La restauration de la crypte et de la sacristie de la cathédrale Saint-Bénigne de Dijon s’achève après quatre ans de travaux, conduits de 2020 à 2024. Vestige de la rotonde édifiée en l’an Mil, la crypte a fait l’objet d’un chantier où artisans, archéologues et architectes ont étroitement collaboré. Le lieu est aujourd’hui réouvert au public. Un espace de médiation repensé et accessible sera finalisé en 2024. La sacristie a retrouvé la parure du décor de style néo-gothique qu’elle avait au XIXe siècle. La Direction régionale des affaires culturelles de Bourgogne-FrancheComté a assuré pour l’État, propriétaire, la maîtrise d’ouvrage des travaux de la cathédrale. Ce chantier, entièrement financé par l’État, a bénéficié de 7,9 millions d’euros au total, dont 2,6 millions d’euros au titre du plan France relance. Le lieu sera rouvert au public aujourd’hui à partir de 10h.
LA CATHÉDRALE SAINT-BÉNIGNE : UN LIEU EMPREINT D’HISTOIRE
Ancienne église de l’abbaye du même nom, la cathédrale Saint-Bénigne a connu au fil des siècles de nombreuses modifications et altérations. Aujourd’hui, la crypte se révèle de nouveau.
UN LIEU DE PÈLERINAGE
La cathédrale est implantée sur le site d’une nécropole de la fin de l’Antiquité et du haut Moyen Âge, installée à l’ouest du castrum de Divio, à l’origine de Dijon. L’importance et le développement de cet espace funéraire émerge au milieu du VIe siècle lorsque Grégoire de Tours relate la découverte de la tombe de saint Bénigne (martyr vers 179) par l’évêque de Langres, au-dessus de laquelle ce dernier érige une première basilique. Une abbaye est ensuite fondée en 871. C’est vers l’an Mil que Guillaume de Volpiano arrive à l’abbaye afin de la réformer pour une plus stricte observation de la règle bénédictine. Cette réforme s’accompagne d’un projet de reconstruction de l’église abbatiale. Les travaux débutent en 1001 et un nouvel édifice avec sa rotonde, dont les vestiges sont mis en lumière aujourd’hui, est érigé.
LA ROTONDE
La rotonde est la pièce maîtresse de l’église abbatiale. Raoul Glaber, moine de l’an mil, la décrit comme « la plus admirable des basiliques de toutes les Gaules et de proportions incomparables ». L’église s’étend sur deux niveaux et la rotonde, qui en est le cœur, sur trois. La rotonde doit sa singularité à ses différentes références architecturales, parmi lesquelles le Panthéon de Rome : sa forme et son oculus, ouverture circulaire au milieu de la voûte, en sont directement inspirés. Ainsi le choix du 13 mai pour sa consécration en 1018, fait écho au 13 mai 609, date à laquelle le Panthéon de Rome, alors temple antique, devient une église consacrée à la Vierge Marie.
Le premier niveau de la rotonde, qui constitue l’actuelle crypte, est constitué de 48 colonnes qui forment deux rangées circulaires. Elle donne à l’ouest, du côté de l’église, sur l’emplacement du tombeau de saint Bénigne et à l’est sur la chapelle Saint-Jean-Baptiste. Le deuxième niveau, dédié à la Vierge Marie, également composé de 48 colonnes, était éclairé par 11 baies. Enfin, le troisième niveau, dédié à la Sainte Trinité, était constitué de 36 colonnes et percé de fenêtres. Deux escaliers, en forme d’hélices (ou hélicoïdaux), permettaient de rejoindre les différents étages. Placés de chaque côté de la rotonde, leurs vestiges, mis au jour lors du chantier, sont aujourd’hui visibles. La rotonde témoignait également d’un riche décor sculpté. Les chapiteaux conservés sont ainsi parmi les premiers à avoir représenté des figures humaines dans l’art roman. Certaines mosaïques au décor riche nous sont parvenues : elles ornent encore en partie le pourtour du tombeau de saint Bénigne.
