François Rebsamen l’avait annoncé dimanche dernier suite à l’annonce de la création d’un « parc agriculturel » à la place du quartier libre des Lentillères. Une réunion publique de présentation du projet a eu lieu hier soir, salle de Flore à la mairie de Dijon.
Dans un esprit symbolique, une vingtaine de personnes, membres ou soutiens inconditionnels du quartier libre des Lentillères, se sont rassemblées devant la mairie de Dijon, Place de la Libération, avec pour objectif de participer à cette réunion publique. Problème : l’entrée à cette réunion publique était filtrée par la police municipale. Les raisons avancées pour expliquer cette mesure de filtrage par les policiers municipaux étaient la capacité restreinte de la salle de Flore, qui ne pouvait accueillir que 150 personnes.
Des invitations avaient été envoyées aux riverains pour filtrer les participants. Peu importe pour les membres du collectif du quartier libre des Lentillères, qui, après une longue négociation avec les services de la ville de Dijon, ont pu participer à cette réunion. Une délégation de dix personnes des Lentillères a finalement été autorisée à entrer. François Rebsamen, avec ce projet de création d’un parc sur l’ancien site des Lentillères, savait que le sujet serait difficile à traiter. Qu’importe, cette présentation du projet aux habitants du quartier démontre sa détermination à avancer sur ce projet.
Lors de cette présentation de projet, François Rebsamen n’a pas manqué de rappeler que les jardiniers pourront y continuer leur activité maraîchère, à condition de régulariser leur occupation en signant des baux, « même à titre symbolique » : « Nous ne voulons pas vous faire partir de là. On veut que ceux qui cultivent les terres le fassent dans un cadre légal », a déclaré François Rebsamen.
« Le cadre légal, c’est d’avoir un bail. Ça peut être un bail à l’euro symbolique, mais quand on occupe des terres qui ne nous appartiennent pas, on n’est pas ici en Amérique du Sud avec les agriculteurs sans terre, etc. Ici, on est sur un terrain municipal qu’on préserve pour sa partie maraîchère », ajoutera le maire de Dijon.
Puis il est entré dans le détail du projet : « En face de la résidence sociale Abrioux, on va supprimer le mur : c’est censé être un quartier libre, d’accueil, on souhaite donc l’ouvrir ».
L’urbanisation d’une bande de 1,14 hectare de l’autre côté du mail Guynemer, face aux constructions de ces dernières années, était hier soir au cœur du débat ! « Cette bande n’est pas cultivable et ne l’a jamais été. Avant, il y avait un garage et des abattoirs. Maintenant, il y a un terrain de BMX et une réserve de pierres. On va y faire construire soixante logements », dira François Rebsamen devant les participants qui sont plus que dubitatifs quant à la construction de logements sur cette bande de 1,14 hectare.
La halle désaffectée, qui devait être rénovée pour accueillir des vendeurs de produits alimentaires, de la restauration et des locaux commerciaux, va finalement être désamiantée et démolie à partir de la mi-juillet. « Cette verrue en plein cœur de ce nouveau quartier laissera place à soixante logements, un espace végétalisé et des places de stationnement », dira François Rebsamen. Une maison des services publics s’installera à proximité, au rez-de-chaussée d’un bâtiment existant. « Les habitants pourront y trouver les mêmes informations que dans une mairie annexe, mais aussi sur des organismes publics comme l’Assurance maladie, la CAF, France Travail… »
François Rebsamen, le maire de Dijon, après la présentation du projet, s’est prêté ensuite au jeu des questions/réponses. Il est clair que la présentation du projet n’a pas convaincu une grande majorité de la salle. La bétonisation était une fois de plus au cœur des discussions. Les frictions portent sur la construction de logements sur cette bande de 1,14 hectare, mais pas seulement ! Les échanges furent parfois tendus ; il est clair que deux camps s’opposent !
Si vous ne pouvez pas vivre en ville, il faut aller à la campagne !
Le Quartier libre des Lentillères est un lieu d’entraide, comme l’a rappelé une habitante qui vit dans ce quartier depuis une dizaine d’années : « Mon point de vue n’est pas tout à fait le même que le vôtre […] je vais chercher des légumes une fois par semaine, on peut acheter des légumes pas chers. Il y a du lien social, un lien culturel, pour moi c’est un endroit de fraîcheur. Il y a beaucoup de bétonnage, il fait très chaud pendant la canicule ». François Rebsamen lui répondra : « Je crois qu’on ne s’est pas compris, je vous ai dit que nous allions laisser cultiver pas loin de 7 hectares de terrain […] Sur la canicule, quand il y a la canicule, il fait chaud partout ! Si vous voulez avoir moins chaud, allez au parc de la Colombière, c’est là où il y a le plus d’arbres et c’est le parc le mieux protégé ».
