Les universités françaises sont à un tournant crucial. Engagé pour la défense du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, Vincent Thomas, président de l’université de Bourgogne, tire la sonnette d’alarme face aux contraintes budgétaires croissantes qui menacent la viabilité de l’ensemble des établissements du pays.
Vincent Thomas, qui faisait partie de la délégation de France Universités reçue par le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, exprime ses profondes inquiétudes concernant l’état de la situation. Depuis de nombreuses années, les universités doivent assumer des missions toujours plus variées et importantes : soutien à l’insertion professionnelle des étudiants, implantation dans les territoires, prise en charge accrue de l’inclusion et du handicap, actions en faveur de la santé étudiante, lutte contre les violences sexistes et sexuelles, engagement pour la transition écologique… Toutes ces missions sont indispensables, mais leur financement n’a jamais été compensé de manière suffisante par l’État.
Ces dernières années, des mesures nationales relatives aux ressources humaines, bien que louables, ont également été imposées sans compensation financière intégrale. C’est le cas des revalorisations salariales dites « Guérini » (augmentation de 3,5% en 2022, de 1,5 % en 2023, et revalorisation de 5 points en 2024), qui représenteront un coût de 4,2 millions d’euros pour l’université de Bourgogne en 2024. À cela s’ajoute le glissement vieillesse technicité (GVT) qui augmentera la charge à hauteur de 1,6 million d’euros, ainsi que d’autres dispositifs tels que le forfait mobilité durable, le Compte Épargne Temps (CET), et les indemnités liées au télétravail, qui représentent un surcoût de 0,2 million d’euros déjà assumé par l’établissement en 2024 et qui se poursuivra en 2025.
En outre, l’université de Bourgogne a dû absorber l’augmentation des coûts énergétiques liée à la crise énergétique, ce qui a entraîné une pression supplémentaire sur ses ressources. En 2025, l’université de Bourgogne devra assumer des charges nouvelles représentant déjà 7,4 millions d’euros, en raison notamment de l’augmentation des cotisations au Compte d’Affectation Spéciale destiné au régime de retraite des fonctionnaires (CAS Pensions), une mesure récemment annoncée par le Gouvernement, qui entraînera un surcoût supplémentaire de 3,475 millions d’euros.
Au total, les nouvelles charges non compensées atteignent donc 7,4 millions d’euros au titre du budget 2025, s’ajoutant aux lourdes charges non compensées par l’État ces dernières années. Le fonds de roulement des universités – souvent perçu à tort comme un « trésor de guerre » ou une réserve disponible sans conséquence – est en fait un outil essentiel pour mener des projets structurants à long terme. En l’épuisant de manière drastique, l’université se dirige vers une éventuelle asphyxie budgétaire. Ce fonds de roulement permet pourtant de porter des opérations cruciales telles que la rénovation des bâtiments, l’acquisition d’équipements pédagogiques modernes, et le soutien à l’innovation dans la recherche.
Ce désengagement de l’État menace directement l’avenir de l’université. Faute de ressources suffisantes, des choix drastiques devront être faits, notamment en matière de rénovation bâtimentaire, d’investissements pédagogiques et de soutien à la recherche et à l’innovation. Or, ces éléments sont cruciaux pour assurer la qualité de la formation et de l’expérience étudiante, tout en maintenant la compétitivité des universités françaises sur la scène internationale. Les universités sont non seulement des lieux d’enseignement, mais aussi des moteurs d’ascension sociale et de développement économique dans nos territoires. En leur retirant les moyens d’agir, c’est tout un système que l’on fragilise.
À terme, c’est l’attractivité même de l’enseignement supérieur et de la recherche publics qui est en jeu. Alors que les universités françaises ont su s’imposer ces dernières années dans les classements internationaux, le désengagement financier actuel pourrait réduire à néant ces progrès. Pour Vincent Thomas, il est crucial que l’État assume pleinement ses responsabilités. « Un principe de bon sens est que le décideur soit le payeur », rappelle-t-il.
L’université de Bourgogne, profondément attachée aux valeurs du service public, refuse de renoncer à ses ambitions. Le temps est venu pour l’État de montrer qu’il est prêt à soutenir réellement ceux qui, au quotidien, œuvrent pour l’avenir des étudiants et des territoires. Sans un engagement ferme et concret, c’est l’avenir même de notre système universitaire qui est compromis.
Face à ce désengagement progressif, les universités se verront contraintes de freiner leurs initiatives, notamment en matière de rénovation bâtimentaire, d’appui à l’innovation et à la recherche, mais aussi en matière d’investissements pédagogiques et d’offre de formation. Cela est d’autant plus regrettable que les universités françaises ont acquis ces dernières années une visibilité incontestable dans les classements internationaux. C’est un coup dur porté à celles et ceux qui, au quotidien, s’investissent dans nos établissements. C’est un coup dur porté au rôle d’ascenseur social que sont les universités pour nos étudiants. C’est un coup dur porté à l’action de développement économique auquel nous contribuons largement dans nos territoires.
L’université de Bourgogne, comme toutes les autres institutions engagées dans le service public, refuse de renoncer à ses ambitions. Vincent Thomas appelle ainsi l’État à prendre des mesures concrètes pour compenser les coûts imposés aux universités et pour leur permettre de poursuivre leur mission au service des étudiants, des territoires et de la société. « Nous ne pouvons pas accepter une asphyxie budgétaire qui nous priverait de tout levier d’action, alors même que notre mission est d’assurer l’avenir des jeunes générations et de participer activement au développement de notre société ».
L’heure est donc à la mobilisation selon Vincent Thomas : pour préserver l’excellence de l’enseignement supérieur et de la recherche français, pour garantir une formation de qualité à tous les étudiants, et pour soutenir les missions essentielles des universités, l’État doit impérativement assumer ses responsabilités et apporter le soutien financier nécessaire.