L’ÉGLISE GOTHIQUE DU XIIIE SIÈCLE
Suite à plusieurs effondrements et incendies successifs, l’église romane est finalement détruite. Une église gothique, qui correspond à l’actuelle cathédrale, est construite à partir de 1281. La rotonde est alors conservée mais ne communique plus directement avec le chœur de l’église. Elle n’est plus que rarement utilisée pour le culte, en particulier à partir de 1288, date à laquelle les reliques de saint Bénigne sont transférées dans l’église.
LA CATHÉDRALE EN 1792 ET LA DESTRUCTION DE LA ROTONDE
À la Révolution, l’abbaye est démantelée et l’église devient la cathédrale du diocèse de Dijon récemment institué. La rotonde, jugée vétuste, est détruite en 1792 et son premier niveau comblé avec du remblai. Ce n’est qu’au milieu du XIXe siècle, dès 1843, puis surtout lors des travaux pour la construction de la sacristie à partir de 1858, que la partie inférieure de la rotonde est redécouverte. Rapidement, des fouilles et travaux de restauration de la rotonde sont réalisés sous la direction de Prosper Mérimée, alors inspecteur des monuments historiques. Plusieurs campagnes de fouilles et restauration vont se succéder. En 1867, la construction de la sacristie est finalisée mais la restauration de la rotonde, dont les colonnes ont été dégagées, est laissée inachevée. L’eau s’infiltre, des décombres subsistent. En 1879, des travaux d’urgence sont entrepris mais ce n’est qu’en 1890-1891, que la restauration est finalisée avec notamment l’intégration de dispositifs d’assainissement. Lors de cette restauration de la crypte, des colonnes sont reconstituées et lorsque c’est possible, des chapiteaux anciens sont réutilisés. Les pièces décorées qui ne sont pas réemployées sont aujourd’hui au musée archéologique de la ville de Dijon. Toutefois, des problèmes d’infiltrations d’eau persistent malgré des travaux en 1937. La sacristie du XIXe siècle perd, quant à elle, une grande part de son ornementation dans la seconde moitié du XXe siècle. La pierre étant trop abîmée, la crête en couverture, les balustrades et les galbes sont supprimées. La couverture en ardoises est alors remplacée par la tuile rustique.
LA RESTAURATION : MISE EN LUMIÈRE DES VESTIGES DES SIÈCLES
En 2014, la Direction régionale des affaires culturelles, service du Ministère de la Culture en région, engage une étude en vue de travaux de restauration de la crypte et de la sacristie. Confiée à l’architecte en chef des monuments historiques, Eric Pallot, et reprise par son successeur, Martin Bacot, elle conduit au chantier qui s’achève aujourd’hui
DES FOUILLES ARCHÉOLOGIQUES QUI ONT FAIT ÉVOLUER LE CHANTIER
Le chantier de restauration, de 2020 à 2023, a été accompagné par des recherches archéologiques comprenant des fouilles à l’intérieur de la crypte, dans la cour ainsi que des études sur les élévations. Elles complètent celles qui avaient été menées dans les années 1970 et les années 2000 (2003, 2010 et 2014). Le Centre d’études médiévales d’Auxerre a conduit ces fouilles sous la responsabilité scientifique de Sylvain Aumard et le contrôle scientifique et technique de la DRAC. Au fil des découvertes, elles ont permis de faire évoluer le projet de restauration et d’en apprendre plus sur l’église romane.
