenue, et que lors de leur intervention, M. S—— avait disparu. »
Le maire sanctionne l’agent
L’agresseur fut convoqué par le maire Thierry Falconnet le 26 juillet 2023 pour des faits graves : consommation d’alcool sur son lieu de travail, insultes et menaces verbales à l’encontre d’un collègue, ainsi que détention et usage menaçant d’une bombe lacrymogène. Ces infractions lui ont valu une sanction disciplinaire de trois jours d’exclusion temporaire. Une sanction somme toute extrêmement légère au regard de la gravité des faits, et qui laissera plus d’une personne dubitative, il faut le dire !
Les aveux partiels de l’agresseur
Cet agent, chargé de l’intendance, fut auditionné le 25 septembre 2024. Lors de son audition, il reconnaît avoir consommé de l’alcool : « On buvait du whisky, pour ma part dans une bouteille plastique, et pour les autres dans des verres. »
Il ajoute : « À l’issue de l’apéro, le service s’est déroulé normalement. Vers la fin de la soirée, j’étais en compagnie de M. X (la victime), M. B——- et M. A—–. Le service était fini et on buvait un coup tous les quatre. On buvait du whisky. On ne voulait pas que les gens nous voient boire. Un élu nous avait demandé d’être discrets. Le whisky était dans une bouteille d’eau minérale en ce qui me concerne. Les autres avaient la bouteille de whisky et des verres. »
L’homme reconnaît que la consigne venait d’un élu : « On ne voulait pas que les gens nous voient boire. Un élu nous avait demandé d’être discrets. »
Il poursuit : « Après le départ du maire et de la première adjointe, il restait 15/20 personnes dans la salle. Nous sommes rentrés. M. X (la victime) était déjà à l’intérieur. J’ai posé sur la table un seau contenant la bouteille de whisky et du Red Bull. Sans me demander, M. X s’est servi un verre, je n’ai rien dit. Ensuite, il a lancé la bouteille sur la table en la faisant glisser, comme dans les salons. J’ai attrapé la bouteille. Il ne s’est pas excusé et a commencé à s’exciter. Il m’a dit : “C’est moi le patron, je gère la fin de soirée, tout le monde dégage à 00 h 30.” Il était assis sur sa chaise en disant tout ça. Ça m’a énervé, je ne comprenais pas ce qui se passait alors que tout allait bien avant. Une altercation s’en est suivie, on s’est insultés mutuellement. Je suis sorti. »
« J’entendais que M. X continuait à parler. Je suis allé au garage prendre une bombe de dégivrant et j’ai aspergé dehors avec cette bombe, au hasard, sans viser personne. C’est M. B——- qui était à côté et qui a tout pris sur lui. Je ne suis pas entré dans la salle des fêtes avec cette bombe. Je suis entré dans la salle après avoir posé la bombe. M. X était toujours assis sur sa chaise, tenant des propos du genre “je suis de la haute – tu vas voir – ça ne va pas s’arrêter là”. Il était en communication téléphonique avec Mme Lagrange, la directrice de cabinet du maire. On s’est de nouveau engueulés. Les gendarmes sont venus et je suis parti chez moi. »
À la question : « Avez-vous exhibé un couteau Opinel devant M. X ? », il répond : « Je n’avais pas de sacoche sur moi et je n’ai jamais sorti de couteau. La seule chose que j’ai utilisée, c’est la bombe de dégivrant à l’extérieur. »
À la question : « Avez-vous menacé un agent de la SIG ? », il répond : « Je n’ai menacé personne. J’ai revu les agents de la SIG quelques jours plus tard et aucun ne s’est plaint. »
Mais plusieurs témoins, auditionnés dans cette affaire, diront avoir vu l’agresseur avec un couteau. L’un d’eux déclarera : « J’étais à une dizaine de mètres de ces faits. S—— J—– avait un couteau dans sa main droite, le bras levé, le balayant à sa hauteur. Avant d’arriver près de M. X, les personnes le suivant l’ont interpellé. De force, ils l’ont sorti de la salle, sans mettre de coup. »
Un passé judiciaire déjà chargé
L’homme condamné ce jeudi n’en est malheureusement pas à son premier passage devant la justice. Son parcours judiciaire illustre une récidive constante de comportements délictueux sur plus d’une décennie. Les premières mentions de son casier remontent à 2011 : recel de biens provenant d’un vol, 30 heures de travail d’intérêt général.
