Réuni ce lundi, le Conseil d’administration de l’Université Bourgogne Europe (UBE) a adopté à l’unanimité une motion d’alerte dénonçant la dégradation préoccupante de la situation de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR). En ligne de mire : les récentes déclarations et décisions du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Espace, mais aussi un projet de budget jugé incompatible avec les missions des universités.
Dans ce texte solennel, les administrateurs de l’UBE expriment leur « vive préoccupation » face à ce qu’ils considèrent comme des atteintes répétées aux principes fondamentaux qui régissent l’ESR : liberté académique, indépendance de la recherche, rigueur scientifique et sincérité budgétaire.
Une liberté académique jugée fragilisée
Parmi les points de crispation figure l’annulation, en novembre dernier, d’un colloque scientifique intitulé « La Palestine et l’Europe : dynamiques contemporaines », initialement prévu au Collège de France. Selon le Conseil d’administration de l’UBE, cette décision, intervenue sous pression, constitue un signal alarmant pour la communauté universitaire. « Le ministère devrait être le garant de l’indépendance de la recherche », rappelle la motion, qui voit dans cet épisode une remise en cause directe de la liberté académique, pilier du service public de l’enseignement supérieur.
Des engagements financiers remis en cause
Autre source majeure d’inquiétude : la question des rémunérations et des carrières. Le ministre a récemment indiqué que les étapes de revalorisation indemnitaire prévues par la loi de programmation de la recherche et par l’accord signé en 2020 ne pourraient pas être respectées dans les délais annoncés. Pour le CA de l’UBE, ces annonces fragilisent la parole de l’État et accentuent le malaise dans un secteur déjà confronté à des difficultés structurelles de recrutement et de fidélisation des personnels.
Une enquête controversée sur l’antisémitisme
La méthodologie d’une enquête annoncée sur l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur et la recherche est également mise en cause. Présentée comme un travail scientifique, l’opération s’est révélée être un sondage d’opinion confié à l’IFOP, suscitant de nombreuses interrogations sur sa rigueur et sa légitimité. L’enquête a finalement été interrompue le 28 novembre, sans explications officielles, renforçant le sentiment de confusion dénoncé par les administrateurs.
Un budget 2026 jugé « indéfendable »
Mais c’est surtout sur le terrain budgétaire que l’alerte se fait la plus pressante. Si le projet de budget 2026 prévoit une hausse globale de 157 millions d’euros, les dépenses contraintes augmenteraient de plus de 519 millions d’euros. Résultat : les établissements d’enseignement supérieur devraient trouver 362 millions d’euros d’économies, soit l’équivalent de près de 5 600 emplois, dans un contexte de sous-encadrement déjà bien connu des universités.
Un appel solennel au ministère
Face à cette situation, le Conseil d’administration de l’UBE appelle le ministère à honorer ses engagements, à garantir l’indépendance de la recherche et la liberté académique, et à doter le service public de l’ESR des moyens nécessaires à l’accomplissement de ses missions. Les administrateurs demandent également plus de transparence sur les critères de répartition des moyens entre les universités.
« Ces évolutions questionnent la capacité du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche à remplir pleinement ses missions », conclut la motion adoptée à l’unanimité, faisant de cette prise de position un signal fort adressé aux pouvoirs publics et à l’ensemble de la communauté universitaire.
MOTION PRÉSENTÉE AU CONSEIL D’ADMINISTRATION DE L’UNIVERSITÉ BOURGOGNE EUROPE
Lundi 15 décembre 2025
Récentes déclarations et décisions du ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’espace et inquiétudes sur le budget de l’ESR Les 13 et 14 novembre derniers devait se tenir dans les locaux du Collège de France un colloque intitulé « La Palestine et l’Europe : dynamiques contemporaines », réunissant des scientifiques de différentes institutions de renommée internationale. Faisant l’objet de pressions visant à obtenir son annulation, le ministre a choisi de céder en refusant la tenue de cet événement scientifique, tout en faisant porter la responsabilité de cette décision à l’administrateur du Collège de France. Cet acte d’une rare gravité contribue à entraver la liberté académique, alors que notre ministre devrait être le garant de l’indépendance de la recherche et faire obstacle à toute entrave à l’exercice libre de la recherche publique.
Le 29 octobre 2025, au lieu d’argumenter pour obtenir un budget à la hauteur de nos missions – rappelons que l’ESRE est le seul ministère à ne pas respecter son engagement sur la Protection Sociale Complémentaire –, le ministre de l’ESRE qualifie les universitaires de « bande de nuls » lors d’une audition au Sénat, tout en minimisant la situation financière des établissements.
Par un courrier du 18 novembre, la direction générale de la recherche et de l’innovation a demandé aux présidentes et présidents d’université de relayer un questionnaire présenté comme « une enquête nationale sur l’antisémitisme dans l’enseignement et la recherche », menée par une équipe de chercheurs du CEVIPOF.
Cette enquête se révèle en réalité être un sondage d’opinion commandé par le ministère à l’IFOP. Ce sondage d’opinion ne saurait souffrir la comparaison avec un véritable travail scientifique, tant sa construction est médiocre. Il pèche par la confusion des sujets abordés, l’orientation des réponses souhaitées, mais aussi par l’illégalité du questionnement des agents de la fonction publique par leur autorité de tutelle sur leurs convictions politiques et religieuses, qui plus est sans garantie réelle d’anonymat. Cette enquête a été discrètement interrompue le 28 novembre, sans que quiconque ne revendique la décision d’y avoir mis fin.
Enfin, sur les questions budgétaires, le ministre de l’ESRE n’est pas davantage le garant de la parole de l’État, pourtant gravée dans le marbre par la loi de programmation de la recherche et l’accord sur les rémunérations et les carrières du personnel de l’ESR signés en 2020. Il annonce devant les parlementaires, et sans aucun signe d’embarras, que les étapes prévues pour la revalorisation indemnitaire ne seront pas tenues.
Le budget prévu est indéfendable : si le projet de budget du gouvernement s’accroît de 157 M€, l’augmentation des dépenses contraintes dépasse largement ce montant. Ce sont en effet plus de 519 M€ de dépenses contraintes supplémentaires que les établissements devront assumer en 2026 par rapport à 2025. Les établissements devront donc trouver les moyens d' »économiser » 362 M€ (519 M€ – 157 M€), soit l’équivalent de la masse salariale de 5 600 emplois, alors que le sousencadrement est patent.
Au lieu de nier la réalité de la situation financière actuelle des établissements ainsi que les inégalités qui se creusent, le ministère devrait défendre les besoins du service public de l’ESR afin d’obtenir un budget à la hauteur de ses missions et de leurs enjeux.
Les administrateurs de l’UBE, réunis ce jour pour examiner et adopter le projet de budget initial pour 2026, souhaitent exprimer leur profond désarroi face aux éléments relatés ci-dessus. Les manquements répétés aux principes fondamentaux qui régissent l’enseignement supérieur et la recherche – liberté académique, respect de la parole de l’État, rigueur scientifique et sincérité budgétaire – portent gravement atteinte à l’intégrité du service public de l’ESR. Ils appellent solennellement le ministère à respecter ses engagements, à défendre l’indépendance de la recherche et à doter le service public de l’ESR des moyens nécessaires à l’accomplissement de ses missions et à communiquer les critères utilisés par ses services pour piloter la répartition des moyens entre les universités.
