Une profonde inquiétude traverse la viticulture française après le retrait, au cours de l’été 2025, de plusieurs produits à base de cuivre utilisés dans la lutte contre le mildiou. Ces retraits résultent du fait que certains fabricants n’ont pas transmis dans les délais les études requises par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES), concernant notamment l’évaluation des risques liés à ces usages.
Le cuivre est pourtant présenté par les organisations professionnelles comme la « molécule naturelle la plus répandue » dans la protection des vignobles contre cette maladie cryptogamique qui peut provoquer des pertes sévères de récolte. Deux produits seulement ont été ré-autorisés, mais dans des conditions d’utilisation qui ne correspondent pas aux besoins du terrain, selon les organisations représentatives de la filière viticole.
Un agent de protection indispensable, en particulier pour la viticulture biologique
Le mildiou est l’une des maladies les plus redoutées en viticulture. Son développement est favorisé par l’humidité et les épisodes orageux. La viticulture biologique, qui renonce aux fongicides de synthèse, ne dispose aujourd’hui que du cuivre pour protéger les vignes contre ce pathogène. Cela rend la possibilité d’ajuster finement les doses et les fréquences de traitement essentielle.
Le vigneron bio Pascal Doquet, référent cuivre à la FNAB, souligne que la lutte contre le mildiou requiert de la souplesse d’utilisation, capable de s’adapter à la météo. Il rappelle qu’en pratique, les viticulteurs bio peuvent intervenir à 200 à 250 g de cuivre par hectare, mais que lors d’épisodes orageux répétés, un traitement tous les trois jours peut être nécessaire. À l’inverse, les conditions de ré-autorisation imposées aujourd’hui ne permettent que 400 g par hectare tous les sept jours, ce qui, selon lui, ne permettra pas un contrôle efficace de la maladie.
Cette rigidification intervient alors même que la réglementation européenne limite déjà l’usage du cuivre à 4 kg par hectare et par an, avec possibilité d’adaptation selon les conditions des millésimes. La filière souligne que cette flexibilité n’est désormais plus permise dans le cadre défini par l’ANSES.
Des conséquences redoutées pour 58 000 exploitations
Les organisations professionnelles avertissent que 58 000 exploitations viticoles françaises pourraient se retrouver en difficulté dès le prochain printemps, si des solutions ne sont pas trouvées. Les 12 000 exploitations engagées en agriculture biologique, qui ne recourent pas aux produits phytosanitaires de synthèse, seraient particulièrement exposées.
La filière demande donc qu’une nouvelle série d’études soit rapidement engagée. Celles-ci devront notamment porter sur :
- l’évaluation du risque pour les pollinisateurs, selon des méthodes actualisées,
- l’évaluation du risque pour la santé humaine,
- et la possibilité d’utiliser jusqu’à 6 kg de cuivre par hectare certaines années, tout en conservant une moyenne de 4 kg sur 7 ans, comme le permet le cadre européen.
Des demandes de dérogations immédiates
En attendant les résultats de ces études, les syndicats viticoles demandent des mesures temporaires, notamment :
- la possibilité de traiter le soir, lors de la floraison, dans le respect de l’arrêté « abeilles »,
- ainsi que la reconduction de la règle de lissage des doses sur plusieurs années, comme le permet le droit européen actuel.
Selon Anthony Brun, président de la Commission Durabilité-Environnement de la CNAOC, la filière viticole souhaite que l’État reconnaisse les efforts réalisés dans la transition écologique, rappelant que le cuivre « reste la seule alternative pour se protéger du mildiou ». Il souligne également l’incompréhension de la filière, alors que l’Union européenne a décidé de prolonger l’homologation du cuivre jusqu’en 2029, quand la France applique des restrictions supplémentaires.
Un risque de désavantage compétitif en Europe
La filière craint que les vignobles français ne se retrouvent dans une situation défavorable face à leurs voisins européens, pouvant utiliser le cuivre selon des modalités plus souples. Cette différence de cadre réglementaire pourrait affecter les rendements, la qualité des récoltes, et la stabilité économique des exploitations.
La FNAB, la CNAOC et France Vin Bio demandent une action concertée entre les ministères concernés, les instituts techniques et les fabricants, afin de débloquer la situation dans les prochains mois. Sans cela, la campagne 2026 pourrait être marquée par des pertes de production significatives.
