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La maire de Dijon, Nathalie Koenders, a donné hier soir le coup d’envoi de la première réunion publique de présentation du budget municipal. Une séquence toujours attendue, mais qui, cette année, revêt une dimension particulière : les élections municipales auront lieu dans un peu plus de trois mois, en mars prochain. Consciente du contexte politique sensible et du cadre juridique strict de la pré-campagne, la maire a décidé d’avancer ces rencontres afin d’éviter toute contestation ou risque d’irrégularité. Trois réunions publiques sont ainsi programmées avant même le vote du rapport d’orientations budgétaires, prévu le 15 décembre.
Mais cette première rencontre, censée poser calmement les bases du futur budget, a rapidement été rattrapée par la campagne qui s’installe.
Une réunion sous haute vigilance juridique
Plus de 150 habitants se sont déplacés ce mardi 2 décembre 2025 au gymnase des Bourroches. Dès l’accueil, l’ambiance donnait le ton : pas de verre de l’amitié, pas de moment convivial avant ou après la présentation. L’avocat de la Ville avait recommandé de supprimer toute forme de collation afin d’éviter qu’un geste considéré comme habituel en temps normal ne soit interprété comme un avantage offert aux électeurs.
La maire, entourée d’une grande partie de la majorité municipale, a ouvert la séance par un hommage aux « agents qui ont le service public chevillé au corps » ainsi qu’aux bénévoles du centre social voisin. Un préambule consensuel, avant d’entrer dans un exercice plus technique : la présentation d’un budget 2026 encore en construction, dans un contexte national et international jugé instable.
Elle a décrit une « situation mondiale marquée par le bras de fer des grandes puissances », et critiqué une loi de finances « ballottée entre le gouvernement et le Parlement », rendant les projections budgétaires particulièrement incertaines. S’exprimant « au nom des maires de France », elle a dénoncé « un effort budgétaire disproportionné demandé aux collectivités » et regretté que Dijon demeure « une ville sous-dotée », recevant « dix millions d’euros de moins que les villes comparables ».
Un budget présenté comme solide malgré les contraintes
Malgré les inquiétudes exprimées, l’exécutif assure que la situation financière de Dijon reste « solide ». Nathalie Koenders s’est appuyée sur le récent avis de la chambre régionale des comptes concernant l’exercice 2025, jugé satisfaisant, pour défendre la stratégie budgétaire actuelle.
Elle a notamment insisté sur plusieurs éléments clés :
- la poursuite du désendettement, amorcée depuis plusieurs années,
- une capacité de remboursement « qui s’améliore »,
- une épargne brute qualifiée de « stable et suffisante »,
- la stabilité de la taxe foncière depuis dix ans,
- un niveau d’investissement soutenu,
- le renforcement de certains services, dont la police municipale.
Pour 2026, six grandes priorités ont été annoncées : l’amélioration du quotidien, la tranquillité publique, la transition énergétique, la solidarité, l’attractivité du territoire — avec notamment des travaux à Saint-Bénigne et au parc des expositions — et l’embellissement des espaces publics.
Le budget primitif pourrait avoisiner 280 millions d’euros, dont 55 à 60 millions d’investissements. « Les emprunts financent uniquement l’investissement, contrairement à l’État qui emprunte pour son fonctionnement », a glissé la maire, reprenant un argument souvent mobilisé par les collectivités pour justifier leurs choix.

Quand les questions du public révèlent les lignes de fracture politiques
Jusqu’à l’ouverture du micro, l’ambiance était restée sereine. Mais l’exercice a basculé dès les premières interventions du public. Dans la salle, plusieurs militants du mouvement citoyen Dijon Avenir — nouvelle force engagée dans la course municipale — avaient pris place. Leur présence, en soi, n’avait rien d’exceptionnel. Leur prise de parole, en revanche, a immédiatement déplacé l’équilibre de la réunion.
La première intervention portait sur la « crise climatique ». Avant de répondre, Nathalie Koenders a rappelé avec insistance le cadre : « pas de propagande, pas de bilan ». Elle a toutefois défendu une « écologie pragmatique », citant le projet européen Response, déployé à la Fontaine d’Ouche, comme exemple concret d’innovation permettant de réduire les factures des habitants.
Mais c’est la seconde intervention qui a fait monter la tension. Cette fois, il ne s’agissait plus d’une question, mais d’un exposé détaillé, très structuré, sur la performance énergétique du parc immobilier dijonnais. Le militant a avancé que 28 % des logements — soit environ 28 000 habitations — seraient classés en étiquettes E, F ou G, les fameuses « passoires thermiques ». Il a accusé la municipalité de ne financer que « 90 rénovations par an pour moins de 500 000 euros », affirmant que « à ce rythme, il faudra 300 ans pour rénover ».
Il a même proposé d’augmenter par dix les aides municipales, pour atteindre 5 millions d’euros, financés selon lui par des redéploiements au détriment des budgets liés à l’attractivité territoriale. En conclusion, il a revendiqué parler au nom de Dijon Avenir et annoncé un futur « plan logement pour tous ». Une intervention longue, très politique, qui a crispé la maire.
La maire met fin à la réunion
Estimant que la réunion était détournée à des fins de campagne, Nathalie Koenders a interrompu l’intervenant avant d’annoncer la fin de la séance. La décision a suscité à la fois des applaudissements et un certain malaise dans l’assistance. « Des habitants sont venus pour écouter la présentation du budget. Cette réunion est pour eux, pas pour faire de la politique. Je suis désolée pour ceux qui avaient de vraies questions », a-t-elle déclaré.
Plusieurs participants ont quitté la salle, déçus par la tournure prise par les échanges, tandis que d’autres se sont approchés de la maire pour lui poser directement leurs questions. Dans le gymnase des Bourroches, un sentiment d’amertume s’est installé : les deux premières — et seules — interventions avaient été monopolisées par des militants de Dijon Avenir, ce qui a empêché nombre d’habitants d’exprimer leurs préoccupations concrètes. Beaucoup ont regretté de ne pas avoir pu s’exprimer librement.
Le mouvement Dijon Avenir, dans un communiqué diffusé dans la soirée, a dénoncé une décision « injustifiée » et accusé la maire d’être « elle-même déjà en campagne ». Pour eux, il est légitime que les listes en présence puissent confronter leurs visions, d’autant que ces réunions se tiennent avant même le vote du budget.
Un avant-goût d’une campagne municipale qui s’annonce électrique
La prochaine réunion publique du budget aura lieu ce jeudi 4 décembre à la salle Devosge. Reste à savoir si elle se déroulera dans un climat plus apaisé ou si elle sera, elle aussi, rattrapée par la dynamique électorale. Une chose est certaine : la campagne municipale est désormais pleinement lancée, et la frontière entre information budgétaire et confrontation politique risque de s’avérer difficile à maintenir. À nos lecteurs et lectrices désormais de se faire leur propre opinion : les interventions politiques lors d’une réunion publique étaient-elles légitimes ? Était-ce le bon endroit, le bon moment ?












