Le réseau régional des acteurs de l’habitat de Bourgogne-Franche-Comté s’est réuni le vendredi 21 novembre 2025 afin d’aborder un enjeu majeur : « la réforme de la demande et des attributions de logements sociaux ». Organisée par l’USHBFC, avec le soutien de la Banque des Territoires, cette rencontre a rassemblé élus, bailleurs sociaux et acteurs institutionnels de toute la région.
Un contexte tendu pour les organismes HLM
Si le sujet des attributions de logements sociaux prend aujourd’hui une telle importance en Bourgogne-Franche-Comté, c’est parce que les bailleurs sociaux évoluent dans un contexte particulièrement tendu, marqué par un cumul de difficultés structurelles et conjoncturelles. C’est ce qu’a rappelé longuement François-Xavier Dugourd, président de l’Union sociale pour l’habitat BFC, en ouvrant la rencontre.
Dès ses premiers mots, il souligne l’enjeu de cette troisième édition des rencontres régionales : « Pour cette rencontre annuelle qui est effectivement la troisième édition, sur le thème de la réforme de la demande des attributions et des attributions de logements sociaux et les dynamiques qui sont à l’œuvre dans notre région. »
L’intervention du président de l’USH BFC s’inscrit dans un paysage national marqué par une crise du logement sans précédent. Les difficultés sont multiples : chute de la construction neuve, pression croissante sur la demande, coûts de gestion en hausse et marges financières en recul. Il résume ce déséquilibre en une phrase lourde de sens : « La baisse de la production de logements sociaux sur l’ensemble du territoire national et parallèlement l’augmentation très sensible des demandes de logements sociaux… la diminution de nos marges de manœuvre financière pose de vraies interrogations pour l’avenir. »

Un constat qui rejoint les observations des acteurs du secteur : les financements sont sous tension alors que les ménages en difficulté sont toujours plus nombreux à solliciter un logement à loyer modéré.
Dans ce contexte, c’est tout le processus d’attribution qui est repensé pour répondre à une demande très élevée. François-Xavier Dugourd insiste sur la nécessité de maîtriser le parcours des demandeurs : « Il concerne et implique notre capacité à tous ensemble de fluidifier la gestion de la demande de logements, mieux la qualifier et surtout mieux y répondre à un moment où justement cette demande n’a jamais été aussi élevée en Bourgogne-Franche-Comté. »
Pour les organismes HLM, l’enjeu est aussi de rester fidèles aux valeurs fondamentales qui structurent leur action depuis des décennies : « Transparence, équité mais aussi efficacité… notamment diminuer le taux de vacance qui est pour nous aujourd’hui tous ensemble un objectif essentiel. »
La réduction de la vacance locative constitue en effet un levier essentiel : chaque logement non occupé représente une perte financière pour l’organisme, mais surtout un logement qui ne bénéficie pas à un ménage en attente.
Enfin, le président de l’USH BFC a valorisé un outil central pour optimiser la gestion des demandes : le fichier partagé, désormais déployé dans la quasi-totalité de la région. « Ces fichiers partagés sont effectivement un atout indéniable dans la mise en œuvre de ces réformes. » Ce système permet une vision commune, plus précise et plus équitable des demandes, limitant les doublons et accélérant le traitement.
Ainsi, dans un environnement où la demande explose et où les financements se contractent, les bailleurs sociaux doivent moderniser leurs pratiques, renforcer la coopération territoriale et s’appuyer sur des outils technologiques mieux partagés. L’intervention de François-Xavier Dugourd illustre bien la tension actuelle : une pression forte, mais aussi une volonté collective de trouver des réponses adaptées et de maintenir un service public du logement efficace.
Dijon Métropole face à 12 126 demandes en attente
Représentant la Métropole de Dijon, Nuray Akpinar-Istiquam, 8e adjointe au maire déléguée au Logement et à la Politique de la Ville, a dressé un constat clair : la demande explose. Elle a rappelé l’ampleur des besoins : « Actuellement nous avons 12 126 demandes de logements à loyers modérés qui sont en attente sur le territoire métropolitain. » Un chiffre qui révèle, selon elle, une réalité sociale préoccupante : « Derrière ce nombre, ce sont des familles, des personnes seules, des jeunes, des retraités, parfois plongés dans des situations de grande précarité. »
L’élue a également salué la qualité du partenariat local : « Nous avons réellement une grande chance sur le territoire. C’est que les partenaires… vous travaillez très bien ensemble et ce depuis de très nombreuses années. »

Elle a mis en avant les avancées permises par le fichier partagé de la Côte-d’Or, pionnier régional : « Cette base commune… permet d’alléger les démarches, de renforcer la transparence et de mutualiser l’information entre tous les partenaires. »
Mais malgré ces outils, la tension reste élevée : « À fin octobre 2025, uniquement 2500 attributions ont été réalisées, avec des délais moyens qui atteignent 13 mois pour un T2 à Dijon et jusqu’à 18 mois pour les grandes typologies. »
Qui demande un logement social en Bourgogne-Franche-Comté ?