Cette dame interpelle de nouveau le maire et lui dit : « Le problème, c’est qu’il y a eu beaucoup de béton, c’est intenable en été ! » François Rebsamen lui répond : « Il y a des gens qui habitent […] si vous ne pouvez pas vivre en ville, il faut aller à la campagne ! ». La salle s’est alors mise à huer le maire de Dijon, car pour beaucoup, il y avait dans cette réponse une pointe d’arrogance !
Ça ne me dérange pas. Vous ne votez pas, ça ne me dérange pas !
Un homme, qui n’habite pas le quartier, a aussi interpellé le maire de Dijon concernant l’urbanisation d’une bande de 1,14 hectare de l’autre côté du mail Guynemer : « Il faut trouver une solution, il faut végétaliser et rendre cet espace à la nature, et le climat va peut-être s’apaiser à partir de là ! Parce qu’on entend beaucoup de problèmes sur la ville de Dijon et l’artificialisation des sols ». La réponse de François Rebsamen fut cinglante : « Vous avez déjà visité l’ensemble de ce quartier ? ». Réponse de l’homme : « Non ». François Rebsamen lui dit alors : « Bien, alors allez le voir puis nous en reparlerons ! ».
L’homme reste sur ses positions : « Respecter ses 8 hectares, arrêter l’artificialisation, et je pense que la situation serait apaisée, et tout le monde serait content ! » François Rebsamen, qui semble connaître cet homme, répond : « T’as le droit de rêver ! D’ailleurs ça fait assez longtemps que tu le fais, continue à rêver, tant mieux ! Moi, ce que je dis aujourd’hui, c’est qu’il n’y a pas que des gens qui veulent le bien-être des uns et des autres et que tout va bien, et on s’aime et tout ! On a besoin de construire des logements, on va en construire un peu… Est-ce que tu sais ce que ça coûte à la ville ? Je vais te le dire, 10 millions d’euros !«
S’ensuit un dialogue houleux entre l’homme et François Rebsamen. Le maire de Dijon finit par dire : « Pierre, change de voiture d’abord, après tu pollueras moins ! » La salle se met à huer une fois de plus le maire de Dijon, qui répond : « Ça ne me dérange pas. Vous ne votez pas, ça ne me dérange pas !«
Après environ 45 minutes de questions-réponses parfois dans une ambiance tendue, François Rebsamen prendra l’initiative de mettre un terme à la réunion en disant : « Je vais lever la réunion, premièrement. Deuxièmement, on va organiser un référendum avec les habitants du quartier pour leur demander s’ils veulent garder le terrain de BMX, etc., ou s’ils préfèrent un autre aménagement. Et puis, en fonction de leur choix, nous respecterons le résultat du référendum des habitants. » L’ensemble des membres de la majorité assis au premier rang se met à applaudir le maire !
Le maire de Dijon n’a pas donné plus de précisions sur ce référendum ! Une chose est sûre, certaines constructions sont prévues sur le terrain de BMX. Consulter les habitants par voie de référendum est une bonne chose, mais pourquoi ne l’ont-ils pas fait plus tôt, c’est toute la question ! Beaucoup de participants à cette réunion regrettent le comportement du maire de Dijon : « Il est arrogant, c’est incroyable, c’est même inadmissible de parler ainsi aux gens ! » Un homme nous a dit une fois la réunion terminée : « Regardez, ils ont prévu un pot, franchement, ils envoient balader les gens, puis ils offrent un verre, c’est fou !«
Le Quartier Libre des Lentillères, comme le rappellent beaucoup de personnes, est un lieu de vie, un lieu culturel où l’entraide est forte. Le quartier libre des Lentillères est né d’une manifestation fourche en main en 2010, à Dijon, à l’issue de laquelle une centaine de personnes a défriché puis cultivé des terres de qualité à l’abandon menacées par un projet immobilier. De là est né le Pot’Col’Le, une dynamique ouverte et collective de jardinage basée sur l’échange de savoirs. Le Jardin des Maraichères, géré de manière non salariée, permet d’alimenter des marchés hebdomadaires non lucratif à prix libre.
À la croisée de ces deux grandes parcelles, s’entremêlent des dizaines de petits jardins familiaux. Au milieu de tout ça, des fermes occupées, une dynamique de construction de cabanes et d’entretien de lieux ouverts à tous et à toutes pour la promenade, pour des ateliers d’échanges de savoirs divers et variés, des concerts ou des fêtes atypiques. De tout ça naît un quartier bigarré, des collectifs mélangés nourris par plusieurs centaines de personnes. Reste maintenant à connaître les modalités de ce référendum, qui, nous n’en doutons pas, ne réglera certainement pas tous les problèmes !