Un terrain arboré de deux hectares situé au nord de Dijon pourrait prochainement être vendu pour accueillir le futur siège du Groupe ID’EES. La délibération, soumise ce lundi au conseil municipal, provoque une vive polémique. L’association citoyenne Dijon Avenir accuse la maire, Nathalie Koenders, de renier son engagement de préserver les espaces de pleine terre, pris quelques mois plus tôt.
Un terrain laissé à l’évolution naturelle depuis près de quarante ans
La parcelle concernée, propriété de la Ville depuis 1988, se trouve à l’angle des rues de Colchide et Simone-de-Beauvoir, à proximité du Zénith. Initialement agricole, elle s’est transformée au fil des ans en un couvert forestier spontané.
Acacias, merisiers, érables sycomore, frênes, ainsi que de nombreux arbustes colonisent aujourd’hui les talus et le cœur du terrain. Dijon Avenir y voit un « refuge de biodiversité ordinaire, remarquable en zone urbaine ».
Le collectif affirme avoir recensé une vingtaine d’espèces de papillons, dont certaines menacées, comme l’Hespérie des sanguisorbes ou le Flambé, observé au printemps 2025. Il publie également une liste de 22 espèces d’oiseaux nicheurs, parmi lesquelles le faucon crécerelle ou le geai des chênes.
La Ville a commandé un diagnostic écologique dont les conclusions n’ont pas été rendues publiques. Dijon Avenir en demande la diffusion avant tout vote.
Un engagement municipal remis en question
En mars 2025, à la suite de l’annulation d’un permis de construire sur les berges du Suzon, Nathalie Koenders déclarait : « Nous construirons désormais en préservant les grands espaces de pleine terre que nous aurons identifiés. » Pour Dijon Avenir, la cession du terrain de Colchide constitue une rupture nette de cet engagement.
Le projet présenté au conseil municipal prévoit en effet la vente de 20 000 m² — soit un peu plus de la moitié du terrain — au Groupe ID’EES, pour y construire 6 150 m² de locaux : ateliers, bureaux, stockage et cuisine centrale. Le coefficient d’occupation du sol atteindrait 0,31.
« Promesse non tenue », dénonce l’association, qui rappelle que les espaces de pleine terre sont devenus rares à Dijon et devraient, selon elle, être strictement protégés.
Le Groupe ID’EES, un besoin d’espace buté sur les contraintes écologiques
Implanté aujourd’hui sur trois sites à Chenôve, le Groupe ID’EES, acteur majeur de l’insertion professionnelle, explique que ses locaux sont devenus trop exigus et inadaptés. L’entreprise emploie près de 500 personnes dans l’agglomération.
La Ville estime que l’opération permettrait d’accompagner son développement économique.
Mais Dijon Avenir juge que d’autres solutions auraient pu être envisagées. L’association souligne que l’Observatoire IMDEX recense, sur le seul secteur Dijon Sud, 4 700 m² de bureaux et 30 000 m² de locaux d’activités vacants. Elle affirme également avoir identifié plusieurs bâtiments disponibles, dont celui de la concession Mercedes Chopard, située à moins de 200 mètres du site principal actuel d’ID’EES et libérable en 2026.
Pour ses membres, la construction d’un bâtiment neuf « consommerait des ressources fossiles et minérales » sans nécessité absolue, en contradiction avec les principes prônés par l’urbaniste Nicolas Michelin, qui appelle à « ne plus artificialiser, ne plus creuser, ne plus démolir ».
L’association met aussi en garde contre un possible effet domino : le départ d’ID’EES de Chenôve pourrait fragiliser la commune, déjà confrontée à la vacance de locaux industriels.
Une alternative proposée : un potager agroforestier collectif
Plutôt que d’urbaniser le site, Dijon Avenir défend une autre vision : transformer la parcelle en potager agroforestier, ouvert aux habitants.
Selon l’association, les besoins sont réels : des dizaines de Dijonnais sont inscrits sur liste d’attente pour obtenir une parcelle de jardin. L’espace boisé existant formerait un îlot de fraîcheur tout en permettant l’installation de cultures maraîchères sous couvert arboré, associées à un verger d’arbres fruitiers locaux.
Le collectif rappelle que la proximité immédiate des jardins familiaux de Stalingrad — 82 parcelles — témoigne de l’intérêt des habitants pour ce type d’espaces.
Un débat à forte portée politique
Dijon Avenir demande le retrait du dossier avant le vote du conseil municipal. Sans cela, l’association prévient que la majorité municipale devra assumer la « responsabilité de la bétonisation » de cet espace. À trois mois des élections municipales, l’affaire pourrait devenir un sujet de campagne. La préservation des sols urbains, l’autonomie alimentaire, la gestion des friches et l’étalement des activités économiques s’imposent progressivement comme des thèmes centraux du débat dijonnais. Le vote attendu ce lundi pourrait bien en donner un avant-goût.
D. Bernard