En 2012 : vol aggravé, dix mois d’emprisonnement avec sursis et 210 heures de TIG.
En 2013 : usage illicite de stupéfiants, 500 euros d’amende.
En 2015 : conduite sans permis, 200 euros d’amende.
En 2022 : harcèlement sur une ex-compagne, quatre mois d’emprisonnement avec sursis.
Une nouvelle condamnation en 2025
Ce jeudi 23 octobre 2025, le tribunal correctionnel de Dijon a rendu son jugement : l’agent a été reconnu coupable de violences sans incapacité sur un collègue, dans un contexte de tensions et de consommation d’alcool.
Il a été condamné à quatre mois de prison avec sursis probatoire pendant deux ans, assortis d’une obligation de soins et d’un stage de citoyenneté. Le tribunal a également ordonné le versement de 500 euros de dommages et intérêts à la victime et 600 euros pour les frais de justice, conformément à l’article 475-1 du Code de procédure pénale. L’intéressé dispose d’un délai de dix jours pour faire appel de sa condamnation.
Face à la situation, Dijon Actualités a pris l’initiative de contacter la mairie de Chenôve afin d’obtenir des précisions. Thierry Falconnet, maire de la commune, a accepté de répondre à nos questions.
Aviez-vous eu connaissance, avant de quitter la soirée, de la consommation d’alcool par certains agents municipaux ?
Thierry Falconnet : Nullement. Au moment où j’ai quitté la soirée, je n’avais eu connaissance d’aucun comportement inapproprié chez les participants, encore moins concernant des agents. Selon les intéressés, il semble d’ailleurs que cette consommation ait eu lieu de manière dissimulée.
La Fête des Bénévoles est un évènement désormais traditionnel de la commune, qui se tient chaque année depuis 2018 dans une ambiance festive et conviviale. C’est une manifestation ouverte aux présidents et aux membres des bureaux des associations de Chenôve, ainsi qu’à leurs bénévoles actifs, afin de les remercier de leur engagement et de leur contribution au dynamisme de notre ville et à sa cohésion. En dehors des agents affectés à l’organisation, les autres agents municipaux étaient présents par leurs initiatives personnelles et privées, en dehors du temps de service.
Comment expliquez-vous qu’au sein d’une soirée officielle organisée par la Ville, des agents aient pu consommer de l’alcool sur leur lieu de travail — et de surcroît, dans des bouteilles en plastique pour dissimuler leur boisson ?
Thierry Falconnet : Ils étaient présents au sein de la salle des fêtes mais en dehors de leur temps de travail. Dans tous les cas, que cela se passe dans l’un de nos bâtiments municipaux ou ailleurs, rien ne saurait justifier l’incident qui a eu lieu ensuite. Cet incident relève cependant de comportements individuels, sans lien avec l’exercice de travail au sein de la collectivité.
Il est mentionné que votre Directrice de cabinet, Mme Lagrange, aurait fait une remarque aux agents sur leur consommation d’alcool, sans toutefois leur demander de quitter les lieux. Pourquoi aucune mesure immédiate n’a-t-elle été prise ?
Thierry Falconnet : Les agents publics ont des droits et des devoirs, ils doivent exercer leurs fonctions « avec dignité, impartialité, intégrité et probité » selon l’article L.121-1 du Code Général de la Fonction Publique. L’obligation de dignité signifie que tout agent public, sans distinction, doit faire preuve d’un comportement exemplaire qui se traduit par le respect de sa personne, le respect de sa fonction et le respect des autres, et ce, en toutes circonstances sur son temps de travail mais également dans sa vie privée dans la mesure où il représente l’institution. C’est ce rappel utile qui a été fait au commencement de la Fête des Bénévoles par Madame Lagrange aux agents, par prévention comme sur chaque événement organisé par la collectivité.
La demande de quitter les lieux a été réalisée au moment où les faits se sont déroulés. Rien ne laissait présager une telle difficulté en amont cet incident, cette recommandation concernant les obligations qui sont les leurs aurait dû être entendue et suivie par les agents concernés afin que leur comportement soit responsable, même présents en dehors de leur temps de travail.
