C’est une décision rare, grave, et qui en dit long sur le climat interne. Pour la première fois depuis plus de dix ans, aucun personnel éducatif du collège Boris-Vian ne siégera cette année au Conseil d’administration. Une annonce faite ce lundi 17 novembre par les anciens élus de la liste d’union CGT Éduc’Action – SNES-FSU, qui dénoncent « un mépris institutionnel » et « un simulacre de concertation ».
Cette prise de position intervient dans la continuité des tensions qui agitent l’établissement depuis le printemps dernier, autour de la fermeture d’une classe de sixième.
Une rupture de confiance avec l’institution
Tout commence en janvier, lorsque le rectorat transmet la dotation horaire globale, servant de base à l’organisation pédagogique du collège. Sur ces éléments, le Conseil d’administration et le Conseil pédagogique élaborent collectivement une répartition « équilibrée et cohérente », validée en séance.
Mais le 23 juin, à deux semaines des congés, la nouvelle tombe : la suppression d’une quatrième classe de sixième. Une décision unilatérale, sans préavis, qui annule des mois de travail et choque enseignants comme parents.
Dès lors, tracts, affiches et rassemblements s’enchaînent, jusqu’à l’obtention d’un entretien avec David Müller, directeur académique des services départementaux de l’Éducation nationale.
Des chiffres « utilisés à géométrie variable »
Pour justifier la fermeture de la classe, l’administration avance un chiffre : 88 élèves prévus en sixième, trop peu pour quatre divisions. Avec un plafond fixé à 30 élèves par classe, trois sections « suffiraient ».
Mais les représentants des personnels rappellent que ce raisonnement purement comptable ignore la très forte mixité sociale et les écarts d’IPS au sein du collège. Des classes à 30, affirment-ils, « rendent la prise en charge des élèves en grande difficulté quasi impossible ».
Plus grave encore selon eux : le rectorat ne s’applique pas sa propre logique. M. Müller aurait indiqué un prévisionnel de 93 élèves en cinquième pour la rentrée. Un effectif qui, selon le même calcul, aurait nécessité quatre classes de cinquième. Pourtant, en novembre 2025, les trois classes actuelles comptent chacune 30 élèves, et au moins trois enfants nouvellement arrivés sur le secteur ont dû être refusés faute de place.
« Les chiffres servent d’argument quand cela arrange, mais ne sont plus suivis lorsqu’il s’agit de garantir des conditions d’apprentissage décentes », dénoncent les anciens élus, parlant de « mensonge institutionnel ».
Des alertes ignorées, jusqu’aux élus locaux
La contestation a dépassé les murs du collège. Le conseil municipal de Talant avait voté à l’unanimité une motion demandant le maintien de la classe supprimée. Un signal politique fort… qui est resté sans réponse. À l’interne, la défiance s’est aggravée au fil des mois :
- absence de bilan de la vie scolaire présenté au CA « depuis des années » ;
- répartition des heures PACTE jugée opaque et déconnectée du projet d’établissement ;
- distribution des heures supplémentaires (HSE) sans « cohérence pédagogique » ;
- décisions prises « ailleurs », avant même les débats.
Les anciens représentants affirment avoir tenté, durant plus de cinq ans, de « préserver un fonctionnement collectif ».
Mais ils estiment désormais ne plus pouvoir cautionner « la façade d’une concertation morte ».
Un geste symbolique, reflet d’une crise nationale
Dans leur communiqué, les personnels soulignent que la situation de Talant n’est pas isolée : manque d’enseignants, multiplication des réformes imposées, PACTE transformant « des missions collectives en contrats individuels », et sentiment d’être déconsidérés.
« Ce qui s’éteint ici, c’est la confiance dans l’institution », alertent-ils, accusant l’Éducation nationale d’adopter une logique « purement financière », loin de son rôle d’ascenseur social.
Un engagement maintenu auprès des élèves
S’ils refusent désormais de siéger au CA, les personnels concernés assurent qu’ils resteront pleinement investis auprès des collégiens. « Ce temps sera réinvesti directement auprès des élèves, là où notre présence a un sens concret », concluent-ils, tout en appelant parents, citoyens et élus à mesurer la gravité de la crise.
