À l’Université de Bourgogne Europe, la colère gronde parmi les étudiants et enseignants des filières d’histoire, d’histoire de l’art, d’archéologie et de géographie. En cause : un projet de réorganisation du service de documentation, dénoncé par le syndicat Solidaires étudiant-e-s Dijon, qui craint une fermeture partielle de la bibliothèque de secteur au profit d’un futur centre de formation à l’intelligence artificielle.
Un projet révélé par les étudiants et le syndicat
L’information a d’abord circulé sous forme de rumeur avant d’être confirmée par la direction du service de documentation. Selon plusieurs étudiants contactés, le projet prévoit de libérer les locaux actuellement occupés par la bibliothèque de secteur pour y aménager des salles dédiées à la formation en intelligence artificielle (IA).
« Nous avons appris que l’université prévoyait de fermer partiellement le service de documentation proposé par la bibliothèque de secteur. C’est une bibliothèque essentielle pour tous les étudiants en histoire, histoire de l’art, archéologie et géographie. Au début, on a cru à une mauvaise blague. Mais la direction nous a confirmé que le projet était bien réel », confie un groupe d’étudiants mobilisés.
Le syndicat Solidaires étudiant-e-s dénonce un projet « délétère » et appelle à la transparence. Selon ses membres, la direction de l’université minimise la portée de la réorganisation.
« On nous affirme que rien n’est acté, mais dans le même temps, on nous parle déjà d’un déménagement organisé avec une entreprise privée. Quand les détails logistiques sont déjà fixés, il devient difficile de croire que la décision n’est pas prise », ironise un représentant du syndicat.
Un tollé parmi les enseignants
La contestation ne s’arrête pas aux bancs de l’amphithéâtre. Du côté des enseignants, la désapprobation est tout aussi vive. Lors du conseil d’UFR Sciences Humaines du 16 octobre, une motion de défiance a été adoptée à l’unanimité, dénonçant à la fois le manque de concertation et le risque de perte d’un outil pédagogique crucial.

Dans ce texte, le conseil rappelle que la bibliothèque en question, partagée entre les UFR de Langues, Lettres-Communication et Sciences Humaines, représente bien plus qu’un simple espace de stockage. « Cette bibliothèque constitue un outil pédagogique indispensable. S’il est possible de la déplacer, il n’est pas concevable de la réduire ou de la détruire sans l’accord des équipes qui l’ont rassemblée », souligne la motion.
Les enseignants s’interrogent aussi sur la pertinence d’un projet scientifique de formation à l’IA implanté au cœur des Sciences humaines, estimant que cette décision relève d’une méconnaissance des besoins disciplinaires et logistiques des filières concernées. « Le conseil d’UFR regrette de ne pas avoir été consulté en amont, et d’être mis devant le fait accompli », peut-on encore lire dans le texte adopté.
Une pétition qui dépasse les 600 signatures
Face à la montée des inquiétudes, les étudiants n’ont pas tardé à s’organiser. Une pétition en ligne a été lancée dès la révélation du projet et a dépassé les 600 signatures en quelques jours. Le message est clair : « Nous nous opposons au déménagement de la bibliothèque et à l’installation d’un centre de formation à l’intelligence artificielle. »
Les signataires estiment que cette transformation pourrait avoir des conséquences dramatiques pour l’apprentissage et la préservation du patrimoine universitaire. « Cet espace est un véritable sanctuaire de savoir et d’histoire, à la fois pour les étudiants et les chercheurs », écrivent-ils dans leur texte de mobilisation.
Une université qui se veut tournée vers l’avenir… au détriment du passé ?
Du côté de la direction de l’Université de Bourgogne, la communication reste prudente. Aucune annonce officielle n’a encore été publiée, mais plusieurs sources internes confirment que le projet s’inscrit dans une volonté de modernisation et d’adaptation aux enjeux du numérique et de l’intelligence artificielle.
Reste que cette volonté de tournant technologique semble se heurter à une forte résistance du corps universitaire, attaché à la préservation de ses espaces d’étude et de mémoire.
Vers un compromis ?
Pour l’heure, la direction n’a pas donné suite aux demandes d’entretien des syndicats ni précisé le calendrier du projet. Le conseil d’UFR Sciences Humaines a demandé qu’en cas de déplacement, la bibliothèque conserve un espace équivalent (354 m²) et que les locaux libérés restent attribués aux UFR Droit-Lettres.
En attendant, étudiants et enseignants promettent de maintenir la pression. Le sujet pourrait bien s’inviter à la prochaine rentrée universitaire si la gouvernance ne fait pas marche arrière. « Nous ne sommes pas contre le progrès, conclut une étudiante signataire de la pétition. Mais pas au prix du savoir et de la mémoire collective. »
Dijon Actualités a pris l’initiative de contacter l’Université de Bourgogne Europe le 31 octobre 2025 (8h19) : « Je me permets de vous solliciter à propos d’un projet de réorganisation du service de documentation, dénoncé par le syndicat Solidaires étudiant-e-s Dijon, qui craint une fermeture partielle de la bibliothèque de secteur au profit d’un futur centre de formation à l’intelligence artificielle. Selon le syndicat, le projet prévoirait de libérer les locaux actuellement occupés par la bibliothèque de secteur afin d’y aménager des salles dédiées à la formation en intelligence artificielle (IA). Pourriez-vous nous confirmer l’existence de ce projet et nous en dire un peu plus à son sujet ? »
À l’heure où nous publions cet article, l’Université de Bourgogne Europe n’avait toujours pas donné suite à nos sollicitations.