Lors de son audition, l’agresseur a déclaré qu’un élu leur aurait demandé « d’être discrets » en buvant. Trouvez-vous normal qu’un élu puisse tenir de tels propos face à un comportement manifestement inapproprié ?
Thierry Falconnet : Si un tel propos a réellement été tenu, il est contraire à la ligne de conduite attendu des élus comme des agents : celle de l’exemplarité, du respect et de la maîtrise de soi. Au-delà de ce cas précis, il faut regarder ces situations avec lucidité. Les conduites addictives — qu’il s’agisse d’alcool ou d’autres comportements — existent. Notre responsabilité, comme employeur public et comme élus, n’est pas de les nier, ni de les banaliser mais de les prévenir, et de les accompagner, ce que nous faisons avec chaque agent concerné et les acteurs de la médecine professionnelle, avec l’objectif d’engager la responsabilité individuelle et collective face à ce risque et ses conséquences.
Nous avons renforcé depuis cet incident le travail de fond en matière de prévention et de formation, pour que chacun, élu ou agent, puisse évoluer dans un cadre clair, protecteur et responsable, avec la mise en place de mentions spécifiques à ces sujets dans le règlement intérieur.
Vous avez décidé d’une sanction disciplinaire de trois jours d’exclusion pour l’agent mis en cause. Avec le recul, ne pensez-vous pas que cette sanction était particulièrement légère au regard de la gravité des faits ?
Thierry Falconnet : La sanction disciplinaire a été décidée à l’issue d’une procédure réglementaire complète, respectueuse des droits de chacun et proportionnée aux faits établis. Il faut rappeler que l’incident s’est produit hors du temps de service. Cela n’enlève rien à la gravité du geste, mais nous avons mis en œuvre la sanction requise au terme de l’enquête administrative qui avait été confiée au Centre de Gestion afin que celle-ci puisse être conduite de la manière la plus objective possible, ce qui a été le cas, en respectant la présomption d’innocence et le principe du contradictoire.
Cet incident met-il en lumière un problème plus global de discipline ou de management au sein des services municipaux ?
Thierry Falconnet : Cet acte isolé ne reflète en rien la qualité, le sérieux et l’engagement des agents municipaux, managers ou non, que je tiens à saluer. Nous organisons plus de 100 événements à l’année sans que nous ayons eu à déplorer un autre incident de ce type. Il s’agissait d’un problème interpersonnel entre deux personnes, et non structurel. Nous formons une collectivité humaine, avec ses forces, ses fragilités, et parfois des tensions, mais le respect mutuel, le devoir de responsabilité et l’exemplarité restent la règle et l’attente commune.
Depuis cette affaire, quelles mesures concrètes avez-vous mises en place pour prévenir de tels dérapages à l’avenir ?
Thierry Falconnet : Cet incident nous a conduit à renforcer notre vigilance à ce sujet. Des actions de prévention sur les conduites addictives ont été mises en place comme des mentions spécifiques au règlement intérieur à ce sujet, avec un rappel des droits et des devoirs des agents des collectivités. L’un des agents concernés, qui avait depuis quelque temps exprimé le souhait d’évoluer dans sa carrière, a été pleinement accompagné dans sa démarche de mobilité vers une autre collectivité. Cet accompagnement s’est fait dans un cadre conforme aux règles statutaires, en veillant à ce que cette transition se déroule dans les meilleures conditions possibles, tant sur le plan professionnel que personnel.
Est-ce que Monsieur le Maire aurait fait une attestation pour l’une ou l’autre des parties ?
Thierry Falconnet : J’ai établi une attestation conformément à la demande qui m’a été faite pour confirmer les éléments factuels relatifs au déroulement de la soirée, afin que la Justice puisse se prononcer sur la responsabilité des personnes concernées. Quelle qu’ait été la situation, il n’y a jamais de justification à la violence. Je regrette profondément que cette soirée, pensée comme un moment de convivialité et de reconnaissance, ait été ternie par ces comportements regrettables. Je pense à toutes les personnes qui ont pu être affectées par cette situation. Notre responsabilité collective, à tous les niveaux, est de tirer les leçons de ce qui s’est passé, sans excès ni complaisance, et de faire en sorte que cela ne se reproduise plus.