Les enjeux scientifiques étaient multiples : le chantier de l’an Mil (techniques de construction, approvisionnement en matériau et progression du chantier), le programme architectural de Guillaume de Volpiano (configuration du sanctuaire, de la croisée et de la rotonde), la réception et l’aménagement de l’édifice par les générations suivantes (création de diverses ouvertures d’éclairage ou de ventilation), le plan du mausolée et son intégration dans le programme initial d’époque romane puis, l’incorporation de cet ensemble dans le nouvel édifice gothique. Si l’étude des données archéologiques est encore en cours, celles-ci permettent néanmoins déjà de dévoiler une partie de l’histoire du lieu. Ainsi, les deux tours d’escalier ont été remises au jour. Entièrement déblayées, elles laissent apparaître les vestiges de deux escaliers hélicoïdaux. Les ouvertures menant à la rotonde ont été rétablies et sont aujourd’hui visibles du public. De conception remarquable, avec leur noyau central et leur volée de marches hélicoïdales, les rares parallèles de ces escaliers seraient à chercher au Proche-Orient (basilique Sainte-Sophie de Constantinople). La réouverture d’une citerne, créée au XIXe siècle en face de la chapelle Saint-Irénée, a permis de retrouver, préservées, des colonnes qui sont parmi les rares vestiges de la rotonde encore dans leur position d’origine. Ces colonnes, surmontées de chapiteaux ornés de feuillages sculptés, faisaient partie de deux travées du transept nord de l’église romane du XIe siècle, tronquée au moment de l’édification de l’église gothique. Le mur récent qui séparait cet espace de la chapelle Saint-Irénée dans la crypte a été abattu. Mis en lumière, ces vestiges sont désormais visibles du public. L’étude du mausolée, espace quadrangulaire situé à l’extrémité orientale de la crypte ainsi que les fouilles effectuées au-dessus, dans la cour de l’École nationale supérieure d’art (ENSA), qui jouxte la cathédrale, ont montré que cette construction était contemporaine de la rotonde. Elle faisait partie d’un vaste programme architectural qui n’a pas été réalisé en totalité, comportant église basse et église haute. Les analyses au radiocarbone des charbons de bois confirment une période de construction des Xe-XIe siècles. Les fouilles ont ainsi apporté un éclairage nouveau sur la crypte de Saint-Bénigne, sur l’évolution de son utilisation et les différentes modifications qui ont pu être faites au fil des siècles.
UN CHANTIER DE RESTAURATION
Au fil du temps, des infiltrations d’eau ont considérablement dégradé les maçonneries. Les travaux réalisés assurent l’étanchéité de la rotonde, par la réalisation d’un nouveau revêtement dans la cour de l’ENSA, qui se déploie au-dessus de la crypte. Le marquage au sol permet d’ailleurs d’en figurer le plan. Les maçonneries et les chapiteaux romans ont été restaurés et mis en valeur. La suppression des joints au ciment et la restitution d’enduits disparus renouent avec l’aspect d’origine des murs de la rotonde. Ils ont fortement contribué à rendre la lisibilité des volumes et a souligné le caractère monumental du parti architectural développé par Guillaume de Volpiano. Par ailleurs, la sacristie, construite au XIXe siècle au chevet de l’église gothique et dont les maçonneries étaient très dégradées, a également été restaurée. Son ornementation est recréée telle qu’elle était à l’origine. La restauration a également tenu compte des nouvelles connaissances acquises lors des fouilles archéologiques menées en 2014, puis entre 2020 et 2023. Certains éléments sont ainsi mis en valeur suite à leur étude, à l’image des vestiges des deux escaliers de la rotonde. Des puits de lumière ont ainsi été réalisés et une volée de marches a été ajoutée afin de figurer l’escalier qui conduisait dans les étages. Enfin, une ouverture circulaire réalisée au milieu des vestiges, rappel de l’oculus originel de la rotonde, a redonné à la crypte son éclairage naturel. Martin Bacot, architecte en chef des monuments historiques, a assuré la maîtrise d’œuvre de ces travaux.
UN NOUVEL ESPACE POUR L’ACCUEIL DU PUBLIC
Grâce à la création d’un espace d’accueil dans une ancienne sacristie dotée d’un ascenseur, un nouveau circuit de visite permet l’accès à la crypte pour des groupes plus nombreux et pour les personnes à mobilité réduite. À terme, cet espace sera également le lieu d’un dispositif de médiation retraçant l’histoire singulière du monument et aidant à sa compréhension par des panneaux explicatifs et des maquettes. D’autres panneaux présents dans la crypte complèteront la visite. Une visualisation du plan ancien de la rotonde a été créée sur le sol de la cour de l’École nationale supérieure d’art de Dijon. La crypte se trouve en partie sous cette cour et le visiteur pourra ainsi visualiser l’emprise de l’édifice. Confié par le Centre des monuments nationaux à l’association diocésaine, l’accès de la crypte au public se fera aux heures d’ouverture de la cathédrale, avec une politique tarifaire accessible pour en faciliter la découverte au plus grand nombre. Des visites guidées seront organisées en partenariat avec les services patrimoniaux de la ville de Dijon.