Malgré les progrès médicaux et la prévention, la région reste en retrait par rapport à la moyenne française. Tabac, alcool, maladies cardiovasculaires et inégalités sociales pèsent lourdement sur la santé des habitants.
En Bourgogne-Franche-Comté, vivre longtemps reste un défi plus grand qu’ailleurs en France. Selon les dernières données publiées par l’Insee et l’Observatoire régional de la santé, l’espérance de vie stagne depuis une dizaine d’années et demeure inférieure d’environ un an à la moyenne nationale : 85,0 ans pour les femmes et 79,1 ans pour les hommes en 2024.
Après des décennies d’augmentation continue, la région semble marquer le pas. Les spécialistes y voient le signe d’une transition sanitaire inachevée, où les progrès médicaux se heurtent désormais à de nouveaux fléaux : sédentarité, stress, alimentation déséquilibrée, pollution et canicules répétées.
Des habitants plus souvent malades qu’ailleurs
Le constat est sans appel : les Bourguignons-Francs-Comtois présentent un état de santé globalement moins bon que la moyenne française. À âge et sexe comparables, 6 % de personnes en plus sont prises en charge pour hypertension artérielle, 3 % de plus pour le diabète, et les troubles de l’anxiété et de l’humeur progressent respectivement de 12 % et 11 %.
En 2023, 101 millions de boîtes de médicaments ont été délivrées dans les pharmacies régionales. Les traitements du système nerveux – notamment les antalgiques et antidépresseurs – représentent à eux seuls 38 % des prescriptions. Les pathologies chroniques, plus fréquentes avec l’âge, devraient encore faire grimper ces chiffres : la population des plus de 75 ans augmentera de 30 % d’ici 2040, soit 110 000 habitants supplémentaires.
Une mortalité encore trop forte, surtout avant 75 ans
La région enregistre chaque année environ 31 700 décès, un taux supérieur de 2,8 % à celui observé au niveau national. Les principales causes de décès sont les tumeurs cancéreuses (plus d’un quart des décès), suivies des maladies cardiovasculaires (près de 7 000 décès) et des causes externes (accidents, chutes, suicides).
Mais c’est la mortalité prématurée, avant 75 ans, qui inquiète le plus. Avec 9 350 décès prématurés chaque année, la Bourgogne-Franche-Comté affiche un taux 4,3 % plus élevé que la moyenne française. Les hommes sont deux fois plus touchés que les femmes.
Cette surmortalité s’explique par une situation sociale plus défavorisée : 55 % des adultes de la région sont ouvriers ou employés, contre 50 % en France. Or, l’espérance de vie des ouvriers est inférieure de 2 à 5 ans à celle des cadres. Les différences de conditions de vie, d’alimentation, de recours aux soins et d’exposition au tabac ou à l’alcool pèsent directement sur la santé.
Nièvre et Yonne, les départements les plus touchés
Les inégalités sont particulièrement marquées entre territoires. Dans la Nièvre et l’Yonne, la mortalité prématurée est significativement plus élevée, notamment pour les maladies cardiovasculaires et les causes externes. Les contextes socio-économiques fragiles y jouent un rôle déterminant :
- taux de pauvreté plus élevé,
- moins de pratique sportive,
- 20 % de médecins généralistes en moins qu’en moyenne nationale.
Résultat : les habitants consultent jusqu’à 18 % moins souvent un médecin. Des maladies chroniques restent ainsi non dépistées ou mal suivies, aggravant les risques de décès prématuré.
Tabac et alcool : deux fléaux toujours meurtriers
Le tabac et l’alcool continuent d’alimenter une part importante de la mortalité régionale. Entre 2018 et 2022, le tabagisme a causé 2 060 décès prématurés par an, soit une mortalité 11 % plus élevée que la moyenne française. L’alcool, lui, en a causé 1 120, soit un taux supérieur de 16 %.
Le tabagisme quotidien concerne 27 % des 18-75 ans, contre 25 % à l’échelle nationale. Mais les efforts de prévention commencent à produire des effets : les ventes de tabac ont chuté de 35 % entre 2018 et 2023, et les substituts nicotiniques sont désormais massivement utilisés, avec 252 700 boîtes délivrées en 2023, soit 18 fois plus qu’en 2016.
Le vapotage, encore peu répandu (3 % des habitants), séduit de plus en plus les jeunes, mais n’est pas sans risque.
« Le vapotage reste un outil de sevrage utile, mais il entretient une forme d’addiction », rappelle l’Observatoire régional de la santé.
Des progrès notables grâce à la prévention
Malgré tout, la prévention sauve des vies. En quinze ans, la mortalité prématurée a reculé de 19 % en Bourgogne-Franche-Comté, à un rythme comparable à la moyenne nationale. Les campagnes de dépistage portent leurs fruits : 49 % des 50-74 ans participent au dépistage du cancer colorectal et 60 % des femmes au dépistage du cancer du sein. Au total, 57 % des décès prématurés sont considérés comme évitables, dont 39 % grâce à la prévention (tabac, alcool, accidents) et 18 % grâce à des soins plus précoces.
Un avenir sous tension sanitaire
Le vieillissement rapide de la population, les inégalités territoriales et la hausse des maladies chroniques font peser de lourdes menaces sur le système de santé régional. L’accès aux médecins généralistes et aux spécialistes se dégrade, alors même que la demande en soins va exploser.
Sans un renforcement de la prévention, une meilleure répartition des professionnels de santé et un accompagnement social renforcé, la Bourgogne-Franche-Comté pourrait voir son espérance de vie reculer dans les années à venir.
Car derrière les chiffres, se dessine un message clair : la santé reste inégalement partagée selon les territoires et les milieux sociaux. Et sans action forte, ces inégalités risquent de s’enraciner.