En Bourgogne-Franche-Comté, le profil des demandeurs de logements sociaux au 31 décembre 2024 reflète une population diverse mais fortement marquée par la précarité et l’instabilité résidentielle. Près de la moitié des demandes émanent de personnes seules (46 %), suivies des familles monoparentales (28 %), tandis que les couples avec enfant et sans enfant représentent respectivement 15 % et 8 %. Les actifs constituent la majorité des demandeurs (42 %), mais 13 % sont au chômage, 13 % à la retraite et 3 % étudiants, révélant une diversité de situations face au logement.
Les 25-49 ans sont les plus représentés (56 %), devant les 50-64 ans (22 %), les 65 ans et plus (13 %) et les moins de 25 ans (10 %). Avant leur demande, 39 % étaient déjà locataires du parc social, 24 % du parc privé, 20 % hébergés chez un tiers et 6 % en structure d’hébergement. Enfin, la demande se concentre principalement sur les T2 (32 %) et les T3 (31 %), tandis que les T1, T4 et T5+ restent plus minoritaires.
Anne Schwerdorffer, directrice de l’USH BFC et de l’Association régionale d’études pour l’habitat (Areha) Est, nous explique pourquoi il y a aujourd’hui autant de demandes de logements en attente.
Comment expliquez-vous la situation actuelle ?
Anne Schwerdorffer : « L’évolution des ménages et les parcours, séparation, recomposition familiale, décohabitation parents/enfants, mise en ménage, mais aussi avancée dans le grand âge qui nécessite d’avoir un logement plus adapté, plus petit et proche de services, … autant d’événements de la vie qui poussent ces publics à formuler une demande de logement, qui devient de plus en plus importante. Mais en face les attributions diminuent car les crises successives (énergies, baisse du pouvoir d’achat, hausse du coût des travaux couplée à la baisse des moyens financiers des bailleurs sociaux) font que, d’une part, les locataires restent dans leur logement plus longtemps et d’autre part la construction de logement n’est pas aujourd’hui à la hauteur des besoins ».
Quelles seraient, selon vous, les solutions pour débloquer la situation ? Anne Schwerdorffer : « Redonner des marges de manœuvre aux bailleurs mais aussi aux collectivités. Nous sommes actuellement dans une incertitude budgétaire ».
L’USH BFC représente aujourd’hui combien de bailleurs sociaux en Bourgogne-Franche-Comté ? Anne Schwerdorffer rappelle que l’Union regroupe « 21 bailleurs sociaux et 29 adhérents au total ».
Cette rencontre régionale confirme un constat unanime : face à une demande croissante et à une offre qui ne parvient plus à suivre, la coordination entre tous les acteurs — bailleurs, collectivités, services de l’État et partenaires institutionnels — est plus que jamais indispensable pour garantir un accès équitable au logement social en Bourgogne-Franche-Comté. Mais cette mobilisation collective, aussi solide soit-elle, ne peut suffire si l’État ne prend pas pleinement sa part de responsabilité.
Car les bailleurs sociaux, aujourd’hui, se retrouvent dans des situations particulièrement compliquées, aussi bien sur le plan financier que dans leur capacité à offrir ce qui devrait être un droit fondamental : un logement pour toutes celles et ceux qui peuvent prétendre à ce droit. Entre la hausse des demandes, les contraintes budgétaires grandissantes et la nécessité d’entretenir ou de produire des logements de qualité, ils se trouvent au cœur d’un équilibre fragile. Leur action, essentielle au bon fonctionnement du service public du logement, ne pourra perdurer qu’avec un soutien renforcé, clair et durable de l’État, afin que chaque ménage de la région puisse réellement trouver sa place dans un parcours résidentiel digne et sécurisé.






