La Ville de Dijon et son Centre communal d’action sociale (CCAS) organisent, jeudi 11 décembre, de 17h30 à 20h30 à la salle Devosge, la troisième édition de « Lumières sur la rue », un rendez-vous devenu incontournable pour sensibiliser le grand public aux réalités du sans-abrisme. Cette année, l’événement place au cœur de ses échanges un sujet encore largement méconnu : la vie des femmes à la rue, trop souvent invisibilisée ou passée sous silence.
Une situation alarmante, longtemps sous-estimée
Si le phénomène du sans-abrisme est ancien, son ampleur continue malheureusement de croître. D’après le rapport d’information du Sénat « Femmes sans abri, la face cachée de la rue » publié en 2024, la France compte près de 330 000 personnes sans domicile, dont 40 % de femmes. Parmi elles, environ 30 000 vivent totalement sans abri, contraintes de dormir dans la rue ou dans des lieux de fortune. Chaque soir, près de 3 000 femmes passent ainsi la nuit dehors, confrontées à un danger permanent.
La Ville de Dijon rappelle que ces réalités, loin d’être exceptionnelles, doivent être comprises pour mieux être combattues. C’est pourquoi la municipalité et son CCAS affirment renforcer leurs actions de prévention et d’accompagnement, avec un engagement financier significatif : 600 000 euros seront consacrés en 2025 au soutien des structures luttant contre l’exclusion.
Femmes à la rue : entre invisibilité, danger et résilience
Le thème choisi pour cette édition – « Les femmes en rue, invisibles ou hors de vue ? » – reflète l’enjeu principal de cette rencontre : rendre visibles celles qui, pour survivre, se cachent. Car la rue expose particulièrement les femmes à des violences multiples. Beaucoup ont fui un domicile conjugal devenu dangereux, et se retrouvent pourtant confrontées à d’autres formes de violences dans l’espace public. Pour tenter de s’en protéger, certaines adoptent des stratégies d’invisibilisation : éviter les lieux éclairés, masquer leur identité, se faire oublier.
Malgré cela, leur vulnérabilité demeure immense. À travers témoignages, expertise et discussions, « Lumières sur la rue » ambitionne de briser cette omerta et de faire émerger des solutions adaptées.
Un programme fort, mêlant témoignages, analyse et engagement
La soirée s’ouvrira par un extrait du spectacle « Des quais à la scène », interprété par Élina Dumont, comédienne ayant elle-même vécu plusieurs années dans la rue. Son expérience, à la fois douloureuse et porteuse d’espoir, apporte une dimension humaine essentielle aux débats.
Deux tables rondes rythmeront ensuite l’événement :
1. « Être une femme sans abri : la violence avec ou sans domicile »
Avec :
- Marie Loison, maîtresse de conférences en sociologie à la Sorbonne
- Élina Dumont, comédienne, auteure, militante
- Sandrine, actuellement hébergée en centre d’hébergement et d’insertion sociale (CHRS)
Cette première discussion reviendra sur les mécanismes de violence spécifiques auxquels sont confrontées les femmes, qu’elles disposent ou non d’un lieu d’hébergement. Elle éclairera notamment le paradoxe d’un domicile parfois aussi dangereux que la rue, et les trajectoires de vie qui conduisent au non-recours à l’hébergement.
2. « Comment prendre en charge le sans-abrisme au féminin ? »
Avec les professionnels :
- du PAS (programme de sortie de prostitution)
- du CAARUD (addictions)
- du CHRS Sadi Carnot
- de l’accueil de jour ACOR
- de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS)
- de la coordonnatrice du SIAO/115
Cette table ronde abordera les solutions existantes et les manques encore criants dans la prise en charge des femmes en situation d’errance : hébergement sécurisé, accompagnement spécialisé, accès aux soins, protection contre les violences, accompagnement à la reconstruction personnelle et professionnelle.
Un espace d’échanges et d’engagement citoyen
Tout au long de la soirée, le public pourra aller à la rencontre d’une dizaine d’acteurs locaux engagés dans la lutte contre la grande précarité : SIAO/115, Adefo, Sdat, Sedap, Croix-Rouge, CIDFF, Maison des femmes du CHU Dijon Bourgogne, entre autres.
Leur présence permettra d’informer sur les dispositifs d’urgence, l’accompagnement social, les parcours d’insertion, mais aussi sur les possibilités d’engagement bénévole. La Ville mettra notamment en avant la Nuit de la Solidarité, programmée le 22 janvier 2026, durant laquelle des citoyens volontaires iront à la rencontre des personnes sans abri pour mieux connaître leurs besoins et affiner les politiques publiques.
Briser le silence pour bâtir des solutions
En organisant pour la troisième année cette initiative solidaire, la Ville de Dijon souhaite non seulement sensibiliser, mais aussi impliquer la population dans un combat collectif. Donner la parole aux premières concernées, croiser les expertises, proposer des pistes d’action : telle est l’ambition de « Lumières sur la rue ».
Face à la montée du sans-abrisme, particulièrement chez les femmes, l’enjeu n’est plus seulement d’agir, mais d’agir avec celles et ceux qui vivent la rue et ceux qui les accompagnent. Une manière de rappeler que, derrière les chiffres, il y a des visages, des histoires, et une urgence qui ne saurait être ignorée.