Des zones d’ombre qui subsistent
Les réponses apportées par le maire de Chenôve, Thierry Falconnet, soulèvent plusieurs interrogations légitimes. Interrogé sur la consommation d’alcool par certains agents municipaux, l’édile affirme : « Ils étaient présents au sein de la salle des fêtes mais en dehors de leur temps de travail. »
Pourtant, les propos tenus par l’agent condamné contredisent directement cette version. Lors de son audition, il déclare : « J’ai travaillé dès le matin à 8 h 00 et, vers 18 h 00, je suis allé travailler dans la salle de réception. En fait, ce jour-là, j’ai travaillé de 8 h 00 jusqu’à minuit passé, la fin de la soirée. »
Dès lors, une question se pose : qui dit vrai ? Le maire de Chenôve, affirmant que les agents n’étaient plus en service ? Ou le salarié, qui parle d’une journée de travail ininterrompue jusqu’à la clôture de l’événement ?
Autre point d’étonnement : le témoignage selon lequel un élu aurait demandé aux agents de « rester discrets » quant à leur consommation d’alcool. L’agent mis en cause déclare ainsi aux enquêteurs : « On buvait du whisky. On ne voulait pas que les gens nous voient boire. Un élu nous avait demandé d’être discrets. »
Le maire, de son côté, nuance : « Si un tel propos a réellement été tenu, il est contraire à la ligne de conduite attendue des élus comme des agents. » Or, au vu des éléments du dossier et des déclarations concordantes, il semble bien que de tels propos aient bel et bien été tenus.
Le maire invite par ailleurs à « regarder ces situations avec lucidité », évoquant les conduites addictives et la responsabilité de la collectivité en matière de prévention : « Notre responsabilité, comme employeur public et comme élus, n’est pas de les nier, ni de les banaliser, mais de les prévenir et de les accompagner. »
Mais une question demeure : est-il vraiment responsable et raisonnable d’organiser un apéritif avant une telle soirée ?
Car, selon le même agent, un moment convivial aurait bien eu lieu en présence du maire : « Avant de commencer la soirée, un apéro était organisé par la mairie. J’étais avec M. B——–, M. A——– et Monsieur le Maire. »
Et d’ajouter : « M. X était également présent et commençait à titiller M. B———. […] Le maire est allé lui parler, la situation s’est apaisée et on a continué à prendre l’apéro comme tout le monde. »
Le témoignage du salarié agressé
Contacté par Dijon Actualités, le salarié agressé a souhaité faire preuve de retenue, tout en livrant un témoignage empreint de dignité : « Je vous remercie pour l’attention que vous portez à ma situation et à l’épreuve que j’ai traversée en tant qu’agent de la Ville de Chenôve. À ce jour, justice m’a été rendue. Je souhaite désormais tourner la page et me concentrer pleinement sur ma carrière professionnelle et ma vie familiale. »
L’agent regrette néanmoins le manque de soutien de sa hiérarchie : « Je n’ai, à aucun moment, bénéficié d’un accompagnement de la part de la Ville :
• je n’ai pas eu accès au compte rendu des auditions menées par le Centre de gestion ;
• je ne sais pas si tous les témoins cités ont été entendus ;
• aucun élu ne m’a véritablement soutenu. L’un m’a conseillé de ne pas déposer plainte, un autre m’a orienté vers un dépôt en ligne qui, en réalité, n’était pas valable pour des faits d’une telle gravité. »
Il poursuit : « J’ai dû affronter quotidiennement mon agresseur pendant plusieurs mois, puisqu’il était la première personne que je croisais chaque matin en arrivant sur mon lieu de travail. Il était également souvent le premier agent que le public rencontrait à l’Hôtel de Ville. »
L’homme confie avoir quitté la collectivité sans réel accompagnement : « J’ai dû entreprendre seul les démarches nécessaires pour retrouver un emploi. J’ai bien perçu, d’ailleurs, que mon départ avait été, pour le couple exécutif, une forme de soulagement. »
Et de conclure : « Je garde un souvenir ému de mes collègues qui, ce soir-là, m’ont protégé et ont eu le courage de témoigner malgré le climat que l’on devine. Aujourd’hui, je pense à eux, ainsi qu’à de nombreux agents de la Ville de Chenôve qui n’ont pas eu la même chance que moi de pouvoir rebondir professionnellement. »